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Raoni, un chef amérindien du Brésil, se bat contre la destruction de sa terre
Un projet pharaonique de barrage hydroélectrique en pleine réserve amérindienne.
En pleine Amazonie, au nord du Brésil, dans l’Etat du Para (voir carte), la compagnie Norte Energia, et la Companhia Hidro Electrica do Sao Francisco veulent construire le 3ème barrage le plus important du monde. Après plus de trente ans de combat avec les populations locales qui s’opposent au projet , une autorisation de construction le 26 janvier 2011 a été délivrée. Malgré les réticences des juridictions de l’Etat du Para qui avaient fait « barrage » à la construction du projet. En effet, le juge Antonio Almeida Campel avait ordonné l’arrêt des travaux en avril dernier, ainsi le juge Ronaldo Desterro lui aussi, qui avait formulé aussi des réticences.

Les travaux de construction devraient durer 8 ans. Les 72 turbines généreront probablement une production électrique qui tournerait autour de 11 230 MW.

La construction du barrage va donner naissance à un réservoir de 6140 km2, soit six fois la Martinique uniquement pour le réservoir.

Le barrage, pour quoi faire ?

Il semblerait que le chiffre avancé soit que le barrage fournirait de l’électricité à 35 millions de personnes ; Par ailleurs on trouve également l’information qu’il permettrait l’extraction de bauxite, dans le but de la transformer en aluminium. (wikipedia.org)

Si cette dernière assertion se vérifie sur le terrain, il faut savoir qu’il faut en effet beaucoup d’électricité pour séparer la bauxite de l’alumine. Pour que le processus ait lieu, cette séparation génère une boue rouge et mortelle, qui libérée dans les milieux environnants, tue absolument tout : la végétation comme les animaux. Et comme les déchets peuvent se retrouver très loin du lieu de pollution, nombreux sont les pays qui ont renoncé à ce type d’exploitation industrielle.

L’Australie est un des seuls à exploiter la bauxite, mais elle le fait dans des zones désertiques, loin de toute population et de toute végétation.

Qui est à l’origine du projet ?

Le projet doit être réalisé par Norte Energia. A l’origine le plus gros investisseur était la la BNDES (Banque Nationale Brésilienne pour le développement) à hauteur de 80 %. Il semblerait que ce soit Norte Energia, une filiale d’Electrobras qui l’exploiterait. Par ailleurs ALSTOM a annoncé la signature d’un contrat d’environ 500 millions d’euros avec la compagnie brésilienne Norte Energia pour la fourniture d’équipements destinés au complexe hydroélectrique de Belo Monte . Alstom sera à la tête d’un consortium formé avec l’allemand Voith et l’autrichien Andritz, chargé de fournir quatorze groupes turbo-alternateurs Francis de 611 MW chacun et six groupes turbo-alternateurs de type bulbe. Alstom, pour sa part, fournira 7 des unités Francis, du matériel mécanique, ainsi que les postes électriques pour les quatorze unités Francis. (www.daily-bourse.fr)

Par ailleurs la présidente Dilma Rousseff qui a succédé à Lula a utilisé le barrage comme argument électoral dans la campagne pour la succession; Elle proposait donc de l’électricité bon marché
moins de 83 reais [35 euros] le mégawatt-heure. En rendant possible l’expansion de la production énergétique à un prix équivalent à celui de Jirau et Santo Antonio, les deux centrales du fleuve Madeira dans l’Etat du Rondônia [leur construction par GDF-Suez sur le principal affluent de l’Amazone. Par ailleurs l’échec de ce projet serait une victoire pour ses opposants politiques : José Serra [le gouverneur de l’Etat de São Paulo, candidat du Parti social-démocrate brésilien (PSDB), centre droit, battu par Lula en 2002]. Rousseff doit donc tenir les promesses qu’elle avait mis en avant durant la période électorale. Le très controversé barrage, son impopularité doivent bien évidemment mettre mal à l’aise celle qui a succédé à Lula. Dans son programme, Dilma Rousseff se positionnait comme voulant éradiquer la grande pauvreté, avec au programme : électricité, eau, santé, tout-à-l’égoût.. pour la majorité des brésiliens; Dans l’intérêt général, des décisions difficiles doivent être prises, on le comprend, mais en ce faisant, causer de la misère et la désolation par ailleurs, n’est pas nécessairement acceptable.

C’est pour cette raison que les choix qui étaient auparavant considérés comme rentables, doivent être aujourd’hui envisagés en tenant compte de leur impact environnemental. Car il ne faut pas se voiler la face, ce type de projet très pharaonique « date »; Aujourd’hui les énergies renouvelables peuvent être impulsées par un grand pays comme le Brésil ;Des fermes photovoltaïques, dans une région comme le Mato Grosso qui a de vastes zones désertiques, sans gêner ni déplacer des populations pourraient être envisagées, des champs d’éoliennes… Et la communauté internationale, mobilisée pour la protection de l’environnement brésilien et des peuples autochtones, pourrait bien aider en faisant la proposition d’autres types de projets générant de l’électricité bon marché, sans pour autant provoquer la dégradation de l’environnement.

Un vieux projet dont l’origine date de 1979, qui a toujours suscité de vives oppositions.

Les juridictions de l’état du Para, le juge Antonio Almeida Campel, puis le juge Ronaldo Desterro ont tous les deux ont tous les deux estimé que le projet devait être interrompu. Le chef amérindien kayapo, Raoni Metuktire, se bat depuis des années contre ce projet. Ce chef charismatique amérindien est devenu célèbre dès 1977, grâce à un film présenté à Cannes par Jean Pierre Dutilleux. Par la suite, Dutilleux transforme l’essai en parvenant à impliquer Marlon Brando en le filmant pour la version anglaise. Raoni est alors nominé aux Oscars et projeté au Mann’s Chinese Theatre de Los Angeles. Le Brésil fait un triomphe au film et Raoni devient l’Indien le plus célèbre du Brésil.

Petit à petit, les préoccupations du peuple kayapo, inquiet de l’accélération de la déforestation, sont connues du grand public, qui est de plus en plus sensible à la question. Son action avec Sting en 1989 contribue nouveau à sensibiliser à la nécessaire protection des forêts non pas seulement pour la préservation des peuples amérindiens de l’Amazone mais aussi dans l’intérêt mondial.

Plusieurs fondations « Rainforest » sont alors créées, « avec comme premier objectif de récolter des fonds pour aider à la création, en Amazonie, dans la région du XINGU, d’un parc national d’une superficie d’environ 180 000 Km2 (un tiers de la France environ). En en 1993, suite au formidable engouement suscité par sa venue, ce parc, situé sur les Etats du Mato Grosso et du Para, est aujourd’hui l’une des plus grandes réserves de forêts tropicales de la Terre. A la suite de cette campagne, le G7 débloquera les fonds nécessaires à la démarcation de toutes les réserves indigènes existantes à ce jour au Brésil. François Mitterrand, le premier, a soutenu l’initiative de Raoni ; Par la suite, d’autres chefs de gouvernement vont lui apporter son soutien : Jacques Chirac, le roi d’Espagne Juan Carlos, le Prince Charles et le Pape Jean-Paul II… » (Source : site de Raoni).

Dans les années 2000, la pression foncière est de plus en plus forte dans l’Amazonie brésilienne : la poursuite de la déforestation pour répondre aux commandes extérieures en bois précieux, est dénoncée par Raoni. à l’occasion d’un déplacement en France. Il obtient le soutien du Président Jacques Chirac pour son projet d’Institut Raoni, projet de préservation d’une immense zone de forêt tropicale au cœur de l’Amazonie brésilienne. Malgré une étude de faisabilité financée par la France et de grandes espérances, le projet est finalement gelé.

Le chef Raoni, est facilement reconnaissable car il porte fièrement le costume traditionnel et son labret, symbole des guerriers prêts à mourir pour leurs terres. Et ce n’est pas un détail car il doit se battre, en effet, depuis quarante ans, pour que les terres ancestrales et son peuple ne soient plus inquiétés par les convoitises occidentales.

Mais ce n’est pas que le combat d’un groupuscule au sein de la forêt amazonienne. Il s’agit d’un groupe important qui concerne plusieurs milliers de personnes (plus de 80 000) et également le combat de la communauté internationale. L’opposition des protecteurs de l’environnement et des personnes (Amnesty International, par exemple, aux côtés des populations locales amazoniennes)- a su apporter le soutien moral au combat de Raoni pour la préservation de ces terres. En effet des personnalités comme le réalisateur et producteur James Cameron, l’artiste et gouverneur de l’Etat de Californie : Arnold Schwartzennegger, et le chanteur Sting, comme on sait. Mais également de nombreux citoyens du monde, sensibles au combat de ce chef, mais aussi soucieux de préservation de l’environnement, ont participé en signant une pétition qui a recueilli plus de 600 000 signatures, mais qui, semble-t-il, a été ignorée par le gouvernement brésilien.

Plusieurs ethnies vivent le long du fleuve Xingu, dans le nord du Brésil, et se nourrissent de la pêche pour la plupart, activité ancestrale qu’ils ne pourront plus pratiquer à cause de ce projet, mais surtout principale source de leur alimentation. Comment l’IBAMA a t-elle pu donner son accord pour un tel projet ? En réalité, l’IBAMA en question n’est rien d’autre que le ministère de l’environnement brésilien, et donc représente les intérêts du gouvernement , or si le gouvernement préfère sacrifier l’environnement et les peuples autochtones du Xingu, sur le boucan du capitalisme industriel, il faudra convaincre le gouvernement qu’il a tout à perdre à cautionner un tel projet.

Pourquoi s’opposer à ce projet ? Quel impact sur l’environnement ?

– Déplacement de plus de 40 000 personnes seront déplacées. Plus précisément 18 000 de manière directe et 80 000 de manière indirecte.

– Biodiversité détruite (espèces endémiques vont disparaître).

– Paysages détruits.

– Pollution

– Déforestation

Ce projet pharaonique d’ailleurs ne créerait pas de nombreux emplois puisqu’on parle de 2000 postes fixes.

Le droit qui protège les peuples autochtones.

La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, votée en septembre 2001, n’est-elle qu’un texte, en effet comme le nom l’indique uniquement « déclaratif », destiné à donner bonne conscience à l’occident face aux exactions, spoliations en tout genre qui sévissent sans cesse ? Apparemment le Canada a eu le courage de voter contre, mais le Brésil, semble-t-il, s’était prononcé pour ! A quoi sert d’apposer sa signature sur un texte lorsque l’on s’empresse sur le terrain dans ses actes de se désavouer ?
Petit rappel pour le chef Raoni :
Résolution adoptée par l’Assemblée générale, 13 septembre 2007- Les peuples autochtones ont des droits,
Article 10
Les peuples autochtones ne peuvent être enlevés de force à leurs terres ou territoires. Aucune réinstallation ne peut avoir lieu sans le consentement préalable
– donné librement et en connaissance de cause – des peuples autochtones concernés et un accord sur une indemnisation juste et équitable et, lorsque cela est possible, la faculté de retour.

L’occident a l’art de faire le meilleur en théorie et le pire en pratique. D’autant que l’on sait par expérience que les projets pharaoniques sont très destructeurs et trop souvent dangereux. Pourquoi ne pas favoriser des projets à échelle humaine sans détruire autant la nature que les hommes qui y habitent depuis des millénaires et qui en sont les légitimes propriétaires ? De quel droit disposez-vous de terres qui ne vous ont jamais appartenu ? De que droit vous êtes-vous installés sur des terres qui n’étaient pas les vôtres et que les autochtones ont défendu avec les forces dont ils disposaient mais qui n’étaient pas en mesure, compte-tenu de leur infériorité technologique et leur affaiblissement physique (épidémies répandues par les vôtres) de résister ? Aujourd’hui les circonstances vous donnent l’occasion de réparer les erreurs de vos ancêtres et vous vous comportez comme eux, ne voyant que votre intérêt et les profits que vous pourrez en tirer. Vous avez abordé cette terre avec convoitise, et vous continuez à oeuvrer avec orgueil et convoitise ; L’homme ne changera donc jamais ? Dans votre journal (Je parle de la tribune de Genève), vous titrez par ailleurs que le chef Raoni est « à l’âge de la pierre » tandis que vous vous êtes « à l’âge du coeur de pierre, et si vous pensez être à l’ère spatiale, vous êtes en réalité à l’ère de la bêtise monumentale, démontrant par les choix désastreux en matière d’environnement) que vous n’avez toujours pas compris que vous êtes en train de détruire cela même qui fait vos profits : la terre.

Au début de la colonisation certains espagnols et portugais étaient assez stupides pour tuer tant d’indiens qu’après ils en mouraient de faim car personne ne pouvait leur venir en aide tant ils avaient vidé la région. Les mêmes attitudes provoquent aujourd’hui les mêmes effets, avec cela en plus qu’à l’ère du spatial, on aurait pu espérer mieux des hommes ; Les mentalités restent aussi pitoyables qu’au temps des croisades et des découvertes mais l’occident souffre de manque d’humilité voyant l’infériorité, là où il faudrait voir d’autres modes de vie.

Par ailleurs, les peuples autochtones du Brésil sont les descendants de grandes civilisations amazoniennes aujourd’hui disparues.

Le Haut-Xingu et le Xingu abritaient en effet autrefois de grandes civilisations. Longtemps on a cru que l’Amazonie ne pouvait abriter de grandes civilisations, car les recherches européennes avaient rapidement abouti à la conclusion que l’agriculture intensive ne pouvait pas être pratiquée en Amazonie, l’homme, avaient-ils rapidement conclu, avait du rester ainsi à l’âge de pierre depuis des générations. Mais cela ne correspond pas à la réalité. On sait aujourd’hui que ces civilisations ont été détruites avec l’arrivée des premiers colons sur les littoraux et avec les incursions de l’expédition de De Orellana à l’intérieur des terres. Et que ces civilisations avaient donc subi un recul. Les épidémies venues d’Europe ayant décimé ces populations. Les peuples autochtones du Brésil d’aujourd’hui, fragiles et précieux, sont des vestiges humains de ces grandes civilisations que l’occident a contribué à faire disparaître.

Marie-Line Mouriesse

Si vous voulez signer la pétition :

http://www.raoni.fr/signature-petition-1-FR.php

Publié il y a 5th June 2011 par Marie-Line Mouriesse

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10 ans d'engagement social et politique. Droit d'auteur © 2015 par Marie-Line Mouriesse est sous licence License Creative Commons Attribution - Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

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