😯 ème anniversaire de André ALIKER
Il y a 80 ans…André ALIKER était retrouvé, assassiné.
Publié le 12 mars 2015- par Marie-Line Mouriesse.
Ce week-end, les 11 et 12 mars, à Case-Pilote, l’heure était à la commémoration des 80 ans de la mort du célèbre journaliste André ALIKER, retrouvé assassiné sur la plage de Fond-Bourlet…
Un homme et … une vérité, qui dérangent…
Le 11 janvier 1934, un jeune garçon découvre un corps d’homme ligoté, les mains derrière le dos, sur une feuille de tôle sur la plage de Fond Bourlet. La population est alors secouée par la violence de l’évènement.
Après identification du corps, il s’avère qu’il s’agit du corps du journaliste communiste originaire du Lamentin, André ALIKER, né dans une famille d’ouvriers agricoles. Le corps avait été relié à une pierre, afin qu’il reste au fond de la mer, mais s’en était détaché, et a ainsi pu être ramené sur la plage par la houle.
L’Affaire AUBERY
André ALIKER menait alors, une enquête à propos d’une fraude fiscale colossale, pas moins de 8 millions de francs…, par Eugène AUBERY, gendre de Gabriel HAYOT, fraude donc qu’il dénonçait.
Alors que la fraude fiscale, compte-tenu de son importance, aurait du donner raison au journaliste d’investigation qu’était André ALIKER, l’état colonial va alors soutenir le fraudeur, en remerciant le premier juge, DUCHEMIN saisi de l’affaire et qui avait donné raison à Aliker en première instance, en embarquant ce dernier dans un vaisseau en partance pour la métropole et en le nommant au Sénégal. Finalement Mr AUBERY,contre toute attente, non seulement gagne son procès mais, alors qu’il a une importante dette à verser aux services fiscaux, se voit exonéré de sa dette et gratifié de 80 000 F en sus.
Un contexte colonial, un contexte de crise, mais aussi un contexte de montée des fascismes dans le monde.
Pour comprendre le contexte, il faut avoir en mémoire que la Martinique est une colonie de l’empire français, et qu’en 1934, au moment de l’assassinat de André ALIKER, Staline est au pouvoir en URSS. Le « péril communiste » fait peur depuis la révolution de 1917, et fait surtout peur aux puissances d’argent très attachées à leurs biens « propriétés diverses ». Le journaliste ne cache pas ses convictions politiques communistes et n’hésite pas parfois à signer « L’oeil de Moscou ».
Il faut aussi rappeler l’importante collusion entre pouvoirs coloniaux et dynasties de planteurs, propriétaires fonciers de l’île. Cela n’a pas vraiment beaucoup changé, car parfois la réalité flaire des relents du passé, quand on voit les autorisations accordées par le préfet concernant l’épandage. Malgré les actions menées par certains partis comme Martinique-Ecologie et par des membres de l’ordre des médecins de la Martinique, les représentants de l’Etat estiment préférable de ne pas mécontenter ce puissant lobby.
Le contexte international en 1934 est aussi un contexte de crise économique mondiale. La crise de 1929, qui avait débuté aux USA à New-York se fait sentir en France avec un décalage, puisque c’est surtout en 1931 et 1932 que la France en ressent les effets les plus manifestes (misère, grèves, et longues files d’attente des soupes populaires).
L’année précédant l’assassinat de André ALIKER a vu l’arrivée au pouvoir de Hitler. Le vieux président Hindenburg est certes encore vivant (il ne mourra de son cancer au poumon qu’en août) mais le nouveau chancelier en Allemagne n’est autre que…Adolf HITLER.
Quant à Mussolini il sévit en Italie en tant que président du conseil dès 1922. Trois ans après l’assassinat de ALIKER en Martinique, aux USA, Billie Holiday chante le poème Strange fruit, de l’enseignant d’origine russe Merropol, pour évoquer les lynchages de noirs dans les états du sud et les excès du Ku-Klux-Klan. Et le monde dit « scientifique » sécrète à l’époque des théories eugénistes, présentant certaines « races »comme « inférieures » et d’autres « supérieures » et on a pu voir les dégâts de ces théories dans l’histoire qui a suivi.
Il s’agit du passé, certes, il ne faut cependant pas être naïfs, des combats importants sont encore à mener aujourd’hui sur de nombreux sujets : combat pour la liberté d’expression que l’on croyait acquise, combats pour le contrôle des prix, pour une augmentation du pouvoir d’achat et de la qualité de vie, pour des transports pour tous, et la possibilité de circuler sur l’ensemble du territoire, combats pour l’interdiction de l’usage de pesticides dangereux pour les populations et pour le droit à être en bonne santé, pour une amélioration du cadre de vie des martiniquais, pour l’interdiction du cumul des mandats afin que davantage de citoyens puissent travailler à contribuer à l’amélioration du pays, combats pour le développement des énergies renouvelables adaptées à la réalité locale…combats pour qu’il y ait une réelle redistribution des richesses, pour que les revenus des capitaux soient soumis à une fiscalité plus équitable.
Quel sens donner à cet hommage, aujourd’hui ?
Armand NICOLAS, historien.
Conférenceà Case-Pilote-Le maire, Ralph MONPLAISIR au premier plan
L’anniversaire de André ALIKER nous invite à nous poser des questions concernant nos choix actuels, les modes d’action sociale et de changement à envisager. Il nous invite à nous interroger sur nos lâchetés à combattre la corruption, à lutter contre les inégalités encore actuelles où la classe moyenne porte tout le poids d’une fiscalité injuste que les grandes fortunes contournent par diverses ruses et placements dans des paradis fiscaux, ou plus simplement en fuyant la fiscalité et en choisissant les délocalisations bien commodes pour maximiser les profits.
L’assassinat de André ALIKER nous rappelle nos bassesses, nos résignations, nos atermoiements, les placements de nos clientèles… L’assassinat de André ALIKER nous rappelle que nous avons toujours des combats à mener…. tant dans le champ social que dans le champ économique, car même aujourd’hui sous le mot « profitasyon », les puissances d’argent continuent à exploiter la population par l’intermédiaire de la Grande distribution qui appauvrit la population en pratiquant des prix élevés et pas toujours justifiés. L’objectif étant de maximiser leurs profits, même si au passage cela peut contribuer à enlever aux plus humbles la possibilité de vivre dignement, pour que eux, par contre, puissent se repaître dans le luxe.
T.S Aliker, Photo Jonaz.
Armand NICOLAS, rappelle que l’évènement du 11 janvier 1934 est révélateur de la lutte des classes qui existe entre classes dominantes et classes dominées, qu’il s’agit d’une lutte politique et d’une combat à mener qui est toujours actuel. Certes, que les dominants d’aujourd’hui n’utilisent pas les mêmes armes qu’autrefois, mais d’autres types d’armes plus subtiles : le mécénat, par exemple, afin d’endormir et de soumettre les consciences mais qui est plus simplement une manière de payer moins d’impôts.
C’est pour cela, que l’on a, hier, posé sur la tombe, d’André ALIKER, à 11 heures, une gerbe en son honneur. Car il incarne nos valeurs. C’est pour cette raison qu’aujourd’hui sur le lieu de la découverte de son corps, à Fond Bourlet dans la commune de Case-Pilote, nous avons lancé une autre gerbe, puis qu’une conférence de l’historien martiniquais Armand NICOLAS a été organisée, c’est parce que André ALIKER incarne le courage. Le courage de celui qui se bat pour la vérité, pour la justice et pour une certaine idée de la politique, celle qui est au service de la majorité et non pas une mascarade destinée à servir les intérêts financiers d’une minorité. Tous conscients que ce courage en politique est une qualité rare, et qu’il peut réclamer de lourds sacrifices. C’est d’ailleurs cela la politique, par définition la vie de la cité, la défense de l’intérêt général et cela suppose un contrat social, qui doit être un contrat de confiance entre les élites et le peuple.
Sur la plage de Fond Bourlet dimanche matin.Photo Jonaz.
Nous étions nombreux à honorer André ALIKER, des hommes de gauche, comme de droite, de simples citoyens , parmi les personnalités présentes : Armand NICOLAS, historien et militant , Michel BRANCHI, le rédacteur en chef du journal Justice, le journal de ALIKER, Madeleine et Renaud DE GRANDMAISON,Auguste ARMET, sociologue,, André. CONSTANT, Georges FITTE-DUVAL, Marie-Hélène LEOTIN, Mr OCCOLIER, Ralph MONPLAISIR, Maire de Case-Pilote ; la couverture médiatique était assurée par Joslen CATAN, RFO, ATV, et radio APAL.
Le Prix André ALIKER
Je ne pourrais terminer cet article sans rappeler que depuis 2011, a été crée le « Prix ALIKER », destiné aux journalistes professionnels ou en herbe (ouvert à des lycéens et étudiants notamment. Il s’agit de récompenser ceux qui pourraient avoir fait revivre l’esprit d’André , qui vit encore dans le cœur de tous les martiniquais que son parcours inspire.
La rue où l’on a retrouvé le corps de André ALIKER à Fond BOURLET a été baptisée « Rue André ALIKER », il est ainsi maintenant inscrit dans le patrimoine toponymique martiniquais.