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A propos de l’épandage aérien à la Martinique.
Une conférence de presse s’est tenue hier, mardi 24 juillet à l’Hôtel Impératrice, rue de la Liberté au centre de Fort-de-France pour alerter sur la dangerosité de l’utilisation des fongicides.. Les intervenants ont exprimé leur désapprobation quant à accorder des dérogations à l’épandage aérien aux planteurs de bananes. Cette conférence de presse a eu lieu pour manifester ce désaccord quant aux autorisations préfectorales accordées au lobby bananier à la Martinique.

Animaient cette conférence : des médecins, le Docteur SAINT-AIME représentant l’Ordre des Médecins à la Martinique, le Docteur JOS-PELAGE, pédiatre, vice-présidente de l’Ordre des Médecins, mais également Présidente de l’Association AMSES ( qui se consacre à la santé publique à la Martinique), le Docteur Jean MONTEZUME, et un politique : Louis BOUTRIN, Conseiller régional et Président du parti Martinique Ecologie.

Quelques généralités
Depuis la seconde guerre mondiale l’usage de pesticides à l’échelle mondiale ne cesse d’augmenter, il double tous les dix ans. En Europe, la France et l’Allemagne sont les deux premiers producteurs de pesticides. Si l’usage de substances chimiques comme les insecticides, les fertilisants, les engrais et les détergents ont été considérés comme de véritables progrès compte-tenu des services qu’ils rendaient, il ne reste pas moins que l’on prend de plus en plus conscience de leurs effets nocifs sur l’Homme et l’environnement.
Ces substances nous ont permis en effet de lutter contre les rongeurs (rats, souris etc…), contre les champignons, les mauvaises herbes. Mais on mesure aussi les effets nocifs de ces pulvérisations car elles contaminent l’environnement par voie directe, par exemple cutanée lorsque l’on est contact direct avec le produit. Les employés agricoles sont donc au premier plan concernés par ce type de contamination.
La contamination peut se faire également par voie aérienne (poumons), lorsque vous respirez ces substances. C’est pour cette raison que l’épandage aérien en permettant la diffusion par les vents, contribue à ce type de contamination, par « brouillards » et la contamination par voie orale, lorsque par exemple vous consommez un produit contaminé (comme un poisson). C’est un phénomène que l’on appelle la bio-accumulation. Vous mangez le poisson qui vous contamine à son tour. « Notre préfet n’ignore pas cela car il a interdit la pêche en rivière depuis maintenant deux ans », nous dit Louis BOUTRIN.Ainsi l’on peut contaminer son propre enfant lorsqu’il boit le lait maternel ou le foetus dans l’ utérus maternel…. De cette manière, tout l’environnement peut être contaminé.

Le Docteur SAINT-AIME a rappelé le serment d’Hypocrate, à savoir le devoir de protection de l’être humain, la nécessité de rétablir la santé et de la promouvoir, qui incombe à l’ensemble de la profession médicale. Pour cette raison, il est de son devoir d’alerter sur les effets nocifs des pulvérisations de pesticides à la Martinique. Cette question relève donc, ont-ils exprimé, de l’obligation morale du corps médical à la Martinique.

La conférence de presse a permis de soulever les points suivants :

Le pesticide employé dans la culture de la banane est un poison.

« Rien ne remplacera le rôle de la banane aux Antilles selon Eric DE LUCY », cite Monsieur MONTEZUME, – qui ne cache pas son agacement face à ce type d’affirmation. Pour ma part, je pense qu’en effet, en matière de catastrophe sanitaire, sans doute rien ne remplacera le rôle et la responsabilité de la banane, on peut en effet le supposer.
Le Propiconazole 250 E qui est autorisé pour l’épandage (fongicide), poursuit Monsieur MONTEZUME, est un véritable poison, (irritant pour les yeux et la peau), pour preuve il est écrit « poison » sur l’étiquette de ce produit. Il précise au sujet de ce pesticide qu’il n’existe aucun antidote actuellement connu, qu’il s’agit d’un dérivé du pétrole (distillat du pétrole) produit toxique pour les poissons et les crustacés, et que les USA refusent l’importation sur leur territoire de produits agricoles contaminés par ce type de produits.
 » Nous avons lu les recommandations rédigées à l’intention des utilisateurs qu’il était inscrit qu’un tel produit ne devait pas être utilisé « dans des conditions dangereuses » et que cela constitue une infraction à la loi sur les produits anti-parasitaires. »
Ne peut-on pas penser que la diffusion par voie aérienne est une « condition dangereuse » pour les populations ? D’autant qu’il est précisé sur le produit qu’il faut ne contaminer aucun plan d’eau par application directe ou par dérive de brouillard de pulvérisation. Comment dans une île comme la Martinique avec des alizés qui soufflent toute l’année peut-on garantir que les brouillards de pulvérisation ne contamineront aucun plan d’eau ? Docteur MONTEZUME insiste sur le fait que ces substances sont pulvérisées « dans la région où la Martinique trouve sa réserve d’eau . »

D’autre part, sur les instructions d’utilisation du Propiconazole est précisé la recommandation suivante : lors des pulvérisations en application aérienne »le vent doit souffler à moins de 18 km/h ». Or l’épandage a lieu sur la côte Atlantique . Au Lamentin à titre comparatif, sur la côte sous le vent il souffle en moyenne des vents à 19 km/h (niveau de l’aéroport du Lamentin). Comment peut-on garantir que ces conditions soient réunies alors sur la côte au vent .? A plusieurs reprises dans les recommandations du produit il est clairement conseillé de « ne pas épandre lorsque la vitesse du vent ou son orientation peuvent provoquer une dérive. Ne pas épandre lorsque le vent souffle en direction d’une culture, d’un jardin, d’un habitat terrestre(…) ou aquatique vulnérable ». Peut-on garantir à la population martiniquaise que ces recommandations sont et seront respectées ?

Si l’on se rapporte à la fragilité des écosystèmes martiniquais, à la situation particulière d’insularité, on ne peut qu’être préoccupé par la situation environnementale. Le Docteur rappelle que la situation martiniquaise n’est pas la même que la situation en Guadeloupe car la Martinique
a quatre fois plus de surface consacrées à la banane.
Selon le Docteur MONTEZUME il existe actuellement pas moins de 300 pesticides présents dans les sols martiniquais
Par ailleurs nous dit Louis BOUTRIN , Il semble que le cahier des charges de l’épandage ne soit pas respecté à la Martinique, car il n’y a pas d’autorisation d’épandage de Banole seul alors que cet épandage est pratiqué sur le terrain. Si le cahier des charges n’est pas respecté, on peut supposer légitimement que les conditions d’utilisations ne sont ou ne le seront peut-être pas toujours !

Doit-on sacrifier les martiniquais pour ne pas mettre en danger les profits de la banane ?
Selon le Docteur PELAGE, on assiste à une aggravation de la situation sanitaire à la Martinique depuis maintenant 30 ans. On note une augmentation des cancers , des cas d’Alzheimer, des cas d’autisme, du diabète, et de l’obésité. Elle précise que les médecins tentent d’alerter les pouvoirs publics depuis la fin des années 70 puisque, dit-elle le Docteur SAINT-AIME avait déjà consacré une publication à ce sujet en 1979. Elle explique que les pesticides sont des perturbateurs endocriniens, c’est à dire qui dérèglent les glandes comme la thyroïde, le pancréas, le sein et la prostate. Les cancers de la prostate et du sein sont en effet de plus en plus nombreux à la Martinique.

On sait peu de choses sur les effets combinés de toutes ces substances toxiques auxquelles les martiniquais sont exposés.

Par ailleurs les martiniquais déjà exposés au DTT après la seconde guerre mondiale, puis exposés au Chlordécone et au Paraquat qui sont des pesticides organochlorés hautement toxiques, ont été également largement exposés à d’autres substances toxiques comme les métaux lourds (Mercure, cadmium, aluminium, plomb notamment). Quels sont les effets combinés de ces différents toxiques sur les organismes vivants ? On sait que la concentration de ces métaux en eux-mêmes est hautement cancérigène. Comment réagissent des organismes qui ont des concentrations de tous ces molécules combinées avec des concentrations de pesticides ? Il reste encore beaucoup à faire en matière de toxicologie dans notre île.
La banane « chimique » créerait des emplois : certes, mais leur coût est exhorbitant pour la collectivité..

Les partisans du maintien de la banane chimique sur notre territoire justifient leur maintien par le nombre d’emplois que cette activité génère  » Mais dans la réalité, le secteur de la banane ne correspond qu’à 1,1 % des emplois à la Martinique, ce qui ridiculement faible.
De surcroît, le secteur en crée de moins en moins. Les emplois liés à la banane ont en effet connu une baisse de 38 %. On est passé de 6 000 emplois en 2000 à 4027 en 2007″ précise Louis Boutrin.
Par ailleurs la banane concentre à elle seule 53 % des aides accordées à l’Outre-Mer dans le domaine agricole. La banane martiniquaise serait budgétivore et porterait préjudice aux autres cultures et aux autres secteurs de l’économie . Autrement dit en bref, non seulement la banane intoxique les martiniquais mais en plus elle leur coûterait cher puisque ce sont les finances publiques qui contribuent à la maintenir en place.
En plus clair, on finance le maintien d’un système qui nous intoxique.
Un rapport de la Cour des Comptes l’avait d’ailleurs mis en évidence, pécise Louis BOUTRIN.
En effet, pour faire face à la concurrence de groupes étrangers qui détiennent davantage de surfaces cultivables et de moyens, la seule issue pour le maintien de la banane martiniquaise, ce sont les subventions publiques et l’emploi massif d’intrants pour optimiser les rendements. Or cet usage massif a un impact environnemental trop important sur un espace insulaire étroit et fragile.

Les propositions pour une sortie de la banane chimique
Louis BOUTRIN propose une sortie de la banane chimique en dix ans ainsi que l »organisation d’un Grenelle de l’Agriculture avec tous les agriculteurs y compris les petits producteurs.
Ce qui irait de pair avec une diversification de la production agricole (Louis BOUTRIN, Dr MONTEZUME), , d’autres souhaits ont été émis comme celui de susciter des études scientifiques épidémiologiques ou toxicologiques, celle de produire une banane « bio », au vu de la forte demande de ce type de produit sur les marchés actuels.

Le lobby de la banane a des intérêts qui nuisent à l’intérêt général de la population martiniquaise.
Comment faire de l’agriculture biologique sur des sols pollués ?
Cette question du nettoyage des terres n’a pas été évoquée mais la conférence a eu l’intérêt d’exprimer haut et fort ce que de nombreux martiniquais pensent. Car il s’agit là de l’intérêt public face à des intérêts particuliers et privés. Ne doit-on pas comme le suggère Monsieur MONTEZUME appliquer dans ce cas le « principe de précaution » afin de protéger les populations ?
On parle volontiers des profits de la banane, et des emplois, comme si le secteur de la banane était la seule option possible en matière de développement. Si la banane martiniquaise rapporte beaucoup à certains, combien coûte-t-elle à la collectivité ? En termes de santé publique, ce serait intéressant d’évaluer ce coût. Un fois évalué, dira-t-on que ce coût est « acceptable » ?
Publié il y a 25th July 2012 par Marie-Line Mouriesse

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