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Colonisation : bienfaits ou méfaits ? A propos du Prix littéraire Luc Durand Reville
Vous avez sans doute entendu parler de ce prix attribué aux ouvrages qui feraient l’étalage des « bienfaits de la colonisation ». Ah, Bernays…
En tant que professeur d’histoire j’aime assez l’idée d’étaler les bienfaits de la colonisation pour l’Europe, et de m’entêter sur les méfaits pour les colonies.
J’en ai assez qu’on nous explique ce qui est « politiquement correct » de dire et de penser;
Aujourd’hui, il serait « politiquement correct » d’étaler les bienfaits de la colonisation ». En tant qu’enseignante en histoire je ne vois pas ce que je pourrais dire des « bienfaits » de la colonisation, à part pour les colonisateurs eux-mêmes :
– l’enrichissement de la bourgeoisie européenne liée au négoce, aux dépens de peuples dépossédés, déportés, assassinés, exterminés, humiliés, utilisés, dé-culturés, dénaturés.

– Le développement de ports français qui prenaient de la puissance grâce au commerce des colonies.
– Le développement scientifique et technique en Europe, grâce aux connaissances acquises en matière de botanique, de zoologie, le développement des sciences de l’homme…au contact de nouveaux espaces et peuples conquis. Que seraient les jardins des plantes, sans plantes « exotiques » ? Que seraient les Museum sans les collections coloniales ?
Que seraient les aquariums sans les espèces de l’océan Indien et de Polynésie et des Antilles ? Sauf le respect du à la carpe, ce serait aussi gai qu’un carpe-diem post-mortem.
– L’enrichissement de l’art européen, que serait-il sans la découverte de l’art des peuples dits « premiers » , que seraient les musées français sans le pillage des peuples colonisés.

– L’enrichissement de la gastronomie, heureusement, et c’est un bienfait pour eux et pour nos papilles gustatives, ils ont eu les colonies,car on se demande ce que serait la pizza, sans tomates, sans piment, ce que seraient le gratin dauphinois sans pomme-de-terre, ce que serait l’agriculture de l’ouest de la France sans maïs, ce que serait la pâtisserie sans vanille, sans sucre, sans café, sans cacao, sans cannelle, sans muscade .On se serait bien passé de leurs mangoustes introduites pour se débarrasser d’espèces comme les rats (introduits d’ailleurs par ceux-là même qui cherchaient à s’en débarrasser) et les serpents et qui finalement ne les ont pas inquiété et se sont attaqués aux oiseaux, à leurs oeufs, à certains amphibiens et certains crustacés, qui eux, sont en danger. Un vrai désastre écologique. Ce n’est d’ailleurs pas le seul désastre écologique à mettre à la solde des européens dans les colonies.
La disparition du Lamantin, très apprécié pour sa chair, la disparition de nos perroquets qui faisaient la joie
des cages européennes et de leur estomacs et qui ont fini par disparaître totalement de notre île.
Ah, on s’interroge… en effet, sur ce que serait l’Europe sans les colonies, mais ce que les colonies seraient sans l’Europe, on sait d’office qu’elles se porteraient mieux. On sait que les frontières, découpées au couteau et parfois au lasso par les européens, en dépit du bon sens, sans respecter le découpage ethnique préexistant, posent encore problème. Un fonctionnement à l’européenne qui empêche des ethnies « coupées en deux » de circuler, de part et d’autre de certains états engendrent d’inévitables conflits avec le pouvoir en place.
Les colonies se seraient bien passé de leur petite vérole, de leur coqueluche, de leur rougeole et de leur grippe, de leurs mousquets, de leurs épées, de leurs arquebuses, de leurs canons, de leurs vêtements inadaptés à nos climats, de leur eau-de-vie qui n’a de vie que le nom, de leur pinard, de leur minable vaisselle en étain qui servait de hameçon pour la pêche, de leur féraille qui rouille sous nos tropiques. On se serait bien passé de leurs néo-colonialisme qui consiste à influer et à influencer les pouvoirs en place, et qui maintient les états dans la corruption et une forme de sous-développement.
On sait qu’elles n’auraient pas perdu leurs grandes capitales, leurs textes sacrés, leurs documents sacrés (comme les codex mexicains), leurs croyances ancestrales… On sait qu’elles n’auraient pas subi de déficit démographique à cause de l’esclavage des amérindiens et des noirs, et les amérindiens se serait bien passés du christianisme, qui pour mettre des croix dans le Nouveau Monde, a contribué à le décorer de cimetières.
Voilà donc un prix que je vais me flatter de ne pas mériter, parce que pour moi ce serait le prix de la honte.

Et les 4000 euros, quelle misère par rapport à ce travail de pure propagande à la solde du système, c’est franchement mal payé. Personnellement, je ne salierai pas mon intégrité intellectuelle pour si peu.

Edouard Bernays, n’as jamais été aussi ..utilisé, et d’actualité…. Le publicitaire et propagandiste américain, dont l’oeuvre a largement inspiré la politique propagandiste des nazis…. disait en 1928 :
« la manipulation consciente, intellectuelle, des opinions et des habitudes organisées des masses joue un rôle important dans nos sociétés contemporaines », (…) et Bernays poursuivait : »Peu importe comment nous réagissons individuellement à cette situation (…) de fait nous sommes dominés par ce nombre restreint de gens(…) en mesure de comprendre les processus mentaux et les modèles sociaux des masses. Ce sont eux qui tirent les ficelles, ils contrôlent l’opinion publique, exploitent les vieilles forces sociales existantes, inventent d’autres façons de relier le monde et de le guider. »
(Edward Bernays, Propaganda)
Et j’ajouterai donc : inventent l’histoire, la redessinent, lui redonnent du sens, ou mieux l’aspergent de « contre-sens », de non sens.
A quand un autodafé ?
Ah l’histoire, l’histoire sans fin… se réécrit, se « dé-crie », se « dé-nie ».

Publié il y a 7th October 2009 par Marie-Line Mouriesse

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