Homo journalisticus contre Homo Bloggus
On entend partout les journalistes grogner contre les bloggers qui … se prennent pour des journalistes ! Comment osent-ils se frotter à cette noble profession ! Vérifient-ils l’information ? Ils ne sont pas formés pour analyser pour faire des analyses géopolitiques etc… etc….
Internet a permis à des millions de français (et de citoyens du monde) de pouvoir non seulement s’exprimer mais de pouvoir faire partager à d’autres internautes des articles, des points de vue, des pétitions etc… Le citoyen français peut ainsi exercer au travers d’Internet une citoyenneté active. Il peut réagir à l’actualité, intervenir, apporter son soutien. C’est un changement en profondeur.
Internet est une révolution à l’échelle mondiale qui met malheureusement à l’écart (pour l’instant) une partie du monde qui n’a pas les moyens technologiques et économiques pour accéder au réseau électrique, au réseau internet, au haut débit…
Les journalistes ont-ils le monopole de la liberté d’expression ?
Les citoyens français avaient depuis la révolution française de 1789, en théorie, le droit d’expression. En pratique il pouvait grogner en famille, militer dans une association, prendre une carte dans un parti politique, au mieux écrire un article ou faire un livre mais le droit d’expression de la très grande majorité des français se perdait dans l’espace étroit d’un monde relativement privé.
Le blog est une idée géniale qui permet à tous de créer, même sans connaissances informatiques approfondies, une fenêtre sur le monde.
Tant que les blogs se contentaient de mettre en valeur nos vacances au Maroc, -la mémé en maillot de bain et bébé avec ses bouées fluo – tout allait bien. Le bidochon reste à sa place de bidochon. Mais le blogger a osé penser et écrire… sur la politique, sur l’actualité, osé se positionner comme un véritable citoyen qui pense qui veut exprimer ses opinions et ses analyses….. Oh là là…. Crime de lèse-journaliste. Le bof se prend pour un journaliste. Mais celui qui n’est pas journaliste n’a donc plus le droit de s’exprimer dans notre pays ?
Mais voyons c’est quoi un journaliste ? Réfléchissons :
dico : Personne qui s’occupe de l’information dans un système de médias. (Le Robert)
Ah ? Le blogger est donc un journaliste ?
Que reprochent les journalistes aux bloggers :
– Ils ne sont pas formés.
– Ils ne vérifient pas l’information.
Ce sont deux présupposés qui sont amusants quand on sait que :
Les journalistes qui « vérifient leurs informations » ne sont pas si nombreux. La plupart se contentent de plagier les dépêches de l’AFP (pas toujours fiables – cf la Guerre du Golfe). De plus les journalistes sont aujourd’hui embauchés par des médias qui ne leur font pas toujours des C.D.I. Le recrutement trie sur le volet des journalistes qui sont sensés penser idéologiquement dans la droite ligne du patron. Libre pensée ? Analyse ? Esprit critique ? Là j’ai de larges doutes.
Si l’on part du principe -idéal- du journalisme d’investigation – qui existe mais qui est une espèce protégée en voie d’extinction dans notre France, évidemment ce journalisme-là c’est un travail de professionnel. Mais aujourd’hui les médias français sont hués par les américains et les britanniques car ils souffrent de berlusconisme aigu. Lorsque la plupart des médias français sont la propriété d’un Lagardère en d’un Bouygues on peut largement douter du caractère « rationnel » des analyses de ces journalistes qui n’ont pas trop intérêt à mécontenter celui qui assure leur pain quotidien .
De là à dire qu’il n’y a pas de vrais journalistes en France il y a un fossé.
Je sais bien qu’il y a encore des médias libres, des journalistes qui sont de vrais amoureux de la vérité. Internet en est un espace représentatif de l’ensemble des media existants, on y trouve de tout, un panel repésentatif de ce que les media offrent mais aussi des blogs privés . Un blogger peut être un résistant. Il peut résiter à la berlusconisation des médias français. C’est quelqu’un qui est actif face à l’information et non plus passif. Il va, choisit, zappe. Il peut choisir de ne pas regarder TF1 et de LCI et de s’informer ailleurs.
Un fossé s’est creusé entre les médias classiques français et les français. Le fossé a été manifeste lors du dernier referendum sur la constitution. Les media affichaient une position « oui » nette alors qu’une neutralité intelligente aurait été prudente et appréciée.
Le peuple a massivement voté non. Certains journaux ont osé dire qu’il s’agissait d’un non de contestation liés à la politique du gouvernement de l’époque, alors que les français, qui avaient perdu confiance … avaient tout simplement lu le texte touffu, indigeste, mal imprimé qu’on avait eu l’amabilité de leur envoyer.
Et qu’ont-ils découvert en lisant ce texte ? Qu’on leur proposait une Constitution extrêmement précise en matière économique, et en matière sociale… une Europe bourrée de principes, de valeurs aucunement hiérarchisées, mais sans aucune garantie en matière sociale.
Actuellement les médias français affichent clairement leurs favoris : Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal (que l’on fustige dès que l’on peut et dont la popularité est minimisée par des sondages commandés et sans doute « pondérés »par ceux qui ont intérêt à le faire) et rejettent les autres candidats en leur laissant un espace d’expression ridicule.
Là encore je crains le pire car les précédentes élections avaient montré que lorsque l’on manipule le peuple, le peuple montre qu’il est encore souverain. Les français pensent que leurs media véhiculent des idées de leur classe sociale (privilégiée) et qu’ils ne comprennent rien à leurs préoccupations. C’est dans ce contexte que la pratique « participative » de Ségolène Royal est bienvenue parce que répondant à un besoin que les français avaient : celui de participer pleinement à le vie politique de leur pays et non plus de communiquer « par l’intermédiaire des media (parce qu’ils ne leur font pas confiance) ni par l’intermédiaire de leurs hommes politiques (ils ne leur font pas plus confiance).
Selon certains journalistes, les bloggers ne sont pas « formés ».
Ceci est un présupposé insultant pour les bloggers. D’abord, qu’en savent-ils ?
Que savez-vous de la formation d’une personne qui écrit sur un blog ?
La personne qui écrit sur un blog peut parfaitement être apte à se positionner, compte-tenu de sa profession, compte-tenu de ses connaissances, de ses études…
D’ailleurs les journalistes (on le voit tous les jours) ne sont pas toujours des spécialistes de ce dont ils parlent… Ce genre de remarque d’ailleurs est typiquement « franchouillarde », présuppose que celui qui parle doit être habilité à le faire. Homo journalisticus habilité à s’exprimer sur les media, homo bloggus n’est pas compétent pour le faire. Cela signifie que l’on doit avoir suivi un cursus particulier – « toi homo bloggus tu ne fais pas partie du clan ».
Cul -Cul Clan ?
La France souffre du syndrome des clans . On défend son clan, ses privilèges…
La France des clans a parlé. Ce n’est pas une question de compétences, car l’attaque est ridicule. Il y a autant de bloggers que de caractère, que de formations, que de compétences.
Un blogger ingénieur en informatique ne peut pas écrire sur l’informatique ? Un blogger sociologue ne peut pas parler de la société ? Un blogger professeur ne peut pas parler d’éducation ? Non, ce sont uniquement les journalistes, voyons !
C’est que des gens, qui ne font pas partie du club, qui ne sont pas « habilités » se permettent de publier… Et oh, sacrilège, sont lus !
Les bloggers sont libres…
Si cela peut rassurer nos journalistes, les bloggers qui ne sont pas justement , des journalistes « professionnels »(et ne veulent surtout pas l’être ) n’écrivent que sur des sujets qu’ils ont choisi, quand ils veulent et ne sont pas payé pour le faire, d’où leur liberté de parole. D’où aussi l’intérêt des internautes pour les blogs.
Publié il y a 3rd March 2007 par Marie-Line Mouriesse
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