Le taux de chomage est de 10 % en France comme le Canard enchaîné du 10 mars 2010 le souligne. Magnifique record, qui risque d’ailleurs de s’aggraver puisque cette année en France, il y aura une perte d’emplois de 150 000 à 200 000 (chiffre OFCE).
Dans le même temps l’OCDE (L’organisation de coopération et de développement économique) note que « la France affiche un des taux de productivité les plus forts des pays industrialisés : 1,5 % de croissance chaque année (Canard Enchaîné du 10 mars 2010). D’autre part, le taux de croissance est en berne, se hissant péniblement à O,4, autant dire pour être franc qu’il n’y a pas de croissance en France.
Si par exemple on comparait avec la croissance chinoise à 10 %, Indienne à 8% et brésilienne, à 5%, on peut affirmer que le chiffre français devrait tout simplement être réduit modestement à zéro pour ne pas sombrer dans le ridicule d’une absence de croissance qu’on se refuse à assumer.
Ce que l’on appelle aujourd’hui le switching wealth, c’est à dire le basculement de la richesse pourrait conduire d’ici 2030 à propulser les états que l’on désigne aujourd’hui par le sigle BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) et voir émerger de nouvelles puissances comme le Mexique, l’Indonésie et la Turquie. D’ici 2030 la France pourrait se voir réduite à la 9ème puissance mondiale derrière le Mexique, la Russie et le Brésil. Et les USA deuxième puissance derrière la Chine.
Rien d’étonnant, en effet, que cette contre-performance française, si on s’acharne dans notre pays à ne pas reconnaître les ingrédients qui conduisent à la croissance qui ne peut être réalisée que par la consommation des ménages et non pas en enrichissant ceux qui sont déjà les plus fortunés. Car ce n’est pas en enrichissant les riches qu’on relance le pays. Cela conduit à plonger notre état dans le sous-développement. Car plus les écarts sociaux sont importants, plus cela conduit à éliminer progressivement la classe moyenne indispensable à cette relance.
La politique française actuelle pourrait donc conduire la France si l’on poursuit cette tendance, à générer de la pauvreté de masse et à creuser davantage les écarts sociaux. Ce qui n’est pas particulièrement symbole d’égalité et de justice sociale.
Et si la productivité est en constante augmentation en France d’année en année, cela ne profite pas au pays, mais aux privés et aux revenus financiers. Cela ne génère aucune croissance. C’est une question de calcul, plus les salariés travaillent et moins les patrons embauchent, et plus ils licencient, plus ils réclament de leurs salariés rescapés, du travail supplémentaire pour ne pas passer « à la trappe ». La pression faite sur les salariés paradoxalement génère l’absence de croissance économique.
Le mal-être français serait-il à attribuer au stress au travail ?
On se demande bien pourquoi en France on a 26 000 tentatives de suicides et 12 000 qui ne se ratent pas (chiffres INSERM), ce qui d’ailleurs place le chiffre du suicide comme étant supérieur au chiffre des accidents de la route. Beaucoup moins médiatisé, celui-là…. On se demande pourquoi on détient en France le record de la consommation d’anxyolithiques d’Europe, et on argumente un peu rapidement « c’est parce que les médecins en prescrivent ». Mais personne ne se posent la question suivante : pourquoi en prescrivent-ils ? Sans doute parce qu’ils ont en face d’eux des personnes en bonne santé, heureux de vivre et qui respirent le bien-être, bien évidemment.
La question du mal-être français est on peut l’imaginer politiquement incorrecte à évoquer, incorrect en effet de souligner que dans le pays le plus visité au monde, on vit mal. Le récent scandale de France Telecom qui semble confondre productivité et harcèlement moral est un exemple frappant de dérive, que doivent franchir pas mal d’entreprises pour qu’une telle productivité soit atteinte en France.
Il est amusant de noter que les salariés en « jouant le jeu du patronnat », créent en fait leur propre malheur, car ils ne gagnent pas forcément plus en travaillant davantage, et créent de surcroît du chômage qui apauvrit la France, car plus le chiffre du chômage est élevé, plus les charges par salarié sont élevées.
De quoi réfléchir sur la tendance actuelle à l’évaluation », qui va dans la droite ligne de la pression constante exercée sur les salariés, sorte de stakhanovisme à la française très à la mode. On assiste à une tendance qui sous couvert de terminologies aseptisées : « polyvalence », « mobilité » cache rien d’autre que de l’asservissement, et surtout sans les fiches de poste des pays anglo-saxons qui ont le mérite de préciser clairement à l’employé ce que l’on attend de lui, et surtout encore sans procédures claires. ceci permettant de sur-exploiter les salariés qui ont le malheur d’être efficaces car ils ne sont pas forcément mieux payés.
La vie professionnelle française fluctue au gré du caractère, de l’humeur, des desiderata, des angoisses des patrons et des managers, demandant parfois d’atteindre des objectifs irréalisables sous prétexte de stimuler la main d’oeuvre, comme on a pu le voir pour France-Telecom, mais qui ne conduisent qu’à la dépression.
Une tendance pathologique et pathétique à « l’évaluation ».
La France et le Japon détiennent aujourd’hui le record des pays de l’OCDE en matière de suicides. L’évaluation, le contrôle sont une préoccupation constante, dans le privé comme dans le public, on veut tout évaluer, et là encore on arrive à des situations absurdes où les personnes qui « contrôlent » et évaluent sont parfois plus incompétentes, et moins diplômées que les personnes qui sont sensées être évaluées… Et le résultat se traduit par du stress au travail et par des maladies liées au stress et… à des colères intériorisées…
Est-il si intelligent que cela de faire subir aux salariés cette pression permanente ? Que gagne-t-on, car là où l’on gagne, on le perd par ailleurs, par exemple en creusant le fameux « trou de la sécurité sociale » qui prend des allures de gouffre, que l’on cherche à combler en apauvrissant encore davantage la classe moyenne et les foyers défavorisés en leur réclamant une participation de plus en plus importante. Amusant là encore, lorsqu’un Barack Obama réforme la sécurité sociale de son pays en cherchant à faire un système un peu « à la française », que notre président lui cherche à américaniser ce même système. Apparemment les USA ont, eux, compris l’intérêt d’une politique sociale juste, que nous on renonce à poursuivre. il y a de quoi s’interroger sur les orientations de la politique française actuelle et sur la compréhension profonde de ca qu’est la France et ce qui a fait d’elle un modèle dans le monde, en bref, sa grandeur.
Lorsque Henri Salvador affirmait « le travail c’est la santé », et s’empresseait de modifier : « Rien faire, c’est la conserver, les prisonniers du boulot, ne font pas de vieux os »… Alors quand va-t-on réaliser que dans des pays comme les USA et le Canada, qui sont pourtant parmi les plus grandes puissances actuelles, la pression exercée sur le travail est bien moindre et le bien-être au travail bien supérieur à celui des français, tout simplement parce que les tâches demandées au travailleur sont clairement définies et non pas « floues » et les limites moins élastiques et moins fonction des névroses des managers comme en France.
Alors quand on s’invite à américaniser, autant le faire dans le sens d’une évolution positive, que dans le sens d’une régression sociale !
Tous les éléments sont présents aujourd’hui en France pour qu’une explosion sociale ait lieu car le contrat social est rompu, personne n’ignore aujourd’hui que le travail non seulement n’est pas la santé, qu’il peut conduire à la mort, et tout le monde sait qu’il conduit assurément au mal-être, et nouveauté : le travail ne nous enrichit peut-être même pas, ni le pays, ni les travailleurs, alors pourquoi travailler ? A vos hamacs, citoyens.
Publié il y a 1st April 2010 par Marie-Line Mouriesse