Depuis le Congrès de la Haye (1948), jusqu’au Traité de Lisbonne (2007), l’Europe a connu une série de mutations qu’il convient d’éclairer afin de mieux appréhender son profil actuel, mais aussi les difficultés que connaissent les Européens d’aujourd’hui et comprendre pourquoi les français avaient voté NON au traité constitutionnel.
L’idée d' »Europe des peuples » est une idée romantique qui avait émergé dans le courant du XIXème siècle, surtout vers 1848. Quant à celle de construction ou d’Union européenne, celle-ci avait été présentée par Aristide Briand dès le
5 septembre 1929, alors que celui-ci était président du Conseil et Ministre des affaires étrangères de la République française à l’occasion de la Xe session de l’Assemblée de la « Société des Nations » réunie à Genève. Le cabinet d’Aristide Briand et notamment son bras droit le « Saint John Perse » (Alexis Léger) rédige alors alors un « Memorendum » qui fixe les bases d’une « Union fédérale européenne » dont le siège serait à Genève et ses relations étroites avec la SDN.
La construction de l’Europe est cependant réalisée après la seconde guerre mondiale dans un contexte de guerre froide.
Dès 1946, dans son discours qu’il prononce à Zurich, Churchill parle de « d‘accroître et renforcer la puissance de l’Organisation des Nations Unies, (…) de reconstituer la famille européenne, ou tout au moins la plus grande partie possible de la famille européenne, puis de dresser un cadre de telle manière qu’elle puisse se développer dans la paix, la sécurité et la liberté. Nous devons ériger quelque chose comme les États-Unis d’Europe » (Discours à Zurich, 19 septembre 1946).
Charles de Gaulle défend une Europe composée d’états souverains et démocratique (Europe confédérale).
Dès les années 50 le débat central porte sur la forme politique à donner à cette union.
Jean Monnet défend des liens forts avec les USA, ce qu’on appelle l' »Atlantisme ».
Il penche pour un modèle basé sur une structure fédérale, qui suppose la création d’une échelle politique supranationale (au dessus des Etats) et une organisation qui impose aux Etats-membres d’appliquer les lois émanant de cette structure. Les défenseurs de cette conception sont appelés fédéralistes. L’Allemagne a toujours défendu cette conception de l’Europe.
Une autre vision de l’Europe, était au départ incarnée par le Général de Gaulle dans les années 50. Charles de Gaulle défend une Europe purement européenne et sans la G.B qu’il appelle le « cheval de Troie des USA ». Il penche pour une Europe bicéphale avec pour chefs de file la France et l’Allemagne, dans le but de préserver un équilibre propice à la paix, et qui exclut la G.B dans le but de préserver l’Europe de l’ingérence étasunienne.
Jusqu’à son départ en 1969, et sa mort en 1970 il défendra l’indépendance de la France. Cette conception dite « unioniste » est défendue par les vrais gaullistes par la plupart des communistes, et sera défendue par la suite les altermondialistes.
Cette conception s’oppose à la conception fédéraliste qui défend, elle, une structure supranationale.
Le Général de Gaulle était en effet très attaché à l’indépendance de la France, et voyait dans la supranationalité une sorte de coup d’état étasunien dans les affaires européennes. Pour cette raison il s’est retiré de l’OTAN (1966), pour cette raison également il s’était opposé pendant qu’il était au pouvoir à l’entrée de la Grande-Bretagne dans l’Europe, dans la mesure où il voyait dans celle-ci un « cheval de Troie » à la solde des USA. Il s’était également oposé à L’ONU qu’il appelait volontiers le « Machin » (notamment dans son discours à Nantes le 10 septembre 1960).
Charles De Gaulle comprend qu’il y a là risque que l’Europe deviennent les Etats-Unis non pas d’Europe mais en Europe. En bref que l’Europe devienne une colonie étasunienne. Il mesure en effet l’influence qu’ont pris les USA en s’engageant dans la libération des états occupés d’Europe et leur volonté de prendre une part active sur la scène politique du vieux continent.
Churchill dans son Discours à Zurich( sept 1946) s’était clairement exprimé en faveur d’une Europe fédérale qui (permette d’) « accroître et de renforcer la puissance de l’Organisation des nations unies. Il nous faut re-créer la famille européenne en la dotant d’une structure régionale placée sous cette organisation mondiale. »
Cette divergence dans la forme même à donner à l’Europe explique la rivalité entre Charles de Gaulle et Jean Monnet. Jean Monnet est présenté aujourd’hui comme un des « Pères de l’Europe », avait acquis une renommée en ayant réussi à convaincre Roosevelt à engager les USA dans la seconde guerre mondiale. Le Victory Program, c’est en partie la responsabilité de Jean Monnet. La volonté féroce de Charles de Gaulle de préserver l’indépendance de la France, de tout faire pour que celle-ci conserve sa souveraineté irritait au plus haut point Jean Monnet. En effet politiquement parlant Jean Monnet et Charles de Gaulle ont un point de vue sur l’Europe diamétralement opposé ; Jean Monnet, envisage une Europe liée et sous les ordres des USA et Charles de Gaulle, lui cherche à préserver l’indépendance de l’Etat Français et les intérêts des français. Jean Monnet dira de Charles de Gaulle qu’il faut l’éliminer car il est un « ennemi du peuple et de la démocratie » et Charles de Gaulle dira de Jean Monnet qu’il est un « Petit négociant à la solde des américains« . L’histoire a montré de Jean Monnet aurait éliminé le plus grand homme d’Etat français du XXème siècle en France, et que ce dernier n’avait pas totalement tort sur ce qu’était en réalité Jean Monnet. Ancien vendeur de cognac, Monnet était aussi réellement un agent américain !
La communauté passera de 6 états lors de la CECA (1957), à 9 en 1973, 10 en 1981, 12 en 1986, mais c’est après la chute du mur de Berlin que l’Europe va connaître une véritable mutation politique.
Après 1989, elle s’élargit :elle intègre les PECO (Pays d’Europe centrale et orientale) ; elle passe à 25 en 2004, 27 en 2007 et 28 en 2013.
L’Europe depuis la chute du Mur de Berlin ou la victoire du fédéralisme ou l’Europe dominée par les IFI (Institutions financières internationales).
La chute du mur de Berlin est un tournant politique dans la politique européenne. Progressivement l’Europe se dote d’une structure fédérale, augmente le pouvoir du Parlement, fait passer des traités libéraux (Traité de Maastricht (1992), Traité de Libonne (2007), Pacte budgétaire européen (2012). Le chute du mur de Berlin correspond dans le même temps à la mise en place d’une Europe intégrée à la mondialisation, libérale. La vision qui domine après la chute du mur de Berlin est l’Europe influencée par Margaret Thatcher, que l’on appelle thatchérisme, qui est définie comme une politique « internationaliste », pour faire bref, les années 90 et jusqu’à aujourd’hui sont marquées par la volonté d’imposer une politique ultralibérale, ce que l’on appelle la « globalisation » dans le fonctionnement même de l’Europe.
Entre 1988 et 2005, l’Europe fédérale va donc triompher ; Il s’agit de la conception qui souhaite insérer une échelle de gouvernement supranational (au dessus des états). Autrement dit pour faire bref, déposséder une part de la souveraineté des peuples et les remettre entre les mains des grandes instances supranationales.
Cela se traduit par le pouvoir accru des IFI (Institutions financières internationales) qui imposent une idéologie ultralibérale au monde entier via des textes (traités) que les états sont sommés d’appliquer pour peu qu’ils aient eu la maladresse de les signer. A l’échelle européenne, ce sera le Traité de Maastricht (1992), l’entrée dans l’OMC (1995), le Traité de Lisbonne (2007) pour ne citer que les plus connus.
Cette échelle supranationale (précisémément celle qui était combattue par Charles de Gaulle) est dotée sur le plan économique du Petit livre rouge des ultralibéraux, un outil idéologique nommé « Consensus de Washington » qui émane d’une école que l’on appelle « Ecole de Chicago » qui provient à l’origine un travail de l’économiste John Williamson et d’autres accolytes. Cette théorie avance que si les états en développement appliquent les mesures suivantes : austérité budgétaire, mesures de stabilisation, réduction des subventions, réduction des dépenses publiques, dévaluation de la monnaie, l’état en question va connaître une croissance économique. Parallèlement, sur le plan politique, les orientations actuelles sont guidées par la « Théorie des choix publics ». Cette théorie part alors du principe que les acteurs économiques et politiques fonctionnent selon la même logique : ils cherchent à favoriser leur intérêt personnel. Aucune de ces théories n’a démontré sa véracité.
Dans le concret, les choix faits depuis la fin des années 80 en matière économique et politique sont basés sur deux théories, qui dans les faits s’avèrent erronées. Cependant le résultat concret est que ces postulats ont imprégné toutes les décisions prises ces vingt dernières années, et qu’elles ont orienté les choix faits dans l’Union Européenne. Dès 1988, Margaret Thatcher se faisait le porte parole de cette politique (dans un discours que j’ai travesti dans un autre article de cet ouvrage). Cette politique nommé thatchérisme n’est rien d’autre que du hayékisme digéré, mêlé aux principes de l’Ecole de Chicago de Williamson et Friedman entre autres. Margaret Thatcher avait défendu donc, vous l’aurez deviné : la réduction des dépenses publiques, la fin des subventions, les privatisations (idée du Plan Baker adopté en 1985)….
En 2012, le « Pacte budgétaire Européen » impose dès sa mise en application en 2013 aux pays d’Europe une politique stricte en matière de déficit structurel et la lutte contre la dette publique, imposant ainsi une politique austéritaire en Europe, sans s’inquiéter de savoir qui portera encore une fois le poids de cette politique. Comme on le voit l’Europe ne s’embarrasse pas d’équité et encore moins de solidarité.
Pour formuler encore plus brièvement afin d’en accroître la portée et de permettre une compréhension rapide : depuis les années 80 les banquiers et grandes multinationales, et les hauts fonctionnaires administratifs, l’élite des institutions financières internationales etc… ont confisqué le pouvoir du peuple et via des traités internationaux, ont affaiblit la démocratie, en imposant le libéralisme comme une mesure économique alors qu’elle est en fait une orientation politique et en l’ inscrivant le libéralisme au coeur même des traités. En se faisant les porte-parole de l’Ecole de de Chicago, ils ont appauvri les citoyens en avançant le présupposé que la richesse des plus riches aurait inévitablement un impact sur les pauvres; Ce qui ne se vérifie aucunement dans la réalité; Affirmer par ailleurs que la entreprises privées sont mieux gérées que les entreprises publiques, c’est là aussi un postulat qui n’a jamais été démontré. C’est ce qu’avançait le Plan Baker (1985).
Ce que l’on constate sur le terrain c’est que cette politique accroît les écarts sociaux et ne contribue aucunement à améliorer les conditions de vie des populations. Bien au contraire, elle affaiblit la classe moyenne qui ne bénéficie plus de redistribution directe (sous le prétexte qu’elle n’est pas pauvre), ni même indirecte (les frais médicaux sont moins bien remboursés, les frais de lunetterie et dentaires sont mal remboursés), alors que dans le même temps non seulement leur contribution augmente, la TVA a été renforcée, mais en plus les prix ont été laissés à la libre appréciation des entreprises. La classe moyenne a donc subi ces dernières années en France : l’inflation, la baisse de ses revenus, l’augmentation de ses charges, et bien sûr, la diminution de son pouvoir.
Les « acteurs sociaux » traditionnels sont affaiblis : la classe favorisée est si puissante qu’elle peut se permettre d’acheter les médias, d’influer sur les politiques, de corrompre les syndicats; La structure même du système démocratique ne fonctionne plus.
Les peuples sont sommés sans cesse de réduire leur train de vie alors que les riches s’engorgent de richesses ; Cette « logique » est sensée permettre aux riches d’épargner et cette épargne impacter les pauvres via le financement d’investissements productifs, ce que l’on appelle le « trickle down effect« , c’est à dire l’effet de ruissellement; Dans les faits rien ne ruisselle, la richesse des riches n’impacte en aucune façon celle des pauvres; la seule manière de le permettre est de conserver des états forts qui prennent des mesures en faveur de l’intérêt public, de la redistribution, d’un service public dynamique (santé, éducation …) ;
Affirmer que les gens n’agissent que dans leur propre intérêt, a toute la valeur d’une supposition. L’histoire nous a démontré que certains chefs d’états étaient capables de prendre des décisions en faveur de leur peuple et que les gens honnêtes, cela existe. Sans doute c’est une minorité qui agit ainsi, mais n’est-ce pas précisément celle-là qui mériterait d’être au pouvoir ?
Les tenants de cette politique économique venant de Chicago avancent que cette méthode a fonctionné dans des pays comme la Chine, l’Inde ou Taïwan, rien n’est plus faux ! La Chine, l’Inde et Taïwan ont précisément conservé des états FORTS et n’ont pas appliqué dans leur intégralité les principes du Consensus de Washington, n’ont pas massacré leurs services publics.
Si l’on souhaite amorcer un vrai changement politique il faudrait remettre en question les traités signés depuis les années 90 et revoir les textes de manière à ne pas inscrire ces orientations libérales dans les traités. En faisant cela, la gouvernance européenne a installé un système non seulement défavorable aux citoyens, antidémocratique mais a également attaqué le pluralisme; En faisant cela la politique de l’Union Européenne est devenue une dictature des milieux financiers et de l’élite qui bénéficie de leur « bienfaits ».
A partir des années 90 l’Europe a développé une gouvernance économique libérale, mais a rencontré la résistance des peuples qui commençait déjà à souffrir des effets désastreux de ce type de politique : baisse du pouvoir d’achat compte tenu des salaires qui n’ont pas augmenté face à une inflation causée par le changement monétaire (seule l’Allemagne qui a indexé sa monnaie exactement sur la valeur précédente, et la GB qui n’a pas adopté l’euro n’ont pas connu cet effet). Les autres pays d’Europe : la France, l’Espagne, le Portugal partout en Europe, les peuples ont souffert d’une inflation qui n’a pas été accompagnée de la revalorisation de leurs salaires, partout ils ont vu leur qualité de vie baisser car les services publics et les systèmes de redistribution et poursuivant la « libéralisation » du système détruisait l’Etat-Providence qui correspondait à une redistribution des richesses; Parallèlement l’élite économique s’est renforcée, a augmenté, elle ses revenus et son salaire. Jamais les écarts sociaux n’avaient été aussi importants en Europe. Jamais telle politique inique n’avait été pratiquée; Face à ces mécontentement s’est développée une résistance importante à l’Europe et à la globalisation des économies mondiales qui ne profitent qu’à une minorité.
Les Européistes prétendent que c’est à cause du déficit démocratique que le traité a été rejeté; Le traité a été rejeté car l’Europe dans sa conception même est un coup d’état des puissances financières sur les Etats-souverains; les peuples n’ont plus les moyens de faire-valoir leur point de vue. Les médias sont accoquinés à ces puissances d’argent et présentent une réalité tronquée, une pâle reflet du mécontentement populaire; Prenons un exemple en Juillet 2015, il y a eu en France 460 grèves en juin en France ; Le journal en ligne « Anti-K » titrait « Des grève partout, sauf dans les statistiques » et précisait : « Beaucoup de grèves mais des grèves qui n’apparaissent ni dans les statistiques, ni dans les journaux, ni dans les partis ni dans les directions syndicales… Jusqu’à ce que cette colère sociale rendue invisible et inaudible dans une complicité de tout ce qui est institutionnel – de gauche ou de droite. » Que les médias cachent la grogne populaire ne masque pas la réalité des faits, et cette situation est potentielle explosive.
Un système qui n’enrichit qu’une minorité et qui ne recherche que les intérêts de cette minorité ne devrait pas durer très longtemps encore. Leurs méthodes se rapprochent aujourd’hui de celles des systèmes totalitaires : dominer les médias, au point que les informations actuelles relèvent plus de la propagande que de la réalité, paralyser les acteurs sociaux, avec cette nuance : appauvrir de telle manière la classe moyenne qu’elle soit plus préoccupée par sa survie et par la conservation de sa qualité de vie que par la rébellion.
La résistance populaire à la globalisation de l’Europe (à partir de 2005).
Depuis donc les années 90, les traités européens ont imposé une vision ultralibérale et une gouvernance mondiale dans la structure organisationnelle même de l’Europe. Pour faire plus laconique : Une Europe Globalisée, intégrée aux marchés mondiaux, affidée aux puissances économiques, aux grandes banques qui cherche à s’approprier les biens et services publics et à les donner en cadeau aux privés ; Une politique en faveur d’une minorité en Europe qui ne s’embarrasse pas de faire du social et qui conçoit les humains comme des esclaves au service du Capital et des grandes entreprises multinationales. Une politique qui ne s’inquiète pas de l’intérêt de la majorité, et qui ne recherche qu’à fructifier ses biens privés. Mais qui a pour l’instant suffisamment de puissance pour désinformer et pour faire croire que l’intérêt des « Grands » corresponde à l’intérêt général.
Cette vision est précisément celle qui rencontrait l’opposition de Charles de Gaulle dans les années 60 et 70, est présentée comme faisant consensus ;
Et si les peuples ont voté NON lors de la consultation publique concernant le traité constitutionnel c’est précisément parce que les effets dévastateurs de cette politique ultralibérale sont déjà présents : destruction des services publics, baisse de leur pouvoir d’achat, baisse de leurs conditions de vie. Parce que cette Europe correspond à leur appauvrissement et ne protège pas leurs intérêts. les peuples ont voulu exprimer leur opposition à cette Europe là.
La résistance eu Traité constitutionnel (2005) a été telle que le discours ambiant cherche à minimiser le phénomène, France, Pays-Bas, Irlande avaient voté NON. On passe volontiers sous silence le rejet irlandais. L’Europe s’est vautré dans le pathétisme en voulant à tout prix obtenir un oui irlandais quand bien même la manoeuvre les ridiculisait et les discréditait. Deux ans plus tard à Lisbonne (2007) , le traité est imposé sous une forme simplifiée (comme si le problème venait de son caractère complexe !). Cette manoeuvre politique présentée comme une sortie de l’impasse » est précisément emblématique du fonctionnement de l’Europe : un fonctionnement méprisant des peuples, et précisément ce que le peuple a « lu » dans le texte constitutionnel (rien n’avait été prévu pour protéger les travailleurs, pour leur garantir des droits sociaux européens, tout simplement parce que ce n’est pas l’esprit du libéralisme de protéger les travailleurs mais d’assurer les profits des grandes entreprises et des banques. C’est donc bien une Europe politique qui a été imposée aux peuples sans qu’il y ait un réel débat sur LA politique à mener en Europe. Le problème est donc à le genèse même des traités.
La raison de cet échec est lié à la forme même qu’à pris l’Europe.
La cause de ce problème provient de la chronologie de la construction européenne. C’est donc d’abord dans sa genèse que l’on trouve les sources du problème : l’Europe a d’abord été structurée et fondée sur des bases économiques, des traités ont été signés souvent sans que les peuples n’ait ni conscience des conséquences de ces traités. Ils ont souvent été tenus à l’écart du contenu et les conséquences de ces traités ne leur ont jamais été véritablement explicités;
L’Europe a été fondé sur un présupposé libéral. Elle avait été créer pour faire front au communisme dans un contexte de guerre froide; De là à ne jamais remettre en question ce présupposé libéral, de là à inscrire l’idéologie libérale dans les traités, cela a été beaucoup trop loin et cela correspond à imposer une type de politique alors que celle-ci n’a pas été discutée, choisie.
L’Europe est donc dans son fonctionnement même, dans son postulat même, par essence antidémocratique car elle nie qu’une partie des Européens ne sont pas de droite !
Par ailleurs, dès le départ l’Europe a été fondée avec le soutien étasunien (Plan Marshall en 1947) . C’est pour cette raison que les années 50, 60 et 70 ont été marquées par des débats au sujet de la forme que devrait prendre l’Europe. Ce débat a été animé jusqu’au départ du Général de Gaulle. L’influence de deux personnalités aux point de vue diamétralement opposés ont marqué les débats. Charles de Gaulle s’opposait à la gouvernance supranationale car il savait bien que les Etats-Unis voulait là prendre le pouvoir en Europe, et Jean Monnet, lui jouait son rôle d’agent américain en Europe à la solde des USA (il était payé pour cela).
Au départ du général de Gaulle les fédéralistes pouvaient de réjouir, l’opposition laissait le champ libre aux Allemands, et donc à peine parti, l’Europe intégrait la Grande-Bretagne, laissait les britanniques et allemands imposer leur vision fédérale, en niant qu’il existait une opposition au sein des peuples à perdre une part de leur souveraineté, et cela pour la gloire de l’ONU, mais qui n’est rien d’autre qu’un outil des grandes multinationales pour contourner les démocraties, et s’attaquer à L’Etat-Providence pour qu’elles s’enrichissent encore davantage, sous une façade d’organisation humanitaire.
Ceux qui ont fondé l’Europe sont des hauts fonctionnaires, des négociants (Jean Monnet), des juristes, des banquiers. Au départ, au moment de la fondation, quelques intellectuels sont représentés (le Suisse Denis de Rougement). L’Europe a d’abord été une structure permettant les échanges de marchandises (CECA, CEE) et permettant la circulation des marchandises et des personnes (1985 : Espace Schengen).
A partir de la chute du mur de Berlin, la crainte de la bascule à l’est des peuples européens s’amoindrit, la politique libéral à l’échelle européenne devient peu à peu une politique ultralibérale, imposant cette idéologie comme s’il faisait consensus.
Pour quelles raisons serait-on pour une Europe qui est la cause de la baisse de notre pouvoir d’achat, de la dégradation de nos conditions de vie ? Pourquoi ?
Une Europe qui nous a apauvri. Qui a été un prétexte pour augmenter les prix ;
Dans un Etat comme la France qui ne veut pas reconnaître une inflation galopante, qui masque cette inflation par un indice des prix délibérément faussé.
Pourquoi aurait-on confiance en une classe politique qui refuse d’admettre des évidences que tous les français constatent !
Le texte du referendum a été refusé par la France, la Hollande. Les anglais eux n’en voudraient pas. Comment peut-on construire une Europe sans les européens ?
Nos hommes politiques sous-entendent qu’ils préparent un nouveau texte pour 2009. Veut-on aller outre la volonté d’une majorité d’européens ? Prépare t-on un texte que l’on infligera aux français par l’intermédiaire des parlementaires ?
Nous avons dit non au referendum parce que le texte n’abordait absolument pas les questions sociales de manière précise, alors qu’en matière économique le texte faisait preuve d’une grande précision !
Rappelez-vous, dans le contexte de la directive Bolkestein, ce symbole a cristallisé l’opposition à cette Europe des gros intérêts financiers qui ne sont pas les intérêts de la classe moyenne (donc de la majorité des européens !). Une Europe des délocalisations où l’on exploite une partie des européens et où on laisse dans le chômage l’autre partie. Une Europe qui massacre les services publics. Une Europe idéologiquement à droite toute qui semble ignorer que les processus démocratiques impliquent que l’on s’intéresse aux intérêts communs et non aux intérêts particuliers. Une Europe de la soi-disant concurrence qui ne favorise absolument pas les consommateurs.
Ayez en mémoire le choix de la Grande-Bretagne qui a refusé l’Euro. C’est le choix que les français auraient du faire, mais, rappelez-vous, dans quel contexte… Le Traité de Maastricht est passé ‘en douce’ (on nous l’avait pas envoyé, mais à l’époque on faisait confiance…) sans expliquer les implications économiques et sans avertir des conséquences…
En réalité l’Europe manque de démocratie. Si l’on veut une vraie Europe, il faut repenser l’exercice de la démocratie au sein de l’Europe. Les députés européens sont souvent éloignés des français. Les français connaissent à peine leur parcours et leur utilité. Les débats européens sont en marge. Il faut s’y intéresser pour être mis au courant… Les institutions sont complexes et on saisit mal l’articulation des pouvoirs entre eux. Seuls d’éminents spécialistes la comprennent véritablement.
L’économique prime le politique alors qu’il aurait fallu que ce soit l’inverse, que l’économique soit au service du peuple et non le peuple au service de l’économie. Aujourd’hui le monde économie vit une période que l’on pourrait qualifier de « libéralisme absolu » avec tous les effets néfastes sur les populations (inflation, pression fiscale, pas de politique sociale harmonisée, pas de droits sociaux garantis, pas de politique industrielle concertée dans l’Union etc…)
Pour toutes ces raisons, l’Europe n’a pratiquement rien apporté aux français de la classe moyenne . Elle n’a servi qu’aux intérêts d’une classe sociale privilégiée qui n’a pas connu les difficultés de ces dernières années, parce que, précisément, son enrichissement s’est bâti aux dépens… des autres et cette classe là n’a eu suffisamment d’éthique pour chercher à … redistribuer… tout simplement. Et tout simplement parce que RIEN ne l’y oblige !
Tant que l’Europe ne sera pas Sociale et démocratique, tant qu’elle ne mettrait pas l’homme au centre de ses préoccupations, et cela sur la base d’un texte écrit garantissant des droits aux citoyens européens, les peuples la verront comme une structure de plus, coûteuse de surcroît . Tant qu’il n’y aura pas d’harmonisation des services publics, les français n’en voudront pas. – La vision de Charles de Gaulle qui a cherché à nationaliser l’énergie, le transports publics, quelques banques était juste : ce sont des mesures qui assuraient au peuple une équité et une justice sociale.
Il reste à contruire une vraie Europe solidaire, qui garantisse des droits assortis de lois. Pour l’instant l’Europe sociale inscrite dans le dernier texte référendaire était un catalogue de valeurs universelles qui n’apportait pas aux européens aucune garantie quant à leur application.Elle était bâtie sur le modèle de la déclaration des Droits de l’Homme : de beaux textes déclaratifs mais sans aucune garantie. Par contre cette omission de précision n’avait pas lieu en matière économique où le texte était fort précis.
La question centrale d’une Europe de « l’intérêt général »devrait être amorcée sur la base du développement durable dans le sens noble du terme. C’est une Europe respectueuse des européens tout d’abord et non plus des profits faits « contre » une majorité d’européens, dont nous rêvons.
D’une Europe respectueuse de protéger son environnement. Il ne s’agit pas de fustiger les entreprises et les entrepreneurs et de bloquer la production industrielle et le commerce – pas du tout -: il s’agit de relancer la machine économique sur la base de l’innovation : Obliger les entreprises à se propulser dans le futur sain, améliorer la qualité de l’environnement pour une meilleure santé publique. Repenser les choix dangereux comme le nucléaire en France (qui est présenté comme une énergie propre… ce qui est une vision très discutable).
L’Europe bâtie dès le départ en créant l’Euratom en disait long sur le présupposé énergétique et sur des débats qui n’ont jamais eu lieu de manière démocratique. Pourtant des européens dès le départ comme Denis de Rougement, un des Pères de l’Europe, s’étaient insurgés contre les dangers du nucléaire et avait été profondément scandalisé et s’était engagé contre le nucléaire militaire dans sa lettre sur la bombe atomique »(1946). Il avaient fondé Ecoreupa avec Jacques Ellul. Denis de Rougemont envisageait une Europe respectueuse de hommes et de leur milieu. Souvenez-vous : « L’avenir est notre affaire », avait-il titré.
A l’heure qu’il est l’Europe, c’est la baisse de notre pouvoir d’achat, la dégradation de nos conditions de vie et de travail, la disparition des services publics, la remise en question de nos acquis sociaux. Le Pacte social est rompu. Il supposait que nos politiques étaient censés oeuvrer pour le bien du pays. C’est très discutable aujourd’hui.
Les acteurs sociaux qui sont garants de l’exercice de la démocratie ne jouent pas leur rôle de contre-pouvoirs : les instituts de sondage diffusent des réalités tronquées, les syndicats ne protègent plus les intérêts des travailleurs, les grands groupes médiatiques sont entre les mains de particuliers nettement à droite, les statistiques économiques sont faussées en France car elles sont étroitement liées au Ministère de l’économie et des finances.
La Banque centrale européenne qui a été conçue de manière indépendante, devrait être responsable devant le Parlement. Cela permettrait d’avoir une marge de manoeuvre afin de mettre en place des politiques en faveur de la réduction par exemple du chômage. Un système de banque qui ne fonctionne que dans son propre profit et qui ne se met pas au service des populations n’a pas de sens et manque de légitimité.
Aujourd’hui l’Europe est dirigée par un banquier italien Mario Draghi, Président de la Banque centrale européenne, Le président du Parlement est Martin Schulz, qui représente les fédéralistes ; C’est donc aujourd’hui majoritairement le projet fédéral qui l’emporte depuis la chute du mur de Berlin.
Les réformes nécessaires pour réorganiser l’Europe vont rencontrer l’opposition de l’élite en place.
Il est évident que toute réforme destinée à redonner aux peuples des droits sociaux et du pouvoir politique vont rencontrer l’opposition de l’élite en place qui est la seule à tirer profit de la richesse de ce 1% de personnes qui tirent profit de ce système depuis maintenant 20 ans. Cependant poursuivre encore ce type de politique serait un crime contre les populations européennes, et je préfère penser que ce crime ne sera pas commis.
Il est bon de rappeler ici les effets dévastateurs de cette politique : destruction des emplois privés (licenciements), diminution de la qualité de vie des populations, Pression sur les salariés pour plus de productivité avec des salaires qui ne suivent pas, diminution de la production nationale, difficultés des moyennes et petites entreprises, augmentation des écarts sociaux, destruction des services publics, diminution du nombre d’emplois publics, mesures de santé publique insuffisantes, dégradation de l’environnement.
Dans le même temps, alors que la classe moyenne a subi de plein fouet cette politique austéritaire, les classes favorisées n’ont pas omis d’augmenter leurs revenus, ce qui a accru les écarts sociaux, mais surtout le sentiment d’injustice sociale et politique.
Car une autre Europe est possible.