Aujourd’hui, le Pasteur[1], qu’il soit catholique, orthodoxe, protestant ou épiscopalien, est confronté à deux fléaux qui rongent l’église locale. Il s’agit de la prostitution[2] et la corruption (Osée 5 :4; 9 :1). En eux-mêmes, ces deux fléaux constituent les principales causes de la pauvreté extrême du pays et, par voie de conséquence, du sous-développement à tous les niveaux.
Max Weber (1964) suggère un lien relationnel entre église et développement. L’Église[3] protestante haïtienne ne fait pas exception à cette règle. Il convient de souligner l’apport substantiel du protestantisme au développement[4] de la société. Cet apport se traduit tant au niveau de l’éducation et de la santé que dans le domaine de l’agriculture et de la culture (Marc, 1966; Pressoir, 1940, 1945, 1976; Fontus, 2001; Romain, 2004; Déméro, 2017; Déméro & Regulus, 2017; Desroches, 2017). Cependant, au cours de la célébration du bicentenaire du protestantisme, plusieurs auteurs et directeurs d’opinion ont pertinemment souligné le manque de performance de l’Église protestante dans l’avancement du peuple haïtien.
Dans son roman réaliste sur la condition paysanne haïtienne dans les années 1950, Bon Dieu rit, l’écrivain, enseignant et diplomate haïtien Edriss Saint-Armand (1978, p. 253) écrit : « En vérité, moi je ne comprends rien dans toutes ces choses. Nous faisons des cérémonies vodou, ça ne rapporte rien; la misère nous tue. Nous allons à l’Église catholique, et la misère demeure toujours. Chaque jour, la misère devient plus terrible. Nous nous faisons protestants et également, rien ne change ».
Le théologien et Pasteur Jean Fils-Aimé (2017), pour sa part, rapporte que le bilan du bicentenaire[5] du protestantisme en Haïti est très maigre. À travers son essai, il déclare que l’Église protestante est en train de célébrer 200 ans de zombification massive.
Dans une perspective similaire, le journaliste écrivain Sony Lamarre Joseph (2018) a observé un lien relationnel entre l’église haïtienne et le sous-développement. Dans son ouvrage intitulé Notre église et le sous-développement, l’auteur souligne les effets pervers et les conséquences désastreuses, pour la société, d’une communication défaillante chez certains ministres religieux. Il a aussi pointé du doigt certaines pratiques observées dans les églises qui constituent un obstacle au développement. En outre, il a proposé aux leaders une nouvelle approche de la communication pouvant combattre la pauvreté.
Ces différentes critiques ont attiré l’attention de plus d’un et suscité le désir d’élaborer un guide destiné à la conception d’activités qui vont dans le sens du développement et du progrès au sein de l’institution religieuse. Celle-ci ne doit pas contribuer à la zombification des fidèles, encore moins au sous-développement du pays. Un leader religieux, tout en étant homme de Dieu, doit être porteur d’espoir et de lumière dans ses prédications. Aussi, doit-il être l’Ambassadeur de Jésus-Christ et de son royaume dans son mode de vie et dans sa gestion des choses divines. Autrement dit, il ne peut, en aucun cas, encourager la paresse, la médiocrité, la passivité et la mendicité, encore moins, la corruption et la prostitution (Osée 9 :1). De plus, en tant que juste, il accompagne le peuple de Dieu dans le redressement des fondements qui ont été renversés par les désastres humains (Genèse 6; Psaume 11 : 3).
Ce livre n’a pas la prétention de résoudre tous les problèmes liés à la pauvreté dans la société haïtienne et de l’église[6] en particulier. Le lecteur avisé y trouvera un guide méthodologique pour une pédagogie de l’action au sein de cette institution. Le changement tant rêvé commence dans la vie du leader. Si ce dernier connaît un changement dans sa vie personnelle, cela affectera sa vie familiale. Ce changement dans sa vie familiale affectera, à son tour, la vie de l’église. Le changement dans la vie de l’église s’étendra à toute la communauté. In fine, le changement dans la vie communautaire impactera le pays tout entier.
Cependant, l’ouvrage tente de répondre à un ensemble d’interrogations. Comment peut-on conceptualiser la pauvreté au sein de l’église? Quel est le sens de ce concept dans la Bible? Quels sont les facteurs qui sont à la base de la pauvreté au sien de l’institution religieuse? Quelle doit être l’attitude du chrétien face à la pauvreté? Plus précisément, partant de l’hypothèse qu’il existe un lien entre la pauvreté et le sous-développement, le livre tente de répondre aux questions suivantes : Comment peut-on conceptualiser le terme de développement? Quelles sont les attitudes qui encouragent et qui favorisent le développement? Dans la mesure où le chrétien constituerait le point focal de l’ouvrage, il importe de définir, enfin de compte, ce que nous entendons par « être chrétien », de préciser quel est le sens du mot dans la Bible et d’examiner comment on peut développer le caractère chrétien chez tous les croyants.
L’ouvrage s’articule autour de quatre chapitres. Le premier clarifie le concept fondamental étudié dans le livre, à savoir la pauvreté. Le lecteur y trouvera une définition assez substantielle du concept selon les points de vue séculier et biblique. La clarification du concept de chrétien est fondamentale pour la démarche de développement holistique proposé. Dans cette perspective, le deuxième chapitre propose des traits de caractère devant guider le développement de l’individu et de faire société. Le troisième chapitre présente un cadre d’analyse pour comprendre le concept de développement holistique. Cette démarche est proposée comme une stratégie de lutte contre la pauvreté. Le quatrième chapitre offre un canevas pratique pour combattre la pauvreté à travers un plan de développement spirituel, socio-émotionnel, physique et cognitif. Ce canevas formule des orientations pour le développement holistique qui permettront aux fidèles d’accomplir le plein potentiel que Dieu leur a confié.
Bonne cogitation!
- Le générique masculin est utilisé sans discrimination aucune, seulement dans le but d’alléger le texte. Dans ce cadre-là, Pasteur désigne les ministres ordonné-e-s, femmes et hommes, issu-e-s des communautés catholiques, anglicanes, protestantes et orthodoxes. ↵
- Ce terme désigne l’adultère spirituel et l’idolâtrie. ↵
- Ce terme désigne l’ensemble des congrégations appartenant à la catégorie des églises reformées. ↵
- Ce terme fait référence à la mission sociale de l’église en tant que voix prophétique pour jouer le rôle de sel et de lumière sur la terre. ↵
- Terme utilisé en 2016 dans les cadres des préparatifs pour marquer les 200 ans du protestantisme en Haïti (1816-2016). ↵
- Ce terme fait référence à l’église locale ou à la congrégation religieuse. ↵