Texte de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements
78. « Les lectures d’Évangile ont un caractère propre : il s’agit de la venue du Seigneur à la fin des temps (I dimanche), puis de Jean Baptiste (II et III dimanche), enfin des événements qui ont préparé la naissance du Christ (IV dimanche). Les lectures de l’Ancien Testament sont des prophéties relatives au Messie et aux temps messianiques : beaucoup d’entre elles sont tirées du Livre d’Isaïe. Les lectures de l’Apôtre Paul contiennent des exhortations et développent les différents aspects du mystère de l’Avent » (OLM 93). L’Avent est le temps durant lequel les chrétiens se préparent à recevoir des grâces, qui sont largement répandues chaque année durant la célébration de la solennité de la Nativité. À partir du I dimanche de l’Avent, le prédicateur exhorte le peuple à entreprendre une préparation comportant de très nombreuses facettes, chacune d’entre elles étant suggérée dans le recueil très riche des passages de la Bible, qui sont contenus dans le Lectionnaire de ce temps liturgique. La première phase de l’Avent, durant laquelle nous sommes encouragés à préparer Noël, ne nous incite pas seulement à fixer notre regard sur la première venue de notre Seigneur, où, comme le dit la I préface de l’Avent, il a assumé « l’humilité de notre nature humaine », elle nous demande aussi d’attendre son retour « dans la splendeur de sa gloire », vigilants dans la prière, quand « il nous appellera à prendre possession du Royaume qu’il nous a promis ».
79. L’Avent ou venue du Seigneur a donc une double signification. Ce temps liturgique nous prépare à la fois à sa venue dans la grâce de la fête de Noël, et à son retour pour le jugement fixé à la fin des temps. Il convient d’expliquer les textes bibliques en ayant toujours à l’esprit cette double signification. Selon les textes qui sont lus, il est possible de mettre en évidence l’une ou l’autre venue du Seigneur, même si, en réalité, le même passage contient souvent des paroles et des images qui relèvent des deux aspects dont il est question. Et puis, il y a aussi une autre venue : nous écoutons ces lectures dans le cadre de l’assemblée eucharistique, où le Christ est vraiment présent. Au début du temps de l’Avent, l’Église nous rappelle l’enseignement de saint Bernard, qui concerne les deux venues visibles du Christ, dans l’histoire et à la fin des temps, et sa venue invisible qui a lieu ici et maintenant (cf. Office des Lectures, mercredi, I semaine de l’Avent), tout comme saint Charles Borromée a su le faire dans ces paroles : « Ce mystère (…) nous enseigne que la venue du Seigneur n’a pas profité seulement à ceux qui vivaient à l’époque du Sauveur, mais que sa vertu devait être communiquée aussi à nous tous ; du moins si nous voulons, par le moyen de la foi et des sacrements, accueillir la grâce qu’il nous a méritée et diriger notre vie selon cette grâce en lui obéissant » (Office des Lectures, Lundi, I semaine de l’Avent).
A. Le Ier dimanche de l’Avent
80. Dans les trois cycles, l’évangile du I dimanche de l’Avent est le récit synoptique qui annonce l’imminente venue du Fils de l’Homme dans la gloire, dont le jour et l’heure demeurent inconnus. Nous sommes invités à demeurer vigilants et à nous tenir sur nos gardes, à attendre les signes effrayants qui surviendront dans le ciel et sur la terre, et à ne pas nous laisser surprendre. Il est toujours surprenant de commencer l’Avent de cette manière, car il est évident que ce temps liturgique évoque surtout Noël : ainsi, en de nombreux endroits, le sentiment commun qui domine est plutôt lié aux évocations paisibles et douces de la naissance de Jésus à Bethléem. Toutefois, la liturgie elle-même nous présente ces images à la lumière d’autres représentations, qui nous rappellent que c’est le même Seigneur né à Bethléem, qui « viendra de nouveau dans la gloire pour juger les vivants et les morts », comme nous le disons dans le Credo. En ce Ier premier dimanche de l’Avent, il appartient donc au prédicateur de rappeler aux chrétiens qu’ils doivent toujours se préparer à cette venue et au jugement. Il est vrai que l’Avent lui-même constitue une telle préparation : la venue de Jésus à Noël est intimement liée à sa venue au dernier jour.
81. La lecture du prophète, qui est prévue dans chacun des trois cycles, peut être entendue comme une évocation du retour glorieux du Seigneur, à la fin des temps, et aussi de sa première venue « dans l’humilité de la nature humaine », qui est l’objet même de la Nativité. Autant Isaïe (année A) que Jérémie (année C) annoncent que « ces jours viendront ». Dans le contexte de la liturgie, les paroles qui suivent concernent clairement la fin des temps, tout en se référant aussi à la solennité de Noël, dont la célébration est imminente.
82. Que se passera-t-il à la fin des temps ? Isaïe dit ceci (année A) : « Il arrivera dans les derniers jours que la montagne de la maison du Seigneur se tiendra plus haute que les monts, s’élèvera au-dessus des collines. Vers elle afflueront toutes les nations ». Le prédicateur dispose de plusieurs interprétations possibles, qu’il peut développer. L’évocation de « la montagne de la maison du Seigneur » peut être légitimement considérée comme une image de l’Église, qui est appelée à rassembler tous les peuples. On peut aussi y voir une première annonce de la fête imminente de Noël.
« Toutes les nations afflueront » vers l’enfant de la crèche : ce texte trouvera son accomplissement, en particulier, le jour de l’Épiphanie, quand les mages viendront l’adorer. Le prédicateur devrait rappeler aux fidèles qu’eux aussi font partie de ces nations qui marchent vers le Christ, un voyage qui se poursuit avec une intensité renouvelée en ce Ier dimanche de l’Avent. Les mêmes paroles, riches de signification, s’appliquent aussi à la venue du Christ à la fin des temps, qui est mentionnée explicitement dans l’évangile. Le prophète poursuit : « Il sera juge entre les nations et l’arbitre de peuples nombreux ». Les paroles qui concluent ce passage prophétique sont à la fois un appel splendide à célébrer la Nativité, et une vive incitation à attendre la venue du Fils de l’Homme dans la gloire : « Venez, maison de Jacob ! Marchons à la lumière du Seigneur ».
83. La première lecture du livre d’Isaïe, lue pendant l’année B, se présente sous la forme d’une prière qui dispose l’Église à adopter l’attitude pénitentielle propre à ce temps liturgique. Elle débute par la présentation d’un problème, celui de notre péché. « Pourquoi, Seigneur, nous laisses-tu errer hors de tes chemins ? Pourquoi laisser nos cœurs s’endurcir et ne plus te craindre ? ». Il est évident qu’une telle question doit être abordée. En effet, qui est capable de comprendre le mystère de l’iniquité humaine ? (cf. 2 Th 2,7). Notre expérience, en nous-mêmes et dans le monde qui nous entoure – et le prédicateur peut donner des exemples – ne peut que faire jaillir du plus profond du cœur humain, ce cri qui est adressé à Dieu : « Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais, les montagnes seraient ébranlées devant ta face ». Cet appel poignant trouve une réponse définitive en Jésus-Christ. Par lui Dieu a déchiré les cieux et il est descendu parmi nous. C’est en lui, comme l’avait demandé le prophète, que Dieu « fit des prodiges terrifiants que nous n’espérions plus. Voici que tu es descendu : les montagnes furent ébranlées devant ta face. Jamais on n’a ouï dire. ». Noël est la célébration des œuvres merveilleuses accomplies par Dieu, que nous n’aurions jamais osé espérer.
84. En ce Ier dimanche de l’Avent, l’Église fixe son regard sur le retour de Jésus dans la gloire et la majesté. « Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais, les montagnes seraient ébranlées devant ta face ». C’est avec ces mêmes accents que les évangélistes évoquent le retour glorieux du Christ. Et nous, sommes-nous prêts ? Non, nous ne le sommes pas ; il est donc vrai que nous avons besoin d’un temps de préparation. La prière du prophète continue : « Tu viens rencontrer celui qui pratique la justice, qui se souvient de toi en suivant tes chemins ». On trouve quelque chose de semblable dans la collecte de ce dimanche : « Dieu, notre Père, donne-nous d’aller avec courage sur les chemins de la justice à la rencontre du Christ qui vient… ».
85. Dans l’Évangile de Luc, qui est lu pendant l’année C, les images sont particulièrement impressionnantes. Parmi les signes terribles qui surviendront, Jésus prédit qu’il y en aura un qui éclipsera tous les autres : son retour glorieux en tant que Seigneur de l’univers. Il dit : « Alors on verra le Fils de l’Homme venir dans une nuée, avec puissance et grande gloire ». Pour nous, qui sommes ses disciples, cela ne devrait pas être un jour de frayeur et de peur. Au contraire, il dit aussi : « Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche ». Pourquoi le prédicateur ne pourrait-il pas demander à voix haute pourquoi nous devons entretenir en nous une telle attitude de confiance en vue du jugement dernier ? Il est vrai que cela requiert une préparation spécifique, et donc quelque changement dans notre vie. C’est justement l’objet du temps liturgique de l’Avent, durant lequel nous sommes appelés à mettre en pratique cet avertissement du Seigneur : « Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s’alourdisse dans les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie. restez éveillés et priez en tout temps : ainsi, vous aurez la force d’échapper à tout ce qui doit arriver, et de vous tenir debout devant le Fils de l’Homme ».
86. Naturellement, l’Eucharistie, que nous nous célébrons en ce Ier dimanche de l’Avent, est la préparation la plus intense de la communauté à la venue du Seigneur, puisque c’est cette venue elle-même qu’elle manifeste. Dans la préface qui introduit la Prière eucharistique de ce dimanche, la communauté se présente à Dieu « en veillant dans la foi ». Nous qui rendons grâce, nous demandons déjà aujourd’hui de pouvoir chanter avec tous les anges : « Saint, Saint, Saint, le Seigneur Dieu de l’univers ». En acclamant le « Mystère de la foi », nous exprimons ce même esprit d’attente vigilante : « chaque fois que nous mangeons ce pain et que nous buvons à ce calice, nous annonçons ta mort, Seigneur, dans l’attente de ta venue ». Dans la Prière eucharistique, les cieux s’ouvrent et Dieu descend. Nous recevons aujourd’hui le Corps et le Sang du Fils de l’Homme, qui viendra sur les nuées du ciel avec grande puissance et grande gloire. Par sa grâce, reçue en abondance dans la sainte Communion, nous espérons que chacun soit en mesure de s’exclamer : « Je me redresserai et je relèverai la tête, car ma rédemption approche ».
B. Les IIe et IIIe dimanches de l’Avent
87. Dans les trois cycles, les passages de l’évangile des II et III dimanches de l’Avent sont dominés par la figure de saint Jean Baptiste. Jean Baptiste n’est pas seulement le protagoniste des évangiles contenus dans le lectionnaire férial qui suivent ces dimanches. On peut noter aussi que tous les textes des évangiles des 19, 21, 23 et 24 décembre se concentrent sur les événements qui entourent la naissance de Jean. Enfin, la célébration du baptême de Jésus par Jean Baptiste clôt le cycle liturgique de Noël. Les réflexions qui suivent auront pour but d’aider le prédicateur dans tous les cas où, dans le texte biblique, la figure de Jean Baptiste est mise en évidence.
88. Le grand théologien du III siècle, Origène, a élaboré une réflexion qui exprime un grand mystère : indépendamment du temps de sa venue, l’avènement de Jésus a été précédé par celui de Jean Baptiste (Homélies sur Luc, IV, 6). En effet, dès le sein maternel, Jean exulta de joie pour annoncer la présence du Seigneur. Dans le désert, près du Jourdain, la prédication de Jean annonça à l’avance celui qui devait venir après lui. Quand il le baptisa dans le Jourdain, les cieux s’ouvrirent, l’Esprit Saint vint se poser sur Jésus sous une forme visible et une voix du ciel se fit entendre : elle proclama qu’il était le Fils bien-aimé du Père. La mort de Jean fut présentée par Jésus comme le signe qu’il devait se mettre résolument en marche vers Jérusalem, où il savait que la mort l’attendait. Jean est le dernier et le plus grand de tous les prophètes ; après lui, vint pour notre salut celui qui fut annoncé par tous les prophètes.
89. Le Verbe de Dieu, qui se fit chair autrefois en Galilée, rejoint aussi chaque génération de chrétiens. Jean a précédé la venue de Jésus dans l’histoire, et sa venue parmi nous le précède encore. Dans la communion des Saints, Jean est présent dans nos assemblées de ces jours de l’Avent, car il nous annonce celui qui vient, tout en nous exhortant à faire pénitence. C’est pourquoi, chaque jour, à l’office des laudes, l’Église chante le cantique de Zacharie, le père de Jean, qui dit ceci à propos de sa naissance : « Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très Haut : tu marcheras devant, à la face du Seigneur, et tu prépareras ses chemins pour donner à son peuple de connaître le salut par la rémission de ses péchés » (Lc 1,7677).
90. Le prédicateur devrait s’assurer que le peuple chrétien est attentif aux invitations incessantes de Jean au repentir ; de tels appels, qui sont particulièrement présents dans les évangiles des II et III dimanches de l’Avent, font partie de la préparation à la double venue du Seigneur. Toutefois, nous n’entendons pas seulement la voix de Jean dans l’Évangile : la voix de tous les prophètes d’Israël s’unit à la sienne. « Et, si vous voulez bien comprendre, c’est lui le prophète Élie qui doit venir » (Mt 11,14). On peut dire aussi que, par rapport à l’ensemble des premières lectures de ces dimanches, qu’il est aussi Isaïe, Baruch, Sophonie. Chaque oracle prophétique qui, aujourd’hui, est proclamé dans l’assemblée liturgique, est, pour l’Église, un écho de la voix de Jean, qui prépare ici et maintenant le chemin du Seigneur. Nous nous préparons ainsi au retour du Fils de l’Homme dans la gloire et la splendeur du dernier jour. Et nous nous préparons aussi chaque année à la fête de Noël.
91. On peut dire, par exemple, que chaque assemblée où sont proclamées les Saintes Écritures est la « Jérusalem » dont parle le prophète Baruch (II dimanche de l’année C) : « Jérusalem, quitte ta robe de tristesse et de misère, et revêts la parure de la gloire de Dieu pour toujours ». Voici donc un prophète qui nous invite d’une manière précise à nous préparer en nous appelant à la conversion : « Enveloppe-toi dans le manteau de la justice de Dieu, mets sur ta tête le diadème de la gloire de l’Éternel ». Le Verbe fait chair fera sa demeure dans l’Église ; c’est à elle que sont adressées ces paroles : « Debout, Jérusalem ! Tiens-toi sur la hauteur, et regarde vers l’orient ; vois tes enfants rassemblés du couchant au levant par la Parole du Dieu Saint ; ils se réjouissent parce que Dieu se souvient ».
92. Ces mêmes dimanches de l’Avent, on lit diverses prophéties messianiques d’Isaïe, qui sont classiques. Ainsi : « Un rameau sortira de la souche de Jessé, un rejeton jaillira de ses racines » (Is 11,1, II dimanche de l’année A). La prophétie s’accomplit avec la naissance de Jésus. On lit aussi une autre année : « Une voix proclame : « Dans le désert, préparez le chemin du Seigneur ; tracez droit dans les terres arides, une route pour notre Dieu » » (Is 40,3, II dimanche de l’année B). Les quatre évangélistes reconnaissent que ces paroles trouvent leur accomplissement dans la prédication de Jean dans le désert. Dans le même livre d’Isaïe, on peut lire : « Alors se révélera la gloire du Seigneur, et tout être de chair verra que la bouche du Seigneur a parlé « (Is 40,5). C’est ce qui est dit à propos du dernier jour. C’est aussi ce qui est dit au sujet de la fête de Noël.
93. On peut noter que, dans les divers passages de l’Évangile où l’on voit apparaître Jean Baptiste, l’essentiel de son message concernant Jésus est souvent mentionné : « Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint » (Mc 1,8, II dimanche de l’année B). Le baptême de Jésus dans l’Esprit Saint établit un lien direct entre les textes qu’on vient de citer jusqu’à maintenant et le centre sur lequel ce Directoire veut attirer l’attention, c’est-à-dire le Mystère pascal, pleinement réalisé dans la Pentecôte avec la venue de l’Esprit Saint sur ceux qui croient en Jésus-Christ. Le Mystère pascal est lui-même préparé par la venue du Fils unique né dans la chair, dont les richesses infinies seront dévoilées au dernier jour. À propos du petit enfant né dans une étable et de celui qui viendra sur les nuées du ciel, Isaïe dit ceci : « Sur lui reposera l’Esprit du Seigneur » (Is 11,2, deuxième dimanche de l’année A). Il dit aussi ces paroles, que citera Jésus, en affirmant que celles-ci s’accomplissent en lui : « L’Esprit du Seigneur Dieu est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles » (Is 61,1, III dimanche de l’année B, cf. Lc 4,16-21).
94. Le Lectionnaire du temps de l’Avent constitue, en réalité, un recueil très intéressant de textes de l’Ancien Testament, qui trouvent mystérieusement leur accomplissement dans la venue du Fils de Dieu dans la chair. Une nouvelle fois, le prédicateur peut, comme toujours, recourir au style poétique des prophètes pour décrire aux chrétiens les mystères dans lesquels ils sont appelés à s’insérer en participant aux célébrations liturgiques. Le Christ continue à venir, et sa venue comporte de multiples aspects. Or, il est venu, et il reviendra de nouveau dans la gloire. Certes, il va venir à Noël. Toutefois, il vient aussi maintenant, dans chaque Eucharistie qui est célébrée au cours de l’Avent. On peut appliquer la force poétique des prophètes à toutes ces dimensions : « Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu » (Is 35,4, III dimanche de l’année A). « Ne crains pas, Sion ! Ne laisse pas tes mains défaillir ! Le Seigneur ton Dieu est en toi, c’est lui le héros qui apporte le salut » (So 3,16-17, III dimanche de l’année C). « Consolez, consolez mon peuple, – dit votre Dieu – parlez au cœur de Jérusalem. Proclamez que son service est accompli et que son crime est expié » (Is 40,1-2, II dimanche de l’année B).
95. Il n’est pas surprenant que, pour exprimer l’attente joyeuse et impatiente, qui croît au cours des semaines de l’Avent, les célébrants, en ce III dimanche de l’Avent, revêtent des vêtements liturgiques de couleur plus claire, c’est-à-dire tendant vers le rose. De même, ce dimanche porte un nom bien spécifique, qui est emprunté aux premières paroles de l’antienne d’ouverture de la Messe, chantée depuis des siècles ; elle provient de ces mots de la Lettre de saint Paul aux Philippiens : « Soyez toujours dans la joie du Seigneur ; je le redis : soyez dans la joie. Le Seigneur est proche ».
C. Le IVe dimanche de l’Avent
96. En ce IV dimanche de l’Avent, Noël est désormais proche. Sur le plan liturgique, on peut noter un changement de ton : les appels ardents à la conversion font place aux événements qui entourent de près la naissance de Jésus. Ce changement de cap est bien mis en évidence dans la II préface de l’Avent. Il en est de même dans le titre de la première lecture de l’année A : « Voici que la vierge est enceinte, elle enfantera un fils ». Il est vrai aussi que toutes les lectures – celles des prophètes, des lettres des Apôtres, des évangiles – sont imprégnées du thème du mystère annoncé à Marie par l’Archange Gabriel. (Ce qui est exposé ici à propos des évangiles du dimanche et des textes de l’Ancien Testament, peut être appliqué au Lectionnaire férial pour les jours suivants : du 17 au 23 décembre).
97. Le récit de l’Annonciation de Luc est l’évangile qui est lu pendant l’année B ; il est suivi, dans ce même évangile, par la Visitation, qui se lit pendant l’année C. Ces événements occupent une place toute particulière dans la dévotion de tous les catholiques. La première partie de la prière de l’Ave Maria, qui est considérée par eux comme l’une des plus précieuses, est composée des paroles adressées à Marie par l’Archange Gabriel et Élisabeth. L’Annonciation est aussi le premier mystère joyeux du Rosaire, et la Visitation en est le second. Enfin, la prière de l’Angélus est une méditation sur l’Annonciation, qui est dite chaque jour par de très nombreux fidèles (le matin, le midi et le soir). Rappelons encore que la rencontre entre l’Archange Gabriel et Marie, qui reçoit en elle l’Esprit Saint, est représentée dans de multiples chefs-d’œuvre de l’art chrétien. En ce IV dimanche de l’Avent, le prédicateur est invité à partir de ces fondements solides de la dévotion chrétienne pour conduire les fidèles à une compréhension plus profonde de ces merveilleux événements.
98. « L’Ange du Seigneur porta l’annonce à Marie. Et elle conçut du Saint-Esprit ». La puissance et l’intensité de ce moment n’ont jamais faibli. Elles sont perceptibles en ce IV dimanche de l’Avent, au moment où on proclame l’évangile de l’Annonciation. Elles impriment une marque particulière à cette célébration de la communauté. Nous sommes pénétrés par ce mystère. D’une certaine manière, nous aussi, nous sommes présents à cette scène. Nous sommes à Nazareth, en Galilée, et nous voyons l’ange qui apparaît et se tient devant la Vierge Marie. L’Église elle aussi contemple donc cette scène de l’Annonciation ; elle suit avec ferveur cette rencontre marquée par une intensité particulière, le dialogue qui s’ensuit. Message venant de Dieu, réponse humaine de cette femme. Toutefois, tandis que nous contemplons cette scène, nous prenons conscience que nous ne sommes pas admis à participer à cette vision comme de simples spectateurs. Ce qui est offert à Marie – le fait d’accueillir le Fils de Dieu qui s’incarne dans son corps virginal – nous est aussi offert, d’une certaine manière, dans la liturgie de ce IV dimanche de l’Avent, c’est-à-dire à toutes les assemblées rassemblant des fidèles, et, personnellement, à chacun des croyants. Le mystère de Noël, qui sera célébré dans quelques jours, est sur le point de nous être offert. C’est ce que nous dit Jésus : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure » (Jn 14,23).
99. La première lecture de l’Année B, tirée du second Livre de Samuel, nous invite à retourner un peu en arrière par rapport à la scène de l’Annonciation, tout en maintenant le regard fixé sur cette dernière. La lecture élargit notre perspective en nous présentant l’histoire de la dynastie de David. Il s’agit de nous aider à considérer attentivement cette histoire séculaire pour entrevoir, au terme de celle-ci, l’ange qui se tient devant Marie. Il est donc utile que le prédicateur aide les fidèles à mieux percevoir tout le déroulement qui conduit à l’événement de l’Annonciation. Le généreux David est inspiré par une noble pensée, celle de construire une maison pour le Seigneur. Il se pose cette question : pourquoi le Seigneur, présent dans l’arche, devrait-il continuer à vivre sous une tente, alors que lui, David, a obtenu une trêve avec ses ennemis, grâce à l’intervention du Seigneur, ce qui lui a permis de construire sa propre maison ? Mais le Seigneur répond à David d’une manière tout à fait inattendue. À la proposition généreuse de David, le Seigneur offre une réponse marquée par sa propre générosité divine, qui va au-delà de tout ce que David pouvait offrir ou pouvait imaginer. En inversant la proposition faite par David, le Seigneur dit : « Tu ne me construiras pas une maison », « Le Seigneur t’annonce qu’il te fera lui-même une maison » (cf. 2 S 7,11), annonçant ainsi qu’une dynastie sera établie pour David « qui durera sous le soleil et la lune de génération en génération » (Ps 71 (72), 5).
100. En revenant à la partie centrale de ce récit, nous pouvons constater que la promesse faite à David s’accomplira définitivement et, de nouveau, d’une manière complètement inattendue. Marie est « accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé Joseph » (Lc 1,27). L’ange annonce à Marie qu’elle enfantera un fils et il ajoute : « Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père » (Lc 1,32). Marie elle-même est donc la maison que le Seigneur veut construire pour l’authentique Fils de David. De plus, le désir de David de construire une maison pour le Seigneur s’accomplit mystérieusement : en effet, ces mots : « que tout m’advienne selon ta parole » (Lc 1,38), expriment la foi de la Fille de Sion, qui, par sa réponse, construit en un instant un temple, qui est digne du Fils de Dieu, le Très Haut.
101. Le mystère de la conception virginale de Marie est aussi le thème de l’évangile de l’année A, mais dans ce cas, le récit, qui est celui de Matthieu, se déroule du point de vue de Joseph. La première lecture est un bref passage d’Isaïe, où le prophète prononce cette phrase bien connue : « Voici que la vierge est enceinte, elle enfantera un fils, qu’elle appellera Emmanuel (c’est-à-dire : Dieu-avec-nous) ». Cette lecture peut offrir au prédicateur l’occasion d’expliquer que l’Église considère que c’est bien dans les événements de la vie de Jésus que s’accomplissent les textes de l’Ancien Testament. Dans la lecture de saint Matthieu, l’assemblée prend connaissance du détail des événements, consignés soigneusement, qui entourent la naissance de Jésus, dont voici la conclusion : « Tout cela est arrivé pour que soit accomplie la parole du Seigneur prononcée par le prophète ». Ce prophète s’inscrit dans l’histoire, il parle dans des circonstances concrètes. En 734 avant Jésus-Christ, le roi Acaz devait affronter un ennemi particulièrement puissant ; le prophète Isaïe l’exhorta à avoir foi en Dieu, qui avait le pouvoir de libérer Jérusalem, et il offrit au roi un signe envoyé par le Seigneur. Face au refus hypocrite du roi, Isaïe, son contradicteur, lui annonça qu’il lui serait néanmoins donné un signe, celui d’une vierge, dont le fils serait appelé Emmanuel. La signification de cette prophétie prononcée dans des circonstances historiques bien précises, s’élargit considérablement, sous la motion de l’Esprit Saint qui avait parlé par le prophète, pour se conformer à une circonstance historique bien plus importante : la venue du Fils de Dieu qui se fait chair. En réalité, on peut affirmer que cet événement est présent dans toutes les prophéties et dans l’histoire tout entière.
102. En ayant à l’esprit tous ces éléments de réflexion, le prédicateur peut se référer au récit de Matthieu, qui est si bien élaboré. L’évangéliste prend soin de présenter deux vérités, à part égale, concernant la personne de Jésus : il est le Fils de David et il est le Fils de Dieu. L’une et l’autre sont des vérités essentielles qui nous permettent de comprendre qui est Jésus. Il faut noter les rôles bien précis de Marie et de Joseph : grâce à eux, s’accomplit l’harmonie des deux aspects enchevêtrés du mystère.
103. Comme nous l’avons vu au sujet de l’Annonciation dans le contexte de l’histoire d’Israël, la généalogie qui précède cet évangile offre une importante clef d’interprétation de ce texte. (la généalogie est lue le 17 décembre et à la Messe de la Vigile de Noël). L’Évangile de Matthieu commence solennellement par ces paroles : « Généalogie de Jésus, Christ, fils de David, fils d’Abraham ». Puis, on trouve l’énumération traditionnelle de toutes les générations : Abraham engendra Isaac, Isaac engendra Jacob, et ainsi de suite, en passant par David et ses descendants, jusqu’à Joseph, où, soudain, on note un changement notable dans le déroulement du texte : « Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle fut engendré Jésus, que l’on appelle Christ ». Il est à la fois remarquable et extraordinaire de constater que le texte ne poursuit pas la liste des générations en disant : « Joseph engendra Jésus », alors qu’il est spécifié que Joseph est bien l’époux de Marie, de laquelle fut engendré Jésus. C’est précisément sur ce point que le IV dimanche de l’Avent met l’accent en indiquant comment il convient de comprendre le premier verset : « Voici quelle fut l’origine de Jésus-Christ ». On doit comprendre que cette origine se situe dans des circonstances radicalement différentes de celles des autres naissances, qui la précèdent, ce qui justifie la présence de ce texte particulier au début de l’évangile de Matthieu.
104. La première information concerne le fait que Marie, avant même d’aller vivre avec Joseph, est déjà enceinte et que l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint. Il est donc clair, pour les auditeurs et les lecteurs de ce passage de l’évangile de Matthieu, que cet enfant n’est pas de Joseph, mais qu’il est le Fils de Dieu. Il est vrai que le récit nous montre que cela n’était pas encore clair pour Joseph. Le prédicateur pourra mettre en évidence le drame vécu par Joseph : spontanément, n’a-t-il pas tendance à suspecter Marie d’infidélité, ce qui l’incite à la « répudier en secret » ? Ou bien, ne peut-on pas penser qu’en ayant eu plus ou moins connaissance de l’œuvre que Dieu vient d’accomplir, il éprouve quelque crainte de prendre Marie comme son épouse ? Le silence de Marie est aussi très déconcertant. En réalité, celle-ci tient à garder le secret entre Dieu et elle-même ; c’est pourquoi c’est à Dieu lui-même que revient la responsabilité de clarifier la situation. Nulle parole humaine est capable d’expliquer un si grand mystère. Tandis que Joseph pensait à tout cela, un ange lui révéla en songe que l’enfant conçu par Marie venait de l’Esprit Saint et qu’il ne devait pas craindre de l’accueillir. La liturgie de l’Avent invite des fidèles à ne pas craindre eux aussi d’accueillir, comme Joseph, le mystère que Dieu ne cesse de réaliser dans leur vie.
105. Un ange confirme en songe à Joseph que l’enfant qui est engendré en Marie vient de l’Esprit Saint. Ainsi, de nouveau, tout est clair : Jésus est bien le Fils de Dieu. Toutefois, Joseph devra accomplir deux gestes, c’est-à-dire plus précisément deux actions qui légitimeront la naissance de Jésus aux yeux des Juifs, en rapport à leur culture et à leur foi. L’ange s’adresse à lui en l’appelant : « Joseph, fils de David », et il lui ordonne d’accueillir Marie dans sa propre maison, ce qui lui permettra de participer et d’être transformé par le même mystère qui demeure en elle. Après cela, c’est lui qui donnera le nom de Jésus à l’enfant qui naîtra. Ces deux gestes feront donc de Jésus « le Fils de David ». Le récit de Matthieu aurait pu continuer directement par ces paroles : « Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit » ; en revanche, il est interrompu par la prophétie d’Isaïe : « Tout cela est arrivé pour que soit accomplie la parole prononcée par le prophète », puis on trouve la citation du verset prophétique qui a déjà été entendu dans la première lecture. Ce que disait Isaïe à Acaz était de peu d’importance par rapport à ce qui est révélé maintenant. En effet, le mot « vierge » est pris à la lettre, car l’enfant qu’elle conçoit vient de l’Esprit Saint. Et que peut-on dire au sujet de ce nom « Emmanuel » qu’ils devront donner à l’enfant ? À la différence d’Isaïe, Matthieu en explique le sens : « Dieu-avec-nous ». Comme nous le montrent les circonstances dans lesquelles elles ont été prononcées, ces paroles aussi sont prises à la lettre. Si Joseph, le Fils de David, appelle cet enfant : Jésus, il est vrai aussi que le mystère le plus profond de son nom est bien qu’il signifie « Dieu-avec-nous ».
106. Ce même IV dimanche de l’Avent, la seconde lecture de la Lettre de saint Paul aux Romains nous permet d’entendre un langage théologique de l’Église primitive plus ancien que celui utilisé par Matthieu ; il montre l’importance que l’on attache alors à l’équilibre harmonieux qui doit exister entre les titres qui expriment le mystère de Jésus. Saint Paul parle de « l’Évangile qui concerne son Fils qui, selon la chair, est né de la descendance de David et a été établi dans sa puissance de Fils de Dieu par sa résurrection d’entre les morts ». Saint Paul considère que le titre de « Fils de Dieu » est authentifié par la résurrection de Jésus. Comme nous venons de le voir, en affirmant que le nom d’Emmanuel signifie « Dieu-avec-nous », saint Matthieu exprime aussi qu’il évoque la résurrection du Seigneur, car il fait alors référence au principe même de son existence humaine !
107. Il n’en reste pas moins vrai que c’est Paul qui nous montre directement de quelle manière nous pouvons rejoindre les textes que nous entendons. Après avoir nommé solennellement « Fils de David et Fils de Dieu » celui qui est au centre de l’Évangile, Paul déclare que les Gentils sont appelés à « appartenir à Jésus-Christ ». Il leur dit aussi qu’ils sont « bien-aimés de Dieu et appelés à être saints ». Le prédicateur doit pouvoir montrer que ce langage s’applique aussi à nous. En effet, les chrétiens entendent l’histoire merveilleuse de la naissance de Jésus-Christ qui accomplit miraculeusement ce qui a été promis par les prophètes, puis ils peuvent comprendre que cette parole s’adresse aussi à eux : ils sont appelés à appartenir à Jésus-Christ, ils sont aimés de Dieu, et ils sont appelés à être saints.
108. L’évangile de l’année C a pour thème ce que Marie a fait immédiatement après sa rencontre avec l’ange, qui venait de lui annoncer qu’elle enfanterait le Fils de Dieu. « En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse » où se trouvait sa parente Élisabeth, qui était enceinte de Jean Baptiste. En entendant le salut de Marie, l’enfant tressaillit dans le sein d’Élisabeth. Tel est le premier des moments, qui furent nombreux, où Jean annonça la présence de Jésus. Il est important de méditer sur l’attitude de Marie lorsque celle-ci prend conscience qu’elle porte en elle le Fils de Dieu. Elle part « en hâte » visiter Élisabeth pour pouvoir constater que, effectivement, « rien n’est impossible à Dieu » ; en agissant ainsi, sa visite procure une grande joie à Élisabeth et à l’enfant qu’elle porte en son sein.
109. Durant ces jours qui concluent le temps de l’Avent, l’Église entière revêt une physionomie mariale. Le visage de l’Église s’imprègne des signes distinctifs de la Vierge. L’Esprit Saint œuvre ici et maintenant dans l’Église, comme il l’a toujours fait. Ainsi, en ce IV dimanche de l’Avent, tandis que l’assemblée entre dans le mystère de l’Eucharistie, le prêtre dit cette prière sur les offrandes : « Que ton Esprit, Seigneur notre Dieu, dont la puissance a fécondé le sein de la Vierge Marie, consacre les offrandes posées sur cet autel ». Le prédicateur doit savoir montrer la même relation qui est mise en évidence dans cette prière : dans l’Eucharistie, par la puissance de l’Esprit Saint, les fidèles sont appelés à recevoir en eux celui que Marie a porté en son sein. Comme elle, ils devront s’appliquer à faire le bien à l’égard de leur prochain « en toute hâte ». Leurs bonnes actions, accomplies à l’exemple de Marie, manifesteront aux autres la présence de Jésus-Christ, et ceux-ci exulteront de joie.