31 Chapitre 8 : Réflexions à propos de la mort de Jésus
Considérations sur les démons
Souvent Marie d’Agreda interrompt son récit pour rapporter un certain nombre de considérations, soit révélées, soit personnelles, ou pour faire connaître l’enseignement donné par la Vierge Marie, enseignement lié aux scènes de la Passion immédiatement racontées. C’est ainsi qu’ayant eu connaissance du Testament spirituel de Jésus en croix, Marie d’Agreda s’étend longuement sur les réactions des démons devant la douceur et l’humilité de Jésus, pendant sa vie et pendant sa Passion. Ne sont données ci-dessous que des citations susceptibles d’éclairer les méditations de l’homme du XXIème siècle.
La vie du Seigneur Jésus et sa mort sont constamment imprégnées de mystères: « L’un de ces mystères est que Lucifer et ses démons ne parvinrent jamais… à connaître avec une certitude infaillible qu’Il était vrai Dieu et Rédempteur du monde, et par conséquent ils ne connaissaient point non plus la dignité de la bienheureuse Marie… Le triomphe de notre Rédempteur… fut tout spirituel et il ne s’y passa rien que les sens puissent apercevoir… L’orgueil de Lucifer fut profondément humilié… » et Marie d’Agreda s’écrit: « A quelle impuissance était réduit celui qui avait si souvent prétendu bouleverser tout l’univers! Dans quel honteux abattement était tombé celui qui avait trompé tant d’âmes par ses fausses promesses ou par ses menaces!… » Et Marie d’Agreda révèle le sens des sept paroles du Seigneur prononcées sur la Croix, paroles permettant à Lucifer et à ses démons d’en pénétrer le sens mystérieux. (1415)
-« La première parole: « Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font » permit aux princes des ténèbres de connaître avec certitude que Notre Seigneur Jésus-Christ s’adressait au Père Éternel et qu’Il était son Fils naturel et vrai Dieu avec Lui et avec le Saint-Esprit. (1416)
-« Dans la seconde parole que le Seigneur adressa à l’heureux voleur: « Je vous dis en vérité que vous serez aujourd’hui avec Moi dans le paradis. » les démons découvrirent le fruit de la Rédemption: justification des pécheurs et … glorification des justes… Les démons comprirent que les hommes entreraient dans le Ciel pour y jouir du bonheur éternel et y occuper les places auxquelles ils étaient dans l’impossibilité d’arriver… » On rejoint ici un thème abordé par certains théologiens: les hommes sont destinés à occuper, au Ciel, les places laissées vacantes par les démons.
Enfin « les démons reconnurent les victoires que Jésus avait remportées sur eux pendant sa très sainte vie par les très éminentes vertus d’humilité, de patience, de douceur, et par toutes les autres qu’Il avait pratiquées. » (1417)
-« Par la troisième parole: « Femme, voilà votre fils », les démons connurent que cette divine Femme était véritablement Mère du Verbe Incarné, et la même que celle dont l’image leur avait été montrée dans le Ciel à l’époque de leur création,… celle qui leur briserait la tête… Ils comprirent en outre que notre Sauveur avait destiné Saint Jean à être comme l’ange gardien de sa Mère, en le revêtant de la puissance sacerdotale… Lucifer connut aussi le pouvoir que tous les prêtres recevaient à raison de leur dignité et de leur participation à la mission de notre Rédempteur… il sut que les autres justes obtiendraient une protection spéciale et une grande puissance contre l’enfer. » (1418)
-« En disant la quatrième parole: « Mon Dieu! mon Dieu! Pourquoi M’avez-Vous abandonné? » Jésus se plaignait amoureusement de ce que ne se sauveraient pas tous les hommes, eux dont Il se trouvait abandonné… « On retrouve encore le thème du « J’ai soif! » de Jésus sur la Croix. « Ce bonheur que les hommes avaient, d’être si aimés de Dieu, augmenta l’envie de Lucifer et de ses ministres. » (1419)
-Dans la cinquième parole, « J’ai soif! » Jésus exprime l’amour ardent qu’Il porte aux hommes.
-« Par la sixième parole du Seigneur: « Consummatum est », les démons eurent une entière connaissance du mystère de l’Incarnation et de la Rédemption des hommes qui venait d’être achevé dans toute sa perfection. » (1421)
-« L’humilité et l’obéissance de notre Sauveur avaient vengé le Très-Haut de l’orgueil et de la révolte des démons dans le Ciel lorsqu’ils avaient refusé de Le reconnaître, Lui, Jésus, pour supérieur dans la chair humaine qu’Il devait prendre. » Jésus pouvait maintenant prononcer la septième parole: « Mon Père, Je remets mon âme entre vos mains. » (1421)
« Notre Sauveur Jésus-Christ, victorieux triomphateur, voulant, après avoir subjugué ses plus grands ennemis, remettre son âme entre les mains du Père éternel, baissa la tête comme pour permettre à la mort de s’approcher de Lui. (1422) Ce qu’il faut que les hommes sachent, c’est que Lucifer et ses démons furent enchaînés et brisés par la mort de Jésus-Christ. » (1423)
Suit un long conciliabule que Lucifer tint avec ses démons sur Jésus et sur sa sainte Mère. C’est Lucifer qui parle:
« Je l’ai abhorré (Jésus) avant même qu’Il prit chair humaine, et j’ai refusé de le reconnaître comme plus digne que moi de recevoir les adorations de tous en qualité de souverain Seigneur… Ce qui me tourmente plus que ma déchéance, c’est de me voir si opprimé par cet homme et par sa Mère. Je les ai cherchés avec une activité infatigable dès que le premier homme fut créé, pour les détruire ou pour anéantir du moins toutes leurs oeuvres… J’ai fait tous mes efforts pour y réussir, mais en vain, puisqu’il m’a vaincu par son humilité et par sa pauvreté, qu’il m’a renversé par sa patience, et qu’il m’a enfin privé par sa Passion et par sa mort ignominieuse de l’empire que j’exerçais sur le monde… Est-il possible que la nature humaine, si inférieure à la mienne, doive être autant élevée au-dessus de toutes les créatures! Qu’elle soit si aimée et si favorisée de son Créateur, qu’il l’ait unie à Lui-même en la personne du Verbe éternel! Je l’ai toujours regardée comme ma plus cruelle ennemie; elle m’a toujours été odieuse. » (1425 et 1426)
Remarque: Au moins ces déclarations de Lucifer ont le mérite d’être claires. Mais Satan continue, parlant de Jésus et de Marie:
« Comment Celui qui était Dieu a-t-il pu s’humilier de la sorte?… Comment cette femme qui est sa Mère et mon ennemie est-elle si forte et si invincible?… Le Tout-Puissant m’a toujours fait une guerre à outrance par le moyen de cette femme que mon ambition m’a fait détester dès le premier moment où elle me fut représentée. » (1427)
Puis revenant aux hommes:
« Nous leur ferons une vigoureuse guerre, car nous tâcherons de les attirer à nous par nos suggestions et d’exciter leurs passions… nous savons tous que la capacité humaine est si bornée, qu’étant occupée à un objet, elle ne peut être attentive à ce qui lui est opposé. »
En conséquence, les démons décidèrent:
« qu’ils devaient s’efforcer de maintenir l’idolâtrie dans le monde… Que si l’idolâtrie disparaissait, ils feraient naître de nouvelles sectes et des hérésies… C’est dans ce conciliabule infernal que furent inventées la secte de Mahomet, les hérésies d’Arius, de Pélage, de Nestorius… » Évidemment, Marie d’Agreda ne cite que les hérésies et les sectes connues de son temps.
« D’autres démons promirent de pervertir les inclinations des petits enfants en les observant dès leur berceau; d’autres de rendre les parents négligents dans l’éducation de leurs enfants… Il y en eut qui s’offrirent à semer la division entre les personnes mariées, et à leur faciliter l’adultère…, de propager parmi les hommes les querelles, la haine, la discorde et la vengeance… »
Lucifer approuva ces projets, ne doutant pas d’un succès facile chez ceux qui n’embrasseraient pas la foi au Christ. « Mais ce sera une affaire grave d’attaquer ceux qui la recevront… A ceux-là nous devons faire une guerre acharnée jusqu’à la fin du monde… Il faut aussi que nous travaillions à leur ôter la piété et le goût de tout ce qui est spirituel et divin… » (1431)
Remarque: C’est tellement réaliste et actuel qu’on croirait que ces textes, écrits au 17ème siècle, l’ont été pour les peuples du XXIème siècle.
Instructions données par Marie à Marie d’Agréda
Marie continue à instruire Marie d’Agreda: « …Le découragement des démons et la peur que leur Inspiraient ceux qui étaient baptisés et qui suivaient notre Seigneur Jésus-Christ, durèrent plusieurs années dans la primitive Église, » car la ferveur des chrétiens opérait les choses « les plus merveilleuses. Cette force invincible leur venait de ce que la Passion, la mort de leur Rédempteur et le prodigieux exemple de sa patience et de son humilité, frappaient encore leurs yeux de près, et de ce qu’ils étaient moins vivement attaqués par les démons qui ne pouvaient se relever du profond abattement dans lequel le triomphe du divin crucifié les plongea… »
« Mais peu à peu la charité, la ferveur, la dévotion se sont refroidies en beaucoup de fidèles qui ont suivi les inclinations et les désirs de la chair, aimé la vanité et les biens de la terre, et se sont laissés tromper par les illusions de Lucifer… L’audace des démons s’en est accrue à ce point qu’ils ont entrepris de détruire toute l’Église en portant un si grand nombre de personnes à ne point la reconnaître, et ceux qui vivent en son sein à la mésestimer… Mais ce qui est le plus désolant, c’est que la plupart des catholiques ne parviennent point à connaître le mal et ne se soucient pas du remède; et pourtant ils ont sujet de croire qu’ils sont arrivés aux temps calamiteux dont mon très saint Fils avait menacé le monde… lorsqu’Il dit que les hommes demanderaient que les montagnes et les collines tombent sur eux pour les cacher, afin de ne point voir l’incendie allumé par tant de péchés énormes… » (1435)
Parlant de la Passion de Jésus et des projets de Satan, Marie ajoute: « … ma fille, vous ignorez beaucoup plus de choses de ces mystères ineffables que vous n’en avez connu… Mais ce que vous avez appris est plus que suffisant pour vous convaincre des dangers de la vie mortelle, et pour vous animer par l’espérance de vaincre vos ennemis. (1433)… Je vous assure que le seul souvenir des mystères de l’Incarnation, de la Passion et de la mort de mon très saint Fils remplit les démons de terreur, et leur fait fuir ceux qui méditent avec reconnaissance sa vie et ses mystères. » (1435)