11 Chapitre 10 : JESUS A DOUZE ANS
La loi de MoIse ordonnait que trois fois dans l’année les Israélites iraient à Jérusalem adorer Dieu dans son temple. Cette loi à la vérité n’obligeait pas les femmes, néanmoins on avait résolu que saint Joseph irait seul pendant deux fois, mais qu’à la troisième la sainte Vierge y viendrait avec son Fils.
Ce voyage était de plusieurs milles, Jésus malgré cela voulut toujours le faire à pied, quoiqu’il souffrit beaucoup dans cet âge si tendre. La première fois seulement il permit qu’on le prît quelque fois sur le bras, tantôt sa mère et tantôt saint .Joseph, et qu’on lui fit faire ainsi un péu de chemin. Le soir dans les hôtelleries et dans le chemin il ne quittait jamais les côtés de sa mère, enfin qu’elle pût toujours le considérer et l’imiter exactement dans ses actions.
Ils firent un de ces voyages lorsque Jésus avait déjà douze ans, et ce fut pour la grande fête des Azymes, qui durait sept jours entiers. Le dernier jour de cette solennité, ils se mirent en marche pour retourner à Nazareth et le Seigneur mit à profit cette, occasion pour se séparer de ses parents. Pour exécuter son dessein, il se prévalut de l’usage et de la coutume des juifs qui, étant en très grand nombre, se divisaient en divers groupes, les femmes marchant séparées des hommes pour la plus grande décence. Les enfants qui étaient venus à la fête pouvaient se trouver dans la compagnie ou du père ou de la mère, c’est pourquoi saint Joseph put penser que Jésus était avec sa mère, et la sainte vierge qu’il était avec saint Joseph. Cependant la pensée de la sainte vierge fut détournée du Seigneur par une très-haute contemplation, revenue ensuite à elle-même et ne voyant pas Jésus auprès d’elle, elle pensa qu’il était avec saint Joseph.
Le divin enfant se sépara d’eux en sortant de la porte de la ville ou la foule était très grande. Ils marchèrent un jour entier, mais toujours dans ce même ordre, les femmes avec les femmes et les hommes ensemble. Enfin lorsque la foule se divisait par divers chemins et que chacun se réunissait avec ceux de sa famille aux endroits désignés, la sainte vierge et saint Joseph se retrouvèrent et en ne voyant. pas le saint enfant, ils restèrent muets et confondus de douleur sans pouvoir se parler; enfin ayant repris un peu de force, ils résolurent de revenir sur le chemin qu’ils. avaient fait dans ce jour afin de le chercher, en proie tous les deux à une douleur inexprimable, et s’accusant chacun. de sa propre négligence.
La sainte vierge en demanda des nouvelles à ses anges, qui ne lui en donnèrent point. Les époux affligés soupçonnèrent qu’Archelaüs ayant eu connaissance de l’enfant l’avait fait arrêter, ou qu’il s’était enfui de lui-même pour quelque faute de leur part. Ils continuèrent dans ces affligeantes pensées à le chercher en pleurant, sans pouvoir prendre aucune espèce de repos ni de nourriture.
Ils le cherchèrent chez leurs amis et leurs. connaissances dans Jérusalem, mais personne ne leur en donna des nouvelles. Étant sortis de nouveau de la ville, ils résolurent d’aller le chercher auprès de saint Jean-Baptiste dans le désert, mais ils en furent détournés par les anges.
Le troisième jour, ils voulaient aller à Bethléem pour voir s’il n’était pas allé visiter la sainte grotte, mais ils en furent encore dissuadés par les anges.
Ils retournèrent à Jérusalem et en cherchant dans les rues, ils donnèrent le signalement, pour le reconnaître, de ses cheveux, de son visage , de sa taille et de ses habits,. Une femme leur répondit qu’un enfant semblable était venu demander l’aumône à sa porte, et en la lui donnant elle avait ressenti une tendre compassion dans son coeur, de voir un enfant si gracieux et si aimable, sans personne qui en prit soin.
Sur ces paroles, la mère affligée se dirigea avec saint Joseph vers l’hospice des pauvres, et elle apprit encore là, qu’un enfant semblable à celui qu’elle décrivait, était venu consoler les pauvres, mais qu’il était parti et on ne savait pour quel lieu.
Alors la vierge affligée eut la pensée avec son époux qu’il était au temple, et ayant interrogé ses anges gardiens ils lui répondirent de l’y chercher. Ils se dirigèrent vers le temple et y arrivèrent lorsque la dispute des rabbins et des scribes de la loi, à laquelle Jésus avait pris part, était sur le point d’être terminée; ils entendirent seulement les dernières raisons données par le saint enfant pour prouver la venue du Messie, qui était le sujet de la discussion.
La sainte vierge, ravie de joie d’avoir retrouvé son trésor, s’approcha de son fils, et en présence de tous les assistants lui dit les paroles rapportées par saint Luc: Filii quid fecisti nobis sic? ecce pater tuus et ego dolentes quaerebamus te. Jésus fit à ses paroles la réponse rapportée aussi par saint Luc.
Ils sortirent du temple et se dirigèrent vers Nazareth; aussitôt que la sainte vierge fut dans un lieu solitaire, elle fit ce qu’elle n’avait pas osé faire au temple en présence de la multitude, c’est-à-dire, se jeter selon sa coutume aux pieds de jésus et lui demander sa bénédiction. Il la consola par de douces paroles et lui fit connaître plus parfaitement qu’il ne l’avait jamais fait tous les mystères de son coeur et les fins élevées pour lesquelles il avait agi ainsi.