12 Chapitre 11 : LA VIE CACHEE A NAZARETH
L’évangéliste n’a écrit autre chose des dix-huit années que Jésus demeura à Nazareth, sinon qu’il était soumis à ses parents, et erat subditus illis; c’est que les choses qu’il y fit furent si divines et si élevées qu’aucune intelligence humaine ne peut les comprendre. Notre grande reine reçut en ce lieu la connaissance de tous les mystères, des rites et des cérémonies de la sainte Eglise ; . elle connut la fausseté des hérésies, les erreurs des gentils et tous les évènements de la loi évangélique. Elle comprit la doctrine des quatre évangiles qui devaient être écrits, avec tous les mystères qu’ils contenaient, et cela avec une telle clarté et une telle profondeur qu’il est impossible à la langue humaine de l’exprimer.
Dans une vision de la divinité, elle reconnut que Dieu la voulait pour maîtresse de la nouvelle loi de grâce, et elle reçut les lumières qui étaient nécessaires pour une oeuvre de cette importance. Le Seigneur employa trois ans pour instruire sa mère d’une manière parfaite, et chaque jour il lui faisait trois instructions, Il opérait aussi par la force du saint amour, et il ne s’écoula pas un instant, où il n’ajoutât des grâces aux grâces reçues, des dons à ses dons, une nouvelle sainteté à sa sainteté, des faveurs aux faveurs déjà accordées. Entre autres choses, non-seulement elle connut qu’il y aurait le saint sacrement de l’autel, mais elle sut qu’il serait établi avant sa mort et qu’elle le recevrait plusieurs fois.
Dans cette connaissance elle s’abaissa dans son néant et rendit à Dieu de vives et sincères actions de grâces, dès ce moment elle commença à offrir toutes ses pensées et toutes ses actions pour se préparer à recevoir dans la suite la très-sainte communion. Pendant le grand nombre d’années qui s’écoulèrent jusqu’à l’institution de la sainte Eucharistie, elle n’interrompit jamais cette préparation, et elle eut toujours présente à sa pensée ce mystère ineffable.
Ces merveilles s’accomplirent ordinairement dans l’humble oratoire, que notre reine avait dans sa pauvre maison. Jésus s’y entretenait longuement avec sa mère de profonds mystères, ils y priaient ensemble, tantôt à genoux, tantôt en forme de croix, quelquefois ils étaient soulevés de terre, et en l’air aussi ils étaient en forme de croix. Il lui parlait quelquefois comme un maître, d’autres fois comme un fils, tantôt il était transfiguré dans son corps, comme plus tard sur le Thabor, tantôt il était comme dans sa, passion et avait des sueurs de sang.
La Vierge mère, au milieu de ces divins enseignements et de ces saints exercices, atteignit sa trente-troisième année. C’est l’âge où le corps humain a toute sa perfection naturelle et où il commence à décliner, mais dans Marie on n’y vit jamais aucun changement, et son admirable complexion ne s’altéra ni ne changea point, elle se conserva jusqu’à soixante-dix ans dans le même état qu’elle était à l’âge de trente-trois ans. Le Seigneur lui accorda ce privilège, afin qu’elle restât toujours semblable à la sainte humanité de son fils, quant à l’état de sa plus grande perfection, c’est-à-dire de trente-trois ans.
La même faveur ne fut pas accordée à saint Joseph, aussi la sainte Vierge voyant le changement opéré dans son époux, lui parla un jour et le pria de cesser le pénible métier avec lequel il gagnait pour vivre lui-même et sa famille, parce qu’elle travaillerait à sa place et gagnerait par les ouvrages de ses mains ce qui était nécessaire à l’entretien de la maison. Le saint patriarche opposa de grandes difficultés pour ne pas céder à la proposition de sa sainte épouse, mais enfin il s’y soumit. Ils distribuèrent aux pauvres les outils de son métier, parce qu’ils ne voulaient rien de superflu dans la maison, et saint Joseph s’occupa entièrement à la contemplation du grand mystère dont il avait reçu le dépôt et à la pratique des saintes Vertus.
La sainte Vierge procurait par son travail tout ce qui était nécessaire, sans jamais sortir de sa retraite, car quelques dévotes femmes voisines, qui, l’aimaient à cause de. ses vertus lui procuraient de l’ouvrage pour gagner l’entretien de sa famille. Un grand gain n’était pas nécessaire parce que leur nourriture ordinaire était très-frugale; le divin fils ni la mère ne mangeaient jamais de la viande, mais seulement des poissons, des fruits, des herbes et encore même avec une grande sobriété.
Elle accordait très-peu de temps au repos et elle employait plusieurs heures de la nuit au travail des mains, car Dieu le lui avait permis, maintenant plus qu’en Egypte. Lorsque tout cela ne suffisait pour traiter d’une manière convenable le vieux saint Joseph qui avait besoin de plusieurs choses, Dieu y pourvoyait par miracle, tantôt en multipliant le peu qu’ils avaient; tantôt en faisant apporter ce qui manquait par les anges gardiens de la Vierge mère.