La parabole du figuier (Marc 11, 13-14 ; 20-21.28) stérile est difficile à comprendre. Y a t-il un rapport avec nous si nous ne portons pas les fruits attendus et nos manques de foi ? Pourquoi Jésus veut-il manger des figues alors que ce n’est pas la saison. Pourquoi le maudit-il ?
Jésus est surprenant. Il guérit des malades, touche des lépreux, rencontre des publicains, des gens de tous bords. Il pardonne les péchés. Il appelle comme disciples des gens simples, des pêcheurs aux mains calleuses des bords du lac de Galilée ou des gens étiquetés peu recommandables, qu’il juge autrement. Et parmi ses disciples – que l’évangile appelle volontiers « ceux qui suivent Jésus » – il y a aussi des femmes (Lc 8, 1-3).
En absolue liberté Jésus, le prophète de Galilée, vit sans tabou, ce qui gêne profondément. Il faudra peu de temps aux gens du temple de Jérusalem et aux scribes, les experts de la Loi, pour décider qu’il blasphème, ce qui aux termes de la Loi est passible de mort.
Le jour du sabbat, le jour de Dieu, il guérit des hommes et des femmes qui sont sous l’empire de la mort. Quand on lui fait remarquer que c’est un travail, il répond que ce travail de faire passer de la mort à la vie ressemble à Dieu. On lui réitère le verdict, mais il continue. On lui présente un paralysé, il lui pardonne, le délie au plus profond, parce qu’il reconnaît sa soif. Or Dieu seul peut pardonner.
Dans l’épisode du figuier, deux histoires s’enchevêtrent. L’évangéliste Marc affectionne cette façon d’écrire (voir par exemple Marc 5, 21-43). Les deux histoires sont la malédiction et le dessèchement du figuier, et le jugement sur le temple. Les deux s’éclairent mutuellement. Ce qui se passe pour le figuier éclaire ce qui se joue pour le temple, dans lequel Jésus vient d’entrer : plus jamais il ne portera de fruit, car il a déçu l’attente. Ce qui se passe pour le figuier est donc symbolique de ce qui se passe pour le temple.
Mais ce n’est pas la saison du fruit !
Pourquoi une malédiction du figuier qui ne porte pas de fruit, alors qu’en fait ce n’est pas la saison du fruit ? Le figuier, aussi bien que la vigne (cf. Isaïe 5), sont des figures que la bible aime pour désigner Israël. Du figuier ou de la vigne, c’est-à-dire de son peuple, Dieu attend le bon fruit. Et il n’est pas le seul : tous attendent de la religion du temple qu’elle abreuve leur soif intérieure, leur désir de la rencontre de Dieu. Mais on leur a placé trop d’obstacles.
On, c’est la Loi, rappelée durement par les scribes et les pharisiens. Eux durcissent la Loi, comme si Dieu en demandait toujours plus, au risque d’exclure. Ainsi ils ont malmené le temple, y plaçant trop de parvis comme des barrières de pureté. Et ils sont nombreux les hors-gabarit de la Loi, les exclus des lois de pureté et du temple. Jésus s’insurge contre cette exclusion et la combat avec vigueur.
Une maison de prière et pas de marchandage
Déjà du temps de Jérémie, 6 siècles avant Jésus, le peuple se vouait au temple en de véritables incantations, tout en malmenant l’alliance dans une pratique sociale dévoyée, d’exclusion, de tromperie, de piétinement du pauvre. Jérémie avait annoncé la chute de ce temple et même de la ville (Jr 7). Et elle eut lieu ! Jésus annonce une pareille fin du temple. Cette maison est une maison de prière pour les nations, dit Jésus.
Or il est sec, jusqu’aux racines. Il ne porte pas le fruit de miséricorde attendu. C’en est fini de lui. Le temps des fruits ou de la moisson évoque souvent dans la Bible le temps du jugement que l’on appelle eschatologique, c’est-à-dire de la fin des temps. Le geste de Jésus anticipe la fin. Il se comporte en fils – de Dieu – et voit à la manière de Dieu.
Jésus, l’arbre de vie, dont le fruit est donné pour tous
Le geste et la parole de malédiction de Jésus sont une sorte de parabole. Ils sont un geste symbolique, explicatif. Ils laissent apparaître visuellement ce que l’on ne voit pas mais qui est : ce temple est fini. Séché sur pied. Car il n’y a pas sur lui un seul signe de fruit. Ce temple n’est plus le temple de Dieu. Désormais ce sera la personne de Jésus qui rassemblera, comme un arbre de vie, tous ceux qui veulent avoir part au fruit.
C’est maintenant la saison du disciple
En filigrane de ce récit se donne à lire un véritable petit guide, une géographie du disciple. Il est attendu de lui qu’il ait la même faim spirituelle que Jésus ici (v. 12). Mais aussi qu’il porte du fruit, c’est-à-dire qu’il mène une vie qui a le goût de l’évangile (v. 14), en ayant des racines profondes et vivantes (v. 20), c’est-à-dire une foi solide (v. 22). Qu’il aille donc à la source, d’une prière confiante (v. 24). A la source aussi du pardon donné (v. 25). Voilà le disciple selon Jésus, le disciple selon le coeur de Dieu. L’Évangile ouvre la saison du disciple !