Mais lui, sachant leur hypocrisie, leur dit : « Pourquoi voulez-vous me mettre à l’épreuve ? Faites-moi voir une pièce d’argent. »
Ils en apportèrent une, et Jésus leur dit : « Cette effigie et cette inscription, de qui sont-elles ? — De César », répondent-ils.
Jésus leur dit : « Ce qui est à César, rendez-le à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » Et ils étaient remplis d’étonnement à son sujet. (Mc 12,14-17)
Aujourd’hui, on n’emploie souvent que la première partie de l’expression originelle, pourtant « l’une des phrases les plus célèbres de tout l’Évangile » pour le pape François, ce qui supprime sa dimension spirituelle.
Précisons, même si ce n’est pas indispensable pour comprendre l’expression, que le César cité par Jésus n’est pas Jules César, vainqueur de la Guerre des Gaules, contemporain de Cléopâtre (et d’Astérix !). Le terme César s’applique en fait à chacun des onze premiers empereurs romains, successeurs de Jules César, mort en 44 av. J.-C. C’est ce qu’on appelle un cognomen, un surnom, qui vient traditionnellement après le prénom puis le nom des citoyens romains de l’Antiquité. À l’époque de Jésus, c’est Tiberius Iulius Caesar, dit Tibère, qui règne sur l’empire romain, dont fait partie la Palestine. « Rendre à César » signifie donc rendre à l’État, à la puissance qui gouverne le pays.
Comme dans tout pays occupé, la domination romaine rencontre de nombreuses oppositions de la part des juifs, d’autant plus que Rome prélève des impôts importants, ce qui attise fortement l’animosité du peuple juif. Les collecteurs d’impôts, aussi appelés publicains, sont considérés comme des traîtres, des pécheurs. Mais c’est à l’un d’entre eux, saint Matthieu, que Jésus demandera de le suivre pour devenir l’un de ses premiers apôtres (Mt 9, 9).
Une réponse « ironique et géniale »
Dans ce contexte, la question des pharisiens apparaît comme un véritable traquenard, préparé avec soin. Chacun des trois évangélistes rapporte l’approche hypocrite et mielleuse de ceux venus piéger Jésus, suivie d’une question fermée : Nous est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à César, l’empereur ? ». Pour les pharisiens, avec ce oui ou non, Jésus n’a de choix que de passer pour un suppôt de Rome, un « collaborateur », ou un rebelle, incitant à la résistance et à la désobéissance.
Mais face à cette provocation perfide, Jésus répond de façon « ironique et géniale » pour reprendre les mots du pape François à l’occasion de l’une de ses homélies. Loin d’être une pirouette qui lui permettrait juste d’éviter le piège tendu, la réponse du Christ éclaire la conduite et l’engagement du chrétien dans la société. En intimant de rendre à l’empereur ce qui lui appartient, Jésus déclare que c’est un acte dû à l’autorité terrestre que le chrétien doit respecter. La foi ne désengage pas des réalités temporelles, sociales ou économiques. Au contraire. « Le chrétien est appelé à s’engager concrètement dans les réalités humaines et sociales sans opposer Dieu et César, ce qui serait une attitude fondamentaliste, mais en les éclairant avec la lumière qui vient de Dieu »