57 Chapitre 2 : LE LINCEUL DE TURIN
Le suaire de Turin, ou linceul de Turin, est un drap de lin jauni de 4,42 mètres de long sur 1,13 mètre de large montrant l’image floue (de face et de dos) d’un homme présentant les traces de blessures compatibles avec un crucifiement. Puisque la représentation figure certains détails de la Crucifixion de Jésus de Nazareth décrite dans les évangiles canoniques, elle est l’objet de piété populaire et est considérée par l’Église catholique comme une icône. Certains croyants la vénèrent comme une relique insigne, le « Saint-Suaire ».
DESCRIPTION DU SUAIRE
Le suaire est une toile de forme rectangulaire, et mesure désormaisn 3 4,42 mètres sur 1,13n 4. Ce linceul, de couleur ivoire (jaunissement dû à l’oxydation du lin au cours du tempsn 5) est souple et fin avec une épaisseur de 3 à 4 mm. Tissé en chevron (communément appelé « en arête de poissons ») dit « trois en un »n 6, il est composé de fibres de linn 7.
Le suaire présente des marques de brûlures dues à l’incendie de la chapelle du château des ducs de Savoie à Chambéry dans la nuit du 3 au 4 décembre 1532 ainsi que des traces laissées par l’eau utilisée pour éteindre le feu. Lors de cet incendie, le linceul était plié en 48 épaisseurs, ce qui explique la symétrie de ces marques. Il fut traversé en différents endroits par les gouttes de métal fondu de la châsse en argent qui le protégeait. Là où le tissu était troué, les Clarisses, en 1534, cousirent des pièces de tissu de lin de forme plus ou moins triangulaire (Bryan Walsh, directeur du Shroud of Turin Center en Virginie désigne ce rapiècement sous le nom de patch des Clarisses, ces dernières renforçant à cette occasion le linceul en cousant sur sa face postérieure un textile de soutien appelé « toile de Hollande »n 8) qui apparaissent en blanc sur les photos positives et en noir sur les photos négatives. De part et d’autre de ces rapiècements sont bien visibles les marques de carbonisation qui s’étirent sur deux lignes parallèles. Des taches d’eau latérales et centrales en forme de losange (notamment celle au niveau des genoux) sont également bien visiblesn 9. Des « trous de tisonnier » (poker holes) de part et d’autre du bassin16 forment quatre groupes de trous disposés en L, ces perforations existant avant l’incendie de 153217. Une bande latérale cousue de 8 cm de large présente des parties manquantes (elles aussi rapiécées sur la « toile de Hollande ») dont on ne sait pas quand elles ont été retirées18,19.
Le suaire figure l’image de couleur jaune sépia en vue frontale et dorsale d’un hommen 10 nu, avec ses mains croisées sur le pubis. Les deux vues sont alignées tête-bêche. L’avant et l’arrière de la tête se joignent presque au milieu de l’étoffe. La silhouette estompée qui lui donne un aspect spectral n’est visible que si l’on se tient à plus de 2 mètres du linge (en deçà ses contours flous et son manque de contraste avec la couleur du tissu la rendent non perceptible) et dans la pénombre quelques minutes20.
L’homme du suaire porte une barbe bifide (qui se divise en deux parties) et des cheveux jusqu’à mi-épaule. Des examens approfondis en ultra-violet révèleraient des tuméfactions ou des hématomes au visage : une au milieu de l’arête du nez (avec en dessous une fracture du cartilage nasal et une légère déviation de la cloison nasale), une de la joue droite et une aux arcades sourcilières. La partie droite de la moustache et de la barbe sont arrachées, la paupière droite semble déchirée et des coulées qui évoquent du sang parcourent le front (notamment un caillot dont les sinuosités en forme de 3 sont peut-être constituées par le sillon des rides21 et le cuir chevelu22. Il semble assez musclé. Sa taille est difficile à évaluer en raison des déformations du tissu (le linceul a subi au cours des siècles pliages et repliages, enroulements et ostensions) qui présente sur sa face antérieure un corps de taille de 195 cm et sur sa face antérieure un corps de taille de 202 cm, cette différence est regardée par les sceptiques comme une preuve de la nature d’artefact du suaire, anatomiquement incorrect, tandis que les partisans de l’authenticité expliquent cette différence par le pliage du textile sous le corps23. La grande taille de l’homme est aussi regardée comme peu plausible, les partisans de l’authenticité défendant l’idée que l’image serait une projection orthogonale d’un homme qui ferait entre 162 et 187 centimètresn 11.
La main gauche est posée sur le poignet droit. Le poignet gauche comporte une marque rosée, en forme de tache étoilée. Les deuxième et troisième phalanges de la main gauche sont repliées tandis que les phalanges de la main droite sont trop longues (il s’agit probablement d’une distorsion et non d’un symptôme du syndrome de Marfan24 ou d’un élément décisif prouvant la forgerie25). Aucun pouce n’est apparent, suggérant à tort qu’ils sont complètement rétractés à l’intérieur de la paumen 12 ou plus probablement qu’ils sont dans leur position naturelle (en face et légèrement sur le côté de l’index) typique pour un cadavre26.
Des taches rouge foncé à brunâtres apparaissent sur le tissu, signes de diverses blessures : un poignet (ou le haut de la paume) au moins présente une grande tache circulaire (le deuxième poignet est caché par le pliage des mains) ; sur le côté, une autre tache est présente ; des petites taches sur les cheveux et autour du front ont l’aspect de blessures, ainsi qu’une masse de traces linéaires sur le torse et les jambes. Sous les traces hématiques, on ne retrouve pas la coloration qui caractérise l’image du corps27. Les taches ont été interprétées de la manière suivante : celles autour du cuir chevelu suggèrent des taches de sang provoquées par une couronne d’épines (ou plutôt un casque d’épines dures, enfoncées violemment28), celles sur les pieds, poignet et avant-bras évoquent un crucifiement par des clous, celle sur le flanc droit en dessous de la poitrine pourrait provenir d’un coup de lance percé sur le côté, enfin les 120 marques dorsales depuis les épaules jusqu’aux mollets évoquent une flagellation avec le flagrum29.