128 Chapitre 1 : LES MAISONS AU TEMPS DE JESUS

LES MAISONS AU TEMPS DE JESUS

Transportons-nous à Nazareth et représentons-nous la maison habitée par Joseph et Marie lorsque Jésus était enfant.

Qu’on se figure un gros cube de forme régulière et blanchi à la chaux. A l’intérieur une seule pièce; point de fenêtre, le jour entre par la porte et la femme qui cherche une drachme perdue, doit allumer sa lampe (2). Aujourd’hui le logement de toute une famille arabe se compose, en Palestine, d’une grande chambre voûtée sans fenêtre, Il en était ainsi au premier siècle. L’établi, la cuisine, la chambre à coucher, tout devait être réuni dans cette unique pièce de la maison du charpentier de Nazareth. La maçonner le était fort grossière; on peut en juger par les ruines nombreuses dont le pays est aujourd’hui couvert. Il était rare que la pierre y fût employée; les plus luxueuses maisons étaient en briques du pays. On fabriquait ces briques en foulant la terre grasse ou l’argile avec les pieds (3) ; on y mêlait de la paille (4), puis on les cuisait au four (5). Ces maisons de briques étaient très communes dans les villes (6), mais n’étaient habitées dans les campagnes que par les personnes dans l’aisance (7). Quant aux maisons de terre, elles donnaient asile aux agriculteurs et aux gens des basses classes (8). Leurs murs n’étaient qu’un grossier clayonnage revêtu d’argile pétrie et séchée au soleil. Sur cette terre poussait çà et là une chétive végétation et, à l’intérieur le salpêtre, appelé par les habitants la lèpre (9), faisait souvent invasion. Il est probable que la maison de Joseph était une de ces pauvres demeures bâties en terre et blanchies.

Les maisons des riches personnages étaient différentes. La Palestine abonde en pierres calcaires propres aux plus somptueuses constructions, et leurs demeures s’étendaient souvent sur un grand espace; une cour intérieure le long de laquelle régnait un portique, semblable au cloître d’un couvent ou au patio espagnol, était au centre. Le milieu de la cour formait un impluvium (10) ; il y avait là un bassin où l’on pouvait se baigner (11). Autour et en dehors du carré formé par le portique, se voyait une sorte d’avant-cour, ce qu’on appelle en style de caserne un chemin de ronde fermé par un mur d’enceinte.

On pénétrait dans la maison par une porte en bois d’une seule pièce ou à deux battants et qui tournait sur deux gonds (12). Les verrous, la serrure et les clefs étaient en bois (13). Les portes des villes avaient seules des verrous en Métal (14). La fermeture était souvent plus simple encore, et au lieu d’une serrure, on se contentait d’une simple courroie (15).

La maison, élevée sur les colonnes du portique, pouvait avoir plusieurs étages. Le palais de Salomon en avait trois ; mais on ne devait guère dépasser ce nombre. En tout cas, elle renfermait plusieurs pièces. Elles étaient parfois très vastes (16), certaines salles étaient exclusivement consacrées aux festins (17); d’autres étaient des chambres de repos (18). Le splendide palais qu’Hérode le Grand se fit bâtir à Jérusalem (19), était plus luxueux encore; mais de si somptueuses demeures étaient l’exception.

La plupart des maisons, même dans les villes, avaient une chétive apparence (20). Les fenêtres, absentes, nous l’avons dit, de la maison du pauvre, étaient, dans les maisons les plus riches, petites et peu nombreuses. Celles qui donnaient sur la rue étaient garnies d’épais grillages (21) que l’on ouvrait à volonté (22).
Les pièces, sauf celle de l’entrée, étaient très petites. Les habitants ne s’y retiraient que pour la nuit, et, sous ces climats brûlants, l’homme vivait le plus souvent hors de chez lui, dans les rues, sur la place publique. Le visiteur de Pompéï est frappé de l’exiguïté des chambres des maisons. Aucune n’offrait de pièce où l’on pût se retirer pour se recueillir. Il fallait pour cela monter à l’étage supérieur et jusque sur le toit. Celui ci, presque plat, n’avait que juste l’inclinaison suffisante à l’écoulement de l’eau de pluie (23). Il était entouré d’une balustrade prescrite déjà par la Loi (24). Il formait donc une terrasse qui servait de refuge (25). Le sol était en briques (26) ou en chaux mêlée de sable et de petits cailloux battus avec de la cendre.

Le toit de la maison du pauvre était fait de terre, et sur cette couche de terre solide et durcie, l’herbe poussait quelquefois (27). L’escalier qui menait à la terrasse était extérieur, et lorsqu’on était sur le, toit, on pouvait sortir de la maison sans rentrer d’abord dans l’intérieur (28).
Sur ces terrasses, on exposait à l’air certains objets de travail (29), on prenait le frais, on dormait parfois dans la belle saison (30), sans doute pour éviter les insectes ; ce qui se fait encore aujourd’hui.

L’habitude de loger en été sous des tentes est toujours très répandue. Les voyageurs y sont même obligés dans la saison chaude à cause des moustiques, et cet usage était certainement le même autrefois. Pendant quatre mois de l’année, des tentes étaient dressées sur les terrasses des maisons. On traitait aussi sur ces terrasses les affaires secrètes; on s’y retirait dans les moments de tristesse (31) ; et « être assis dans un coin du toit » signifiait mener une vie triste (32).

Dans les émeutes, on montait sur le toit pour voir ce qui se passait (33) pour se sauver ou pour se défendre (34); à la fête des Tabernacles, on dressait encore des tentes sur les toits (35). Jésus-Christ parle de « prêcher sur les toits » et nous verrons que le Hazzan annonçait du haut d’un toit, chaque vendredi soir, que le sabbat commençait.

Quand la maison n’avait qu’un seul étage, la terrasse, entourée d’une balustrade se trouvait former une chaire du haut de laquelle il était facile de haranguer la foule réunie devant la maison. On se représente aussi ce qu’était la solitude sur cette terrasse quand, le soir, sous le ciel splendide de l’Orient, Jésus, fatigué des bruits du jour, s’y retirait pour prier. Là, plus de Scribes, plus de Pharisiens, plus de disputes ni de haine, mais la présence du Dieu vivant et la communion avec lui aussi certaine, aussi sensible que sur la colline et les hauts lieux.

Souvent la terrasse était couverte; elle formait alors une grande salle spacieuse, commode les jours de pluie, et que l’on appelait la chambre haute (36) ou chambre d’en haut (37). Quand Jésus n’enseignait pas en plein air, le seul endroit où il pût se tenir était la chambre haute, et c’est là qu’il se trouvait certainement le jour où on lui amena un paralytique, et que la foule, qui se pressait autour de lui, empêchait les porteurs du brancard de passer (38). On comprend fort bien ce qui arriva ; le malade fut monté par l’escalier extérieur de la maison jusque sur le toit de la chambre haute, d’une construction légère et facile à percer. Un des Talmuds nous rapporte un fait presque semblable (39) : « Quand Rabbi Honna mourut, la civière ne put « passer par la porte qui était trop étroite, et on dut découvrir « le toit et le sortir par là. »


On se réunissait souvent dans la chambre haute pour enseigner : « Rabbi Jochanan et ses disciples montèrent dans la chambre haute, et ils lurent et ils commentèrent (40). »

Cet usage de couvrir au moins une partie de la terrasse et de s’en faire une chambre était très général. Quand elle était entièrement découverte, on ne pouvait s’y tenir que le soir à cause du soleil, et c’est le désir de s’y réunir en tout temps qui y faisait construire cette sorte de pavillon ajouté à la maison, élevé sur le toit et ou on se retirait pour se reposer, pour prier ou pour être seul. On y logeait aussi les étrangers auxquels on donnait l’hospitalité (41). La chambre haute donne encore aujourd’hui son caractère distinctif à la maison syrienne (42). C’est la chambre à donner, la chambre d’ami ; la vie privée étant murée, l’hôte se trouve ainsi logé en dehors de la partie de la maison habitée par le maître et par les siens. Le pauvre se contentait d’ordinaire de laisser sa terrasse découverte, mais le premier luxe que l’on se donnait était celui d’une chambre haute.

La riche Sunamite en fit une pour Elisée (43). C’était la pièce la plus commode de la maison, parce qu’elle était grande, comparée aux chambres de l’intérieur et parce qu’elle était entièrement indépendante du reste de la construction, aussi le nombre des usages auxquels elle servait était-il varié à l’infini. On y déposait les corps avant l’ensevelissement (44). C’est dans une chambre haute que Jésus se réunit avec ses apôtres pour leur faire ses adieux, manger la Pâque juive une dernière fois avec eux et instituer la sainte Cène. Quant aux repas ordinaires, il les prenait, sans doute, comme cela se fait encore aujourd’hui, dans la cour de la maison et en public. Après la mort de Jésus, les apôtres logeaient dans une chambre haute prêtée ou louée par des amis (45). la même peut-être que celle où Jésus-Christ avait institué la Cène, car ils étaient étrangers à Jérusalem.

 

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LE PAYS DE JESUS© par campionpierre. Tous droits réservés.

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