113 Chapitre 2 : La synagogue

La synagogue

Le Temple est le lieu qui polarise toute la vie religieuse, politique, économique d’Israël. Mais dans le quotidien de la vie, une autre institution, la synagogue, revêt une grande importance. Il n’existe qu’un seul Temple où l’on monte à certaines occasions (au moins une fois dans sa vie si on réside loin de la Palestine). Mais le moindre village possède sa synagogue; c’est là finalement que se forgent la mentalité et la piété d’Israël.

Comme le terme église, celui de synagogue semble recouvrir deux réalités : le rassemblement pour la prière des croyants et l’édifice matériel où il a lieu. Actes 16.13 laisse entendre que le bâtiment est secondaire par rapport au rassemblement.

La synagogue est généralement un bâtiment rectangulaire orienté vers le Temple. L’essentiel du mobilier se compose d’une armoire dans laquelle sont soigneusement conservés les rouleaux de la Torah et des prophètes. Certaines d’entre elles ont des bancs de pierre ou de bois placés au long des murs. Ce bâtiment est utilisé au maximum et pas seulement pour l’office du sabbat. Il devint très vite le lieu de l’éducation des enfants et des jeunes. À qui appartient ce bâtiment? Habituellement, semble-t-il, à la communauté locale, chacun participant à la construction et à son entretien. Mais il arrive qu’elle soit la propriété d’un individu et cédée ou offerte à la communauté.

Les origines du rassemblement synagogal ne nous sont connues que par des sources littéraires particulièrement obscures sur ce point. Il semble certain qu’il faut en chercher l’origine dans l’Exil babylonien. Ainsi que nous l’avons déjà signalé, ce désastre national fut une épreuve très douloureuse pour la foi, provoquant jusqu’à l’apostasie d’un certain nombre, la destruction du Temple et l’arrêt du culte. La cessation du culte semble offrir la preuve que les dieux babyloniens étaient plus forts que le Dieu d’Israël. Mais d’autres Juifs, préparés par la prédication de Jérémie et surtout celle d’Ézéchiel qui vécut avec eux en déportation, découvrent un sens à ce qui advient : Dieu n’abandonne pas son peuple; au contraire, il cherche à le purifier.

Le culte officiel s’exprime par la méditation focalisée sur les événements passés et présents et la prière. Les croyants commencent à se rassembler comme ils le peuvent pour raviver mutuellement leur foi commune en l’intervention divine. Les prêtres ont certainement un rôle important et, en retour, tout cet effort de réflexion contribue largement à la formation de la tradition sacerdotale et à l’intense activité littéraire de l’époque. Il arrive qu’on se réunisse pour cette réflexion près de la ville ou l’on est déporté sur une plage, le long d’un fleuve.

L’habitude de ses rassemblements est-elle maintenue en Palestine après le retour d’Exil? On a commencé par reconstruire le Temple et restaurer le culte officiel. Mais en Palestine même, ce mouvement synagogal semble se développer sous l’impulsion d’Esdras et de Néhémie; la description donnée par Néhémie 8 présente un bel exemple d’un tel rassemblement. De leur côté, les Juifs restés en Babylonie et ceux qui se sont dispersés dans le vaste monde connu d’alors (Diaspora) éprouvent le besoin de ces rassemblements indispensables pour maintenir leur foi au Seigneur et pour affirmer leur conscience d’appartenir toujours au peuple élu. Le mouvement se généralise et, au premier siècle de notre ère, chaque communauté juive possède alors la sienne. Des villes comme Jérusalem, Rome, Alexandrie ou Antioche en possèdent un grand nombre (480 à Jérusalem d’après la tradition rabbinique). On croit à cette époque que cette institution est aussi ancienne que le peuple lui-même.

Le déroulement du culte à la synagogue est centré sur la prière et la méditation des Écritures. On commence par réciter le « Shema », le credo d’Israël (Dt 6.4-5). D’emblée, on affirme l’unicité de Dieu et le lien très fort qui l’unit à son peuple. Puis viennent un certain nombre de prières dites par le responsable de l’office et auxquelles s’associe l’ensemble des assistants par un amen solennel. Elles visent à la fois les besoins de la vie courante et le grand désir du peuple de voir l’instauration de l’ère messianique.

Le Talmud nous a transmis la prière appelée « Shémoné Esré » ou dix-huit bénédictions, mais il aime aussi à codifier des éléments qui ne l’étaient pas toujours au premier siècle. Certaines de ces bénédictions sont assurément postérieures à la ruine du Temple et les deux versions de cette prière que l’on connaît ne sont pas identiques; aussi on peut se demander si au premier siècle on n’a pas un canevas de prière plutôt qu’un texte fixé.

Ensuite se déroule la lecture de la Parole de Dieu. Il s’agit sans faute d’un texte de la Torah. Il n’est pas question de le réciter par cœur. On doit le lire dans le texte hébreu. Mais beaucoup de Juifs ne savent pas, ou plus, leur langue classique. Le lecteur s’arrête donc après chaque verset et un autre membre de la communauté le traduit en araméen. Cette traduction est parfois littérale, mais souvent aussi c’est une paraphrase qui fait le lien avec d’autres passages bibliques ou qui introduit toute une théologie. C’est le Targum. Tout Juif mâle adulte, c’est-à-dire de plus de douze ans, peut lire la Torah. On a sans doute une certaine liberté pour choisir le passage qui est lu, encore qu’à l’approche des fêtes on cherche des textes qui parlent de cette solennité. La liste des morceaux pour chaque sabbat ne sera fixée que bien plus tard. Ensuite, vient la lecture d’un passage prophétique selon les mêmes principes, mais avec un choix encore plus large. Souvent, le texte, prophétique notamment, est choisi en fonction de la lecture de la Torah, mais la codification sera plus lente encore à établir.

Avant ou après cette lecture, intervient la prédication que tout Juif adulte peut faire. Elle semble consister souvent en des paraphrases explicatives du texte biblique, à grand renfort de citations prises en dehors de tout contexte et de toute considération d’ordre historique. Ces commentaires sont à la fois une exaltation et une glorification du Très Haut, une formation théologique dispensée au peuple tout entier et une exhortation à vivre selon la loi. Après quoi l’office prend fin.

Cette action liturgique ne comportant aucun élément sacrificiel, le prêtre n’y a aucune place déterminée, sinon pour une bénédiction qui intervient à la fin de la première partie et qui lui est normalement réservée. S’il n’y a pas de prêtre, le président de l’assemblée le remplace.

Tout Juif peut lire la Torah et en faire le commentaire, mais tous ne le font pas, le petit artisan ou le paysan qui a peiné toute la semaine n’a pas souvent la compétence nécessaire pour parler et il doit être heureux de céder sa place à quelqu’un de plus compétent (scribe) ou à quelque personnage de passage. En pratique, ce sont les scribes et les pharisiens qui animent ces réunions cultuelles. Cela leur permet de propager leurs idées et d’accroître leur influence sur le peuple. Sans la synagogue, ils n’auraient jamais eu le rôle qu’ils se sont donné et le prestige dont ils jouissent. Pour célébrer la prière commune, il faut réunir au moins dix hommes adultes libres, sinon on y renonce. Il advint que cette prescription vale à un esclave juif sa libération anticipée, sans elle on n’aurait pas atteint le nombre minimum!

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LE PAYS DE JESUS© par campionpierre. Tous droits réservés.

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