8 Chapitre 8 : Le livre des Nombres

Le livre des Nombres : une longue marche qui symbolise celle des hommes

Après avoir achevé la mise en service du sanctuaire et organisé le culte à y rendre, le peuple se met en marche vers le pays de Canaan. Cette marche sera longue et ponctuée de crises. Celles-ci auront pour conséquence la disparition au désert de toute la génération qui était sortie de l’esclavage en Égypte. De fait, c’est la génération suivante qui accédera à la Terre Promise.

Toutes les dispositions vont être prises entre les tribus qui composent le peuple quant au partage du territoire. Un ensemble de textes législatifs et rituels constitue une partie importante de ce livre, sans oublier des chapitres particuliers (le 21, de coloration plus poétique) et les oracles du devin Balaam vis-à-vis d’Israël (chapitres 22, 23 et 24).

Trois parties composent ce texte complexe :

•    La première se situe au Sinaï, la montagne de la Révélation de Dieu à Moïse. Elle achève la mise en place des institutions décrites dans les livres précédents de l’Exode et du Lévitique,

•     Au cours de la deuxième, le peuple quitte le Sinaï pour traverser le désert. Il y errera près de 40 années, avant d’arriver aux abords du pays de Canaan. C’est au cours de cette deuxième partie qu’apparaissent les révoltes du peuple contre Dieu.

•    La troisième est située dans les plaines de Moab (face à Jéricho, à l’est de la Mer Morte), aux abords de la Terre Promise. Là se situent l’épisode du devin Balaam, la mise en place d’un recensement, et un ensemble de dispositions prises par Moïse pour le partage des territoires à conquérir. Cette partie relate les relations difficiles avec les peuples voisins.

Sens du livre des Nombres

Quatrième livre de l’Ancien Testament, il a reçu ce titre parce qu’il débute (et s’achève aussi) avec une statistique (dénombrement ou recensement) des tribus d’Israël. Sa construction est complexe et recouvre environ 38 années de l’histoire du peuple d’Israël. Le livre des Nombres s’attache à la période d’errance au désert, dans la péninsule du Sinaï après la libération d’Egypte. Il s’achève à la veille de l’entrée en Terre promise (région de Canaan).

Parfois sans transition ni articulation visible, le texte passe d’un récit à l’exposé de la loi, ou de la loi au déroulement d’un récit. Récits et lois ont pour objet d’exprimer une même pensée théologique et semblent ainsi complémentaires, les récits illustrant les lois et les lois éclairant la logique des récits !

Ce livre raconte l’histoire théologique du séjour et de la marche du peuple de Dieu au désert. Tantôt le désert est le lieu idéal où le peuple vit seul avec son Dieu et a conclu l’alliance. Tantôt c’est un lieu de châtiment où la vie est menacée voire impossible.

Cet ensemble d’évènements – dont certains épisodes sont également relatés dans le livre de l’Exode – est abordé de manière plus pessimiste dans les Nombres. Ils sont l’expression de conflits entre Moïse, le responsable d’Israël, et le peuple lui même.

Ces dissensions se terminent souvent par des conséquences néfastes, voire dramatiques. On y apprend que les chemins de la liberté sont semés d’obstacles et de pièges. Moïse lui-même essuie quelques sérieux revers.

Par ailleurs, c’est toute une conception du « peuple de Dieu » qui est exprimée dans les statistiques et la description du camp.

Les tribus entourent le Sanctuaire et la tribu de Lévi, formée des prêtres, fait lien/écran entre le sanctuaire et le reste du peuple. Le peuple qui doit abriter la Présence de Dieu et assurer en même temps un culte permanent est également un peuple faillible, traversé d’ambitions, de jalousies, de haines et d’injustices.

Situation paradoxale pour le croyant d’aujourd’hui :

• être en contact avec Dieu pour pouvoir l’entendre, se mettre en marche avec Lui,

• et en même temps, être séparé de Dieu par les errements, les pulsions de mort, les soifs de pouvoirs, et la convoitise qui habitent en chacun de nous.

Les personnages principaux du livre des Nombres

Les douze tribus qui composent le peuple d’Israël : les douze fils de Jacob, le Patriarche descendant d’Abraham, sont les pères des douze tribus d’Israël.

Moïse : nommé 706 fois de l’Exode à Josué (les livres qui suivent la Genèse dans l’Ancien Testament), il domine la première histoire d’Israël, depuis la sortie de l’esclavage d’Egypte jusqu’aux rives du Jourdain face à la Terre Promise. Acteur décisif de la libération de l’esclavage du peuple hébreu en Égypte, il sera le conducteur spirituel du peuple durant le séjour au désert, plus de 38 années, où il sera confronté aux murmures du peuple, aux complots, aux révoltes, aux infidélités des uns et des autres, y compris de son frère et de sa sœur. Il doute même de Dieu, ce qui le condamnera à ne jamais franchir le Jourdain qui les sépare de la terre de Canaan. Il établit les règles qui organisent la vie du peuple de l’Alliance (autre nom du peuple hébreu).

Aaron : frère de Moïse et son porte-parole lors de ses entrevues avec Pharaon au cours des épisodes qui précèdent la libération d’Egypte. Il est le fondateur de la tribu des Lévites (enfants de Lévi) chargée du service de la Demeure Divine.

Myriam : sœur de Moïse et Aaron, elle est à l’origine d’une remise en cause de l’autorité de Moïse sur le peuple. Elle et ses deux frères mourront la même année, juste avant l’entrée en Terre Promise.

Josué : le successeur de Moïse, à la tête du peuple. Il fera pénétrer le peuple en Terre Promise. Homme de confiance de Moïse. Faisant partie des espions envoyés par Moïse en Canaan, il reviendra confiant dans leur victoire sur les peuples occupant le territoire (à la différence des autres envoyés).

Coré, Datan, Abiram : instigateurs de révoltes contre le pouvoir de Moïse ou d’Aaron. En réalité, ces rébellions visent la prééminence de Dieu. Leur fin tragique illustre la question de l’orgueil humain et des conséquences pour ceux qui sont assoiffés de puissance et incrédules à la puissance de Dieu.

Balaam : devin réputé, envoyé par le roi Balaq pour maudire Israël. A la grande déception de celui qui l’envoie, Balaam ne pourra que bénir Israël.

 

Géographie et livre des Nombres

Pour mieux situer le texte :

Le désert de la péninsule du Sinaï : ce territoire sépare la Palestine du delta égyptien. C’est un désert d’environ 58 000 km2, en forme de trapèze, composé de trois zones du nord au sud :

• une plaine côtière sableuse d’environ 20 km de large,

• un plateau calcaire de 220 km de profondeur,

• un massif granitique triangulaire de 150 km de base et 180 km de côté sur les deux golfes.

La montagne du Sinaï qui en fait partie est le lieu (retenu par les croyants) des manifestations de Dieu, de la révélation du Décalogue, de l’Alliance de Dieu avec le peuple, lieu également du dialogue entre Moïse et Dieu.

C’est aussi le lieu de vie du peuple hébreu après sa sortie d’Egypte, pendant presque quarante années (durée symbolique d’une génération).

 

 

Histoire de la rédaction du livre des Nombres

La composition finale du texte est relativement tardive (aux alentours de – 600, époque de l’exil des Hébreux à Babylone au VIème siècle avant JC). De nombreuses sources ont été assemblées pour composer ce texte, reliant des éléments narratifs et des textes législatifs.

La rédaction finale, comme pour l’ensemble du Pentateuque, peut être attribuée pour l’essentiel à des auteurs prêtres, proches du Temple de Jérusalem. La réflexion théologique débute probablement durant l’exil et se poursuit lors du retour d’exil qui permet en même temps la construction du deuxième Temple vers – 515.

Certains textes sacerdotaux (1-10,28 ; 13* ; 14 ; 16* ; 17-19 ; 20* ; 26-31 ; 34-36) remontent à l’époque perse. Ces textes présupposent déjà les textes sacerdotaux qui se trouvent en Exode et en Lévitique.

On trouve d’autres textes non sacerdotaux (que l’on peut appeler « laïques ») dans les narrations de Nb 11-25 (sans la rédaction P) et en Nb 33.

Le récit de Balaam (Nb 22-24) forme une unité littéraire indépendante qui a peu de liens avec le reste du livre des Nombres. Une inscription araméenne, du VIIIe siècle av. J.-C., trouvée, en 1967, à Deir ‘Alla, en Jordanie, commence par « livre de Balaam, fils de Beor, l’homme qui voyait les dieux ».

 

 

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