Le livre d’Isaïe est très particulier : en réalité, sous l’apparence d’un livre unique de 66 chapitres, il s’agit d’une véritable « bibliothèque » réunissant trois livres distincts.
Le premier Isaïe (appelé « primo-Isaïe ») : chapitres 1-39 rédigés vers 740-701 avant J.-C. Contexte historique : la montée en puissance de l’Assyrie jusqu’à la tentative de prise de Jérusalem par Sennachérib.
Le deuxième Isaïe (appelé « deutéro-Isaïe ») : chapitres 40-55 rédigés vers 550-539 avant J.-C. Contexte historique : la montée en puissance de Cyrus, le roi de Perse, annonçant la fin de l’Exil à Babylone.
Le troisième Isaïe (appelé « trito-Isaïe ») : chapitres 56-66 rédigés vers 538-450 avant J.-C. Contexte historique : la situation à Jérusalem peu de temps après le retour d’Exil.
Sens du livre d’Isaïe : les trois parties du livre d’Isaïe
Le premier Isaïe (Is 1-39)
La première partie du livre d’Isaïe se déroule alors que l’Assyrie devient de plus en plus puissante.
Isaïe exerce sa mission de prophète en tant que conseiller royal. Sous plusieurs rois, mais avec un succès inégal, Isaïe va s’impliquer activement dans les affaires politiques du Royaume de Juda.
Isaïe critique vivement la politique des alliances avec les grandes puissances de l’époque. Ce qui sous-tend ces critiques, c’est l’idée de la confiance. Pour lui, la seule puissance digne de confiance, c’est le Seigneur. Toute alliance étrangère apparaît comme un manque de confiance en Dieu.
Le thème de la sainteté de Dieu va revenir régulièrement, avec une très haute idée de la grandeur divine. Le Dieu d’Isaïe est un Dieu qui agit et exerce son autorité sur toute la création. Il accomplit une œuvre avec un plan précis.
A la sainteté de Dieu s’oppose le péché de son peuple. Comme ces prédécesseurs Amos ou Osée, Isaïe dénonce vigoureusement ce péché. Le principal reproche concerne le manque de foi qui se traduit par la recherche d’alliances étrangères. Mais Isaïe dénonce aussi les maux qui frappent continuellement Israël : hypocrisie religieuse, orgueil des puissants, oppression des plus faibles.
Avec Isaïe apparaît aussi un thème nouveau dans la littérature prophétique : Sion, la montagne sur laquelle est bâtie Jérusalem. Cette montagne a été choisie par le Seigneur pour y faire sa demeure. Elle devient un second Sinaï.
En plus du thème de Sion, Isaïe va introduire dans la théologie d’Israël un autre concept le « messiannisme ». Isaïe dresse ainsi le portrait d’un personnage qui va récapituler tout ce que l’on attendra ultérieurement du messie davidique.
Son autorité repose sur une multitude de charismes. C’est avant tout un médiateur dont la mission est de faire triompher le droit de Dieu en prenant soin des plus faibles.
Le deuxième Isaïe (Is 40-55)
Le contexte historique du deuxième Isaïe est radicalement différent de celui du premier. On se situe ici vers la fin de l’Exil à Babylone, entre 550 et 539.
Une analyse fine du texte révèle qu’il y a deux grandes sections dans cet ouvrage, correspondant probablement à deux périodes de rédaction :
Les chapitres 40-48
Ils appartiennent à la première phase du ministère du prophète. On y trouve quatre préoccupations:
• Les exilés sont tentés de céder au découragement, et le prophète va réconforter les déportés, en rappelant que leur Dieu est le Dieu créateur. Il rappelle aussi qu’Israël a été élu par le Seigneur et que cela lui confère un statut unique au sein de la création.
• Certains exilés accusent le Seigneur d’ingratitude envers son peuple. Le prophète réagit vigoureusement à ces accusations et les retourne contre eux, en rappelant le péché du peuple.
• Nombreux sont les exilés séduits par les dieux babyloniens. Le prophète va donc fortement insister sur ce péril en dénonçant l’impuissance des idoles et l’inutilité du culte qui leur est rendu.
• Enfin, beaucoup de Juifs sont choqués par le choix de Cyrus par le Seigneur, un roi païen, pour libérer son peuple. Cette partie du livre veut leur montrer que Cyrus est bien le serviteur et le messie du Seigneur.
Les chapitres 49-55
A partir du chapitre 49, le ton change et on entre dans une seconde phase du ministère du prophète. Les thèmes polémiques du début du livre ne sont pas repris. Le deuxième Isaïe semble maintenant s’adresser à des fidèles du Seigneur, à des convaincus.
La dominante est la promesse de restauration, de retour au pays, de salut imminent. Il s’agit d’encourager une minorité souvent persécutée par les autres exilés qui n’entrent pas dans cette façon de voir.
L’auteur développe aussi le thème de l’universalité du salut. Les nations ne sont plus présentées comme les ennemis de Dieu, mais comme des peuples en attente de conversion. Le rôle d’Israël va être d’amener ces peuples à reconnaître le seul vrai Dieu, le Seigneur.
Sens du Deuxième Isaïe :
L’exil avait profondément fait douter Israël sur la capacité de son Dieu à conduire l’histoire et à sauver son peuple. Le prophète répond à ces interrogations :
• L’unicité de Dieu est clairement et systématiquement affirmée.
• A l’inverse, la preuve de l’inexistence des autres dieux est leur incapacité à prévoir ce qui va arriver et à faire advenir quoi que ce soit. La preuve que le Seigneur est ce qu’il prétend être, c’est qu’il annonce à l’avance ce qu’il va réaliser et qu’il le réalise effectivement.
• Puisqu’il n’y a qu’un seul Dieu, il faut repenser la place d’Israël parmi les nations. Israël reste le peuple de Dieu mais sa mission prend un contour nouveau. Le salut d’Israël – qui prend concrètement la forme de la libération d’exil et du retour sur sa terre – ne saurait être un simple retour à la situation antérieure. Israël devient le peuple chargé d’annoncer aux hommes ce Dieu unique qui est aussi leur Dieu. C’est une mission d’évangélisation, une bonne nouvelle qui commence par l’annonce de la libération d’Israël et qui culmine avec la venue des peuples à Jérusalem pour reconnaître l’unique Dieu créateur et sauveur de tous les hommes.
Cette annonce du salut d’Israël et des nations trouvera son aboutissement en Jésus-Christ. Le deuxième Isaïe est le prophète qui anticipe le plus les changements de perspectives apportés par le Nouveau Testament.
Le troisième Isaïe (Is 56– 66)
Ces chapitres ne semblent pas avoir été rédigés par un auteur unique. Toutefois, il ne s’agit pas d’une simple compilation, car les différentes prophéties sont organisées de manière assez précise.
Le livre cherche d’abord à expliquer pourquoi le salut tarde à venir, malgré le retour d’exil. On trouve ici un écho de la déception créée par ce retour d’exil dont les réalisations paraissent bien modestes comparées aux annonces des prophètes antérieurs. Le prophète réaffirme que la faute n’en incombe pas à Dieu, mais aux hommes.
Le prophète estime nécessaire d’entreprendre une réforme en profondeur de la communauté revenue d’exil. L’injustice sociale l’amène à s’adresser aux pauvres à qui la nouvelle du salut est destinée en priorité.
Alors que la reconstruction du Temple et la reprise du culte sacrificiel occupent les esprits, il met l’accent sur le culte spirituel. Celui-ci doit faire droit à la justice.