116 Chapitre 14 : Sens de l’évangile de Jean

Sens de l’évangile de Jean

L’évangile de Jean est l’un des textes les plus riches de la Bible.

Le but de l’évangile

L’évangéliste l’exprime lui-même à la fin de son ouvrage, dans les versets 30 et 31 du chapitre 20: « Jésus a fait sous les yeux de ses disciples encore beaucoup d’autres signes, qui ne sont pas écrits dans ce livre. Ceux-là ont été mis par écrit pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant vous ayez la vie en son nom. »

Jésus a fait encore « beaucoup d’autres signes » : l’évangéliste a donc fait une sélection. Il n’entend pas tout dire sur Jésus. Il a choisi de rapporter seulement quelques gestes forts ou des événements marquants et il va en faire la matière de sa réflexion de croyant. Ces gestes ou événements, il les appelle des « signes » : ce sont des marques de la présence de Dieu parmi les hommes. Cette importance des signes, c’est la grande affaire de l’évangéliste Jean : son évangile a même été surnommé «l’évangile des signes». Cela lui donne une structure différente de celle des autres évangiles qui, eux, présentent une multiplicité de petits ensembles.

Quel but visent cette sélection et la réflexion qui s’en suit ? Il s’agit pour Jean de montrer que « Jésus est le Christ, le Fils de Dieu ». Autrement dit, l’évangéliste veut conduire ses lecteurs à faire le lien entre Jésus de Nazareth, un homme repérable, situé et limité dans le temps et l’espace, et le Christ, le Fils de Dieu. Donc à reconnaître en Jésus son humanité et sa divinité.

En même temps, l’évangéliste rappelle que cette reconnaissance a elle-même un objectif : avoir « la vie en son nom » (parfois traduit : « avoir la vie éternelle »). Dans l’évangile de Jean, cette expression est très proche de ce que signifie le « Royaume de Dieu » dans les autres évangiles.

Un évangile spirituel, mais aussi un ouvrage de combat

On qualifie souvent l’évangile de Jean de « spirituel », à cause de la profondeur de regard qu’il porte sur le mystère du Christ, de son insistance sur l’intimité, l’amour, la douceur même. Ce n’est bien sûr pas faux. Pourtant, en même temps, une des caractéristiques de cet évangile est d’être un écrit de combat : il est en effet un écho des luttes menées par les tous premiers chrétiens. On l’oublie souvent, mais un des buts de Jean, c’est aussi de régler des comptes avec des gens qui commencent à instituer une distance avec les Chrétiens, ou plutôt face auxquels la communauté chrétienne se rend compte de la distance qui s’instaure entre eux. Ces gens-là, il y en a aussi bien à l’extérieur de la communauté chrétienne, qu’à l’intérieur !

A l’extérieur, il y a les Juifs. Les tout premiers Chrétiens sont issus du judaïsme, mais nous sommes à présent à la fin du 1er siècle : la communauté chrétienne a rompu ses liens d’origine. Les Juifs dont il est question dans l’évangile de Jean sont plus les contemporains de Jean que ceux de Jésus ! Ce sont les héritiers de la tradition pharisienne, le seul courant du judaïsme qui a subsisté à la chute de Jérusalem en 70. En redéfinissant leur identité juive, ils ont exclu de leurs rangs les judéo-chrétiens. Jean rédige son évangile à une époque où des mesures sont prises pour que les Chrétiens n’assistent plus aux réunions de la synagogue. Beaucoup de passages portent la trace d’un règlement de comptes (surtout doctrinal !) avec ces « Juifs », à tel point qu’on a même suspecté Jean d’antisémitisme. Il ne faut pas oublier qu’on ne peut discuter avec une telle passion que sous la pression « d’adversaires » encore peu éloignés et auxquels beaucoup de fibres attachent encore.

A l’intérieur même de la communauté chrétienne, peut-être sous l’influence de courants gnostiques, il y a des Chrétiens qui ont tendance à nier ou à minimiser l’humanité du Christ. Pour Jean, il faut leur faire comprendre que le Fils de Dieu est devenu l’homme Jésus, que Jésus n’a pas fait semblant d’être homme. D’où l’insistance de son évangile sur tous les traits d’humanité de Jésus. Il ne nous cache rien de sa fatigue ou de ses pleurs.

Il fallait que ces groupes se situent les uns par rapport aux autres. Les communautés chrétiennes, avec l’aide de Jean, vont exprimer leurs distances et du coup préciser ce en quoi elles croyaient. Une spécialiste de l’évangile de Jean, Annie Jaubert, résume très justement la situation : « C’est à la rudesse des affrontements que nous devons pour une part la profondeur de la vision. C’est dans l’âpreté de la lutte que s’est affermie la doctrine.»

 

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