118 Chapitre 16 : Les personnages principaux de l’évangile de Jean
Les personnages principaux de l’évangile de Jean
Beaucoup de personnages de l’évangile de Jean nous sont connus par les autres récits de Matthieu, Marc et Luc, notamment les proches de l’entourage de Jésus. Cependant, ils apparaissent souvent, sous la plume de Jean, avec des traits nouveaux, originaux. D’autres personnages sont propres au quatrième évangile ; Jean nous les présente comme des figures de disciples, avec leur cheminement, leurs doutes, leurs questions et leur foi. »]Quelques exemples :
Jean-Baptiste : dans l’évangile de Jean, le personnage de Jean-Baptiste n’est pas présenté comme un ascète qui annonce à bref délai le jugement de Dieu et la nécessité de se convertir, comme dans les autres évangiles. Il est tout entier tourné vers « celui qui vient ». Quand Jésus entre en scène, Jean-Baptiste le désigne de manière explicite : « il est l’Agneau de Dieu », « il était avant moi », « l’Esprit demeure sur lui », « il baptise dans l’Esprit Saint », « il est l’Elu »… Jean-Baptiste ne devient pas pour autant un disciple de Jésus par la suite, il ne fait qu’orienter ses propres disciples vers leur nouveau maître. En fait, l’évangéliste a projeté sur lui la foi des premières communautés chrétiennes et pour ceux qui continuent à célébrer le Baptiste comme le plus grand des prophètes, il était important que les choses soient claires : Jean-Baptiste est inférieur à Jésus ! Lui-même le confesse : « Je ne suis pas le Christ » (1,20).
Nicodème : c’est un Pharisien, et même une personnalité parmi les responsables religieux. Il vient « de nuit » trouver Jésus, sans doute pour éviter de se faire voir, mais cette nuit a pour l’évangéliste une dimension spirituelle. Au terme d’un long entretien avec Jésus, rythmé de malentendus, Nicodème est invité à venir « à la lumière » (3,21). Nous le retrouvons tout à la fin de l’évangile, après la mort de Jésus : il est l’un des deux personnages qui vont apprêter le corps de Jésus et l’ensevelir : celui qui était dans la nuit vient désormais en plein jour demander le corps de Jésus à Pilate et en prendre le plus grand soin. Il est transformé ! Entre temps, Nicodème s’est fait d’une certaine façon l’avocat de Jésus en disant à ses confrères : « Notre Loi juge-t-elle un homme sans d’abord l’entendre et savoir ce qu’il fait ? » (7,50). Voilà donc un notable des Juifs plutôt sympathique : être un Pharisien n’empêche pas de devenir disciple de Jésus, même si la route est longue !
La Samaritaine : la région de la Samarie (à éviter dans les autres évangiles car peuplée d’hérétiques pour les Juifs !) est présentée par l’évangéliste Jean comme un lieu de foi ! Une femme va devenir croyante, sans même avoir vu un signe, à partir de la seule parole de Jésus ! Sa rencontre avec lui au bord d’un puits va être l’occasion d’un long dialogue, lui aussi émaillé d’incompréhensions, mais qui permet à Jésus de se révéler comme la vraie source d’eau vive. Le personnage de la Samaritaine décrit toutes les étapes de la reconnaissance progressive de Jésus : au début, c’est un Juif parmi d’autres. Puis la femme lui reconnaît la qualité plus importante de prophète. A la fin, elle finira par prononcer les termes de Christ et de Sauveur du monde (4,25). Devenir disciple de Jésus, c’est passer comme elle par toutes ces étapes et nul ne saurait être exclu du don de Dieu, même pas une femme étrangère !
Le « disciple que Jésus aimait » : ce disciple qui n’est jamais nommé apparaît pour la première fois dans le récit du dernier repas, dans une posture d’intimité avec Jésus (13,23). On le retrouve pendant la Passion, près de la mère de Jésus (19,26), et surtout après la Résurrection. La tradition l’identifie, et c’est vraisemblable, avec l’apôtre Jean lui-même. A plusieurs reprises, Pierre doit passer par son intermédiaire, pour reconnaître Jésus ou pour savoir de qui Jésus parle. Pourtant, dans le récit du tombeau vide, ce disciple, qui est arrivé le premier, laisse d’abord entrer Pierre. Comme s’il y avait une sorte de supériorité de ce disciple dans la foi, dans la proximité avec Jésus, et en même temps un respect du rôle confié à Pierre par Jésus. On en a déduit que s’il restait anonyme, c’était moins par discrétion, étant à la base de l’enseignement de l’évangile, que pour ne pas faire d’ombre à Pierre ou à sa mémoire. La communauté de Jean a su mettre « son » apôtre en valeur, tout en montrant qu’elle respectait la « hiérarchie » !
Marie : la figure de Marie, la mère de Jésus, est particulièrement présente dans l’évangile de Jean. Cela se comprend, si ce dernier, comme le lui a demandé Jésus au moment de mourir, a pris Marie chez lui. Dans son Évangile, contre l’usage, Jésus appelle sa mère « femme », au tout début du texte, dans l’épisode des noces de Cana (2,4), comme sur la croix (19,26) : Marie est donc autre que seulement la mère de Jésus. Elle est, comme la femme-Eve, celle par qui se produit la première manifestation de la Vie, et comme la femme-Sion, celle qui rassemble les siens auprès d’elle, donnant ainsi naissance à la première Église. Jésus lui confie tous les croyants représentés par le disciple bien-aimé qui est à ses côtés. Marie, qui comme tout disciple a dû se mettre à l’écoute de Celui qu’elle avait mis au monde, symbolise pour Jean l’ensemble de la communauté chrétienne.