Il y a un temps pour toute chose, mais au final, l’action de l’homme débouchera sur le néant.
• L’action: pourquoi faire ? Au final, on ne change rien à rien et le monde se répète sans qu’il y ait quoi que ce soit de vraiment nouveau !
• La science? Elle est si minime par rapport à l’essentiel dont nous ne connaissons à peu près rien!
• La sagesse? Elle ne nous livre que quelques bribes de connaissance sur lesquelles il ne vaut mieux pas trop s’appuyer pour faire la leçon !
• Le plaisir? A la fin, il se révèle toujours décevant.
Le monde tourne mal. Les puissants s’avèrent le plus souvent être des sots qui cherchent à écraser les autres avant que d’autres ne prennent leur place pour faire de même. L’injustice règne très largement. Les hommes et les femmes sont malheureux. Même s’ils ont accompli beaucoup de choses dans leur vie – de bien ou de mal – demain tout sera oublié.
Si nous restons en nous-mêmes, tout est condamné à l’échec et au désespoir. Mais si nous nous abandonnons à Dieu alors tout peut reprendre sa vraie signification.
En ce sens, ce texte difficile annonce l’irruption de l’Absolu comme un don totalement gratuit.
Sens du livre de l’Ecclésiaste
Qohelet est un livre unique dans la Bible, dont le ton est profondément original. Son but est d’explorer la condition humaine. »]Ses conclusions sont sans appel, centrées sur une formule qui est devenue proverbiale:
Vanité des vanités, tout est vanité!
Quel profit pour l’homme dans toute la peine dont il peine sous le soleil ?
Pour lui, la vie est sans consistance, comme de la fumée que l’on ne peut saisir et que le moindre souffle disperse :
• L’homme est prisonnier d’un cycle d’éternels recommencements : il n’y a rien de nouveau sous le soleil ! (Qo 1,9 Ce qui fut, cela sera, ce qui s’est fait se refera, et il n’y a rien de nouveau sous le soleil ! 10 Qu’il y ait quelque chose dont on dise : « Tiens, voilà du nouveau! », cela fut dans les siècles qui nous ont précédés.)
• L’homme s’agite et souffre, sans connaître son avenir, toujours à la merci d’un aléa. (Qo 6,12 Et qui sait ce qui convient à l’homme pendant sa vie, tout au long des jours de la vie de vanité qu’il passe comme une ombre ? Qui annoncera à l’homme ce qui doit venir après lui sous le soleil ?)
o Contrairement à la littérature de Sagesse traditionnelle qui affirme que le bien sera récompensé sur cette terre, Qohelet ne se fait aucune illusion.
o Les méchants ne sont pas sanctionnés ni d’ailleurs les justes récompensés ! (Qo 8,14 Il y a une vanité qui se fait sur la terre : il y a des justes qui sont traités selon la conduite des méchants et des méchants qui sont traités selon la conduite des justes. Je dis que cela aussi est vanité).
Aucune accusation n’est portée contre cet état de fait. C’est l’homme qui est responsable, à cause de son désir insatiable, générateur d’angoisse et de frustration.
Histoire de la rédaction du livre de l’Ecclésiaste
L’auteur se nomme « Qohelet », un terme basé sur une racine hébraïque (qahal) qui signifie «rassemblement, assemblée». Le « Qohelet » est celui qui a une fonction (liturgique ou de prédication) lorsque l’assemblée se réunit. Le terme grec équivalent à l’hébreu qahal est « ekklèsia », futur nom de l’Eglise.
La traduction de Qohelet s’est donc faite naturellement en « Ecclésiaste ».
Attention à ne pas confondre l’Ecclésiaste avec l’Ecclésiastique, qui est l’autre nom du livre de Sirac le Sage.
L’auteur essaye de se faire passer pour le roi Salomon, mais en fait il écrit en pleine période hellénistique. Le texte hébreu est caractéristique d’une langue tardive, avec des termes empruntés à l’araméen et au persan. On y trouve aussi de nombreux contacts avec le monde grec. Le livre a du être rédigé au début du 3ème siècle avant Jésus-Christ.
Durant la période hellénistique, on assiste à une accumulation de richesse pour l’élite sociale, c’est-à-dire la noblesse païenne et la classe supérieure judéenne, même si le pouvoir politique est entre les mains des souverains grecs.
Le livre de Qohélet reflète un environnement économique qui est différent de l’économie agraire de subsistance de la Juda préexilique. L’économie est maintenant basée sur la maximisation du profit. Qohélet exprime le sentiment du milieu auquel il appartient, c’est-à-dire l’aristocratie de Jérusalem, une aristocratie qui connaît, sous les Ptolémés et sous les Séleucides, une exclusion politique. Le pessimisme de Qohélet reflète alors la frustration de l’aristocratie jérusalémite qui depuis 587 est évincée des décisions politiques.
Deux conséquences importantes :
• l’élite de Jérusalem va prendre une part active à l’économie de l’empire séleucide, et à défaut d’une occupation à responsabilité, à une autre époque Qohélet aurait été conseiller spécial du roi, Qohélet a le temps et l’argent pour philosopher en sceptique. Contrairement aux prophètes ou aux psaumes, Qohélet ne se scandalise pas qu’il y ait des riches et des pauvres, c’est la conception d’un monde stable (Qo 1 et 3), d’une société stratifiée (Qo 4-6 ; 4,1-7 : la pauvre ; 4,8-12 : le riche ; 4,13-16 : le roi ; 4,17-5,6 : Dieu).
• Qohélet est un scribe qui enseigne à l’ombre du Temple de Jérusalem. Il est l’ancêtre lointain des Sadducéens qui ne croient pas en la résurrection des morts et qui refusent toute nouvelle révélation venant d’un sage ou d’un visionnaire et ne reconnaissent que la Tora. Il est le chaînon entre le parti sacerdotal de la période perse, l’obsession classificatrice de ceux qui aiment séparer les choses entre pur et impur : c’est le Lévitique, c’est le premier récit de la création (Gn 1,1-2,4a) qui est une création par séparation, et les Sadducéens de l’époque de Jésus.