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par André Ndejuru.

Cher Papa,

Soixante années déjà se sont passées depuis ton départ, oh là que le temps passe vite! Voici le temps venu le temps choisis pour te faire un bilan de ce qui s’est passé pendant cette période où tu nous as laissé prendre les rênes du déroulement de la vie de ta Famille, tu as accompagné tout un chacun dans ce périple au combien multiple.

Faisons d’abord le bilan des moyens que tu as mis à notre disposition par le biais de l’éducation dans le sens le plus large :

Gupfa n’ukwishaka ukibura : Mourir n’est pas plus l’arrêt cardiaque que le fait de ne pas se retrouver dans ses valeurs. Avec le temps j’ai compris que depuis la leçon sur les couleurs de ton  paquet de cigarettes (Belga rouge) où tu intervertissais les couleurs les couleurs pour voir si j’allais suivre et tu m’as puni quand pour te faire plaisir, j’ai acquiescé que le rouge était noir ce fut là une de tes valeurs phare que tu nous as donné et qui est comme une marque déposée qui accompagne le nom que tu nous transmis : Etre vrai quoiqu’il en coute ! Et à plus d’une fois tu nous en donner l’exemple jusqu’à en mourir.

Les dix premières années ont été la continuation de ta bataille contre l’injustice et pour le droit. Défendre la famille que tu avais refusé d’amener dans l’incertitude du statut de réfugiés car tu croyais fermement que la situation que les belges voulaient mettre en place ne pouvait tenir longtemps avant que les valeurs rwandaises, basé sur la communauté, – wamariye iki abandi- ne reprennent le dessus et pour cela Maman a toujours opté de rester à Bihana pour rester fidèle tes convictions. Après ton départ, auquel du reste personne ne croyait car pendant longtemps je m’attendais à te voir arriver, on s’est serré les coudes derrière le Gd frère et autour de maman et à Bihana,  fini  les petites batailles rangées que tu organisais entre Aimable et Bello contre Emile et moi qui m’ont, par ailleurs beaucoup aidé par la suite, car je n’avais pas peur de recevoir et de donner des coups pourvu que je ne laisse pas faire ce que je trouvais injuste ! A combien de bagarres n’ai-je pas participé pour secourir des gens agressés pour être tutsi, alors que je ne les connaissais pas la minute d’avant ! Faire corps avec la nature car elle est juste. Je me suis évertuer à veiller sur ta ‘ma fille’.

Les vingt années qui ont suivi nous ont vus partir séparément et sillonner le monde. Encadré par tes même valeurs qui m’ont accompagné dans cette Europe où je ne me « suis pas trouvé »,  j’ai essayé les pays voisins qui au départ m’avait paru accueillant mais où j’ai expérimenté l’adage qui dit qu’on n’est jamais aussi bien que chez soi et tes valeurs avaient du mal à s’épanouir dans un environnement où la conscience (d’un étranger) n’avait pas ni de place ni de voix à quelque chapitre que ce soit. Au moment du grand choix de rentrer, tu te rappelles que quand un quidam à qui je demandais des nouvelles du front m’a demandé qui j’étais, ton training de « wamariyiki abandi » m’a fait un clin d’œil pour m’indiquer que le moment de rentrer avec les autres était là.

Les valeurs d’antan, qui te tenait tant à cœur, ont donc repris le dessus et on essaie de les accorder avec les temps présents !

Nous sommes de retour au Bercail à Bihana et tout en étant citoyen du monde nous sommes d’abord rwandais et pardessus tout tes enfants,  tes beaux enfants, tes petits enfants liés par ce sentiment d’appartenir à ta souche.

André dit Magara arasaza

 

 

 

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