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1.2 Décolonisation et autochtonisation du métier de l’électricité

Note des auteurs

Nous, les auteurs qui avons collaboré à la production de cette ressource, sommes engagés dans la décolonisation et l’autochtonisation de notre pratique éducative; cependant, la plupart d’entre nous ne sommes pas Autochtones. Nous nous trouvons à différents stades de notre propre cheminement vers une compréhension complète de la colonisation et des meilleures façons de décoloniser et d’autochtoniser nos approches de la recherche et de l’enseignement. Nous n’avons pas l’intention de faire de cette ressource un guide complet ou normatif de la décolonisation et de l’autochtonisation de l’enseignement de l’électricité ou du métier de l’électricité. Cependant, dans les sections qui suivent, nous présentons certains des enseignements que nous avons tirés du processus d’élaboration de cette ressource (et d’autres expériences d’apprentissage auxquelles nous avons participé) dans l’espoir que ces enseignements puissent orienter les lecteurs vers des occasions d’approfondir leur apprentissage ou de réfléchir à la manière de décoloniser et d’autochtoniser leurs propres pratiques d’enseignement. Il existe des ressources utiles pour approfondir votre apprentissage de la décolonisation et de l’autochtonisation. L’une de nos préférées s’intitule Pulling Together; il s’agit d’une série de guides sur l’autochtonisation élaborée par des responsables de l’éducation autochtone de la Colombie-Britannique.

Définitions

L’introduction à l’autochtonisation et à la décolonisation traite de la différence entre ces concepts apparentés, mais distincts. Nous proposons ci-dessous des définitions concises, ainsi qu’une définition de la réconciliation, avec lesquelles les lecteurs devraient se familiariser. Ces définitions sont tirées du plan d’autochtonisation Our Journey Together: Land, Life, Learning (p.10) du Selkirk College.

Questions directrices

Au fur et à mesure que vous avancerez dans le présent module, vous serez amenés à réfléchir aux connaissances acquises dans les modules d’introduction à l’autochtonisation et à l’écologisation. Nous vous rappelons que vous n’êtes pas censés être des experts dans l’un ou l’autre de ces sujets, mais que vous êtes plutôt invités à réfléchir à votre pédagogie actuelle et à trouver des espaces où vous pouvez commencer à intégrer des contenus autochtones, des modes de connaissance et des pratiques de réconciliation, ainsi que la pratique de l’écologisation.

Nous avons intégré des récits et des ressources qui s’inspirent des quatre principes (4 R) suivants : respect (respect), réciprocité (reciprocity), pertinence (relevance) et responsabilité (responsibility) (Archibald, 2008; Kirkness et Bernhardt, 1991), et nous espérons que ces récits vous aideront à réfléchir à la manière dont vous pouvez apporter des changements concrets à votre pédagogie actuelle. Nous reconnaissons que le processus d’autochtonisation prend du temps et qu’il créera des zones d’inconfort.

C’est pourquoi nous posons la question suivante afin de vous guider : « Que pouvez-vous faire pour apprendre à reconnaître votre malaise? ». En d’autres termes, comment ce guide peut-il vous aider à surmonter votre malaise et vous offrir des outils pour soutenir votre parcours?

Voici d’autres questions directrices à vous poser :

  • Pourquoi l’autochtonisation est-elle importante pour moi en tant qu’instructeur?
  • En quoi l’autochtonisation et l’écologisation de l’électricité se ressemblent-elles? En quoi sont-elles différentes?
  • Quelle est ma responsabilité envers la vérité et la réconciliation en tant qu’instructeur?
  • Quels engagements en matière d’autochtonisation l’établissement dans lequel je travaille a-t-il pris?
  • Quels mensonges ou préjugés concernant l’histoire des autochtones, leurs modes de connaissance, leurs peuples et le processus d’autochtonisation me faudra-t-il défaire et explorer?
  • Comment les quatre principes de respect, réciprocité, pertinence et responsabilité peuvent-ils m’aider à mettre en œuvre des pratiques d’autochtonisation et d’écologisation dans ma pédagogie?
  • Quels sont les engagements de l’établissement pour lequel je travaille en matière de développement durable?

 

Savoirs et modes de connaissance autochtones

L’intégration des savoirs et des modes de connaissance autochtones dans votre enseignement et votre pratique de l’électricité peut présenter de multiples avantages. Les modes de connaissance autochtones insistent sur l’importance du lieu et de l’interconnexion. Appliqués au travail de l’électricien, ils nous amènent à réfléchir différemment au rôle d’un bâtiment dans l’environnement qui l’entoure. Les systèmes électriques d’un bâtiment affectent, et sont affectés par, les écosystèmes et les communautés humaines dans lesquels il existe; en prenant des mesures pour garantir une relation respectueuse, nous améliorerons la durabilité de notre environnement bâti.

Par exemple, chaque kilowattheure (kWh) d’électricité consommé dans un bâtiment doit être produit, et les projets de production d’électricité peuvent avoir des répercussions sociales et environnementales négatives. L’encadré ci-dessous en donne un exemple. L’économie d’énergie est un concept de base de « l’écologisation », mais vu sous un angle légèrement différent, il s’agit également d’un exemple d’autochtonisation.

Récit : la région du bassin du Columbia

Carte du bassin du Columbia

La région du bassin du Columbia, qui constitue aujourd’hui le sud-est de la Colombie-Britannique, abrite depuis des temps immémoriaux les nations Ktunaxa, Lheidli T’enneh, Secwepemc, Sinixt et Sylix. Le fleuve Columbia, long d’environ 2 000 km, prend sa source au Canada et se jette dans l’océan aux États-Unis.

Dans les années 1960, les deux pays ont ratifié le Traité du fleuve Columbia, un accord de gestion des eaux transfrontalières qui a entraîné la construction de trois barrages au Canada et d’un barrage aux États-Unis. Les objectifs du Traité étaient de produire de l’énergie et de contrôler le débit. Chaque barrage crée un réservoir qui inonde la vallée fluviale située derrière lui. Dans certains cas, les réservoirs s’étendent sur des centaines de kilomètres de long.

Les installations hydroélectriques des barrages apportent une énergie souvent considérée comme étant « propre » à l’ouest de l’Amérique du Nord, mais leur incidence sur les communautés locales (y compris les communautés autochtones), leur culture et l’environnement (y compris les forêts anciennes irremplaçables) a été incommensurable. Les peuples autochtones n’ont pas été entendus lors de l’élaboration du Traité du fleuve Columbia, et les répercussions sont considérées par au moins une des nations concernées comme étant la plus grande atteinte à leurs droits.

La vidéo ci-dessous s’appuie sur les voix autochtones pour expliquer comment les barrages hydroélectriques du Traité du fleuve Columbia (et d’autres) ont affecté les modes de vie dans le bassin du Columbia, et explique les perspectives autochtones sur les droits et les responsabilités en matière de gestion de l’eau et des espèces qui en dépendent.

Certaines parties du Traité doivent expirer en 2024 et, compte tenu du monde très différent qui existe 60 ans après sa ratification initiale, le Canada et les États-Unis ont entamé des négociations en vue de moderniser le Traité. Les nations Ktunaxa, Secwepemc et Syilx participent à ces négociations et dirigent les efforts visant à déterminer comment les opérations du réseau hydroélectrique ajusté affecteraient leurs communautés et les écosystèmes du bassin du Columbia.

 

Approche à double perspective

Comme expliqué dans l’introduction aux processus de décolonisation et d’autochtonisation, le concept d’approche à double perspective, ou Etuaptmumk en langue mi’kmaq, tient compte des points forts du savoir occidental et du savoir autochtone. Le processus d’autochtonisation ne demande pas aux instructeurs d’abandonner les précieuses connaissances techniques ou scientifiques qu’ils ont acquises dans une optique occidentale. Il leur demande plutôt d’apprendre à intégrer une autre perspective dans leur pratique d’enseignement, qui valorise les vérités supplémentaires offertes par les savoirs, les cultures et les modes de connaissance autochtones. L’approche à double perspective consiste à se tenir au coude-à-coude avec quelqu’un pour voir un sujet à travers une lentille différente et trouver des moyens de tisser les deux points de vue ensemble.

Réflexion

Lorsque vous examinez les thèmes de la décolonisation et de l’écologisation, il y a des espaces où cela peut sembler naturel et d’autres où il peut sembler qu’il n’y a pas de place pour la décolonisation et l’autochtonisation. Ce sont ces espaces que nous vous encourageons à explorer. C’est peut-être là que vous pouvez mettre en application l’approche à double perspective afin de déterminer quelles lentilles différentes peuvent être utilisées pour voir votre pratique d’enseignement sous un jour différent.

La durabilité peut sembler être un lieu naturel pour intégrer les modes de connaissance autochtones (et c’est le cas), mais nous vous encourageons à réfléchir aux raisons pour lesquelles cette compréhension peut être importante.