57 Chapitre 1 : Nimrod

Nimrod

Nimrod
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Représentation de Nimrod
Fonction
Monarque
Biographie
Nom dans la langue maternelle
נִמְרוֹדVoir et modifier les données sur Wikidata
Activité
Père
Enfants
Éliézer (d)
Pharaon (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Œuvres principales
Tower of Babel (d)Voir et modifier les données sur Wikidata

Nimrod (de l’hébreu נִמְרוֹד (nimrōd)) ou Nemrod est un personnage de la Bible. Il y est présenté comme le premier héros postérieur au Déluge, un chasseur réputé et le fondateur du premier royaume et de plusieurs villes en Mésopotamie.

Nimrod dans la Bible

Dans le livre de la Genèse, au chapitre de la descendance des fils de Noé1, Nimrod est un fils de Koush, qui lui-même est le fils aîné de Cham et le petit-fils de Noé. Nimrod est le premier héros sur la terre, et le premier roi après le Déluge.

« Kouch engendra aussi Nemrod, celui qui le premier fut puissant sur la terre. Il fut un puissant ravisseur devant l’Éternel ; c’est pourquoi l’on dit : « Tel que Nemrod, un puissant ravisseur devant l’Éternel ! » Le commencement de sa domination fut Babel ; puis ÉrecAkkad et Kalné, dans le pays de Sennaar. De cette contrée il s’en alla en Assur, où il bâtit NiniveRehoboth Ir (en) et Kélah ; puis Résen (en), entre Ninive et Kélah, cette grande cité. »

— Genèse 10,8-12 (traduction de la Bible du Rabbinat)

Le premier livre des Chroniques reprend l’idée de la Genèse qui fait de Nimrod le premier roi postérieur au Déluge (1Ch 1,10). Dans le livre de Michée, le pays de Nimrod est identifié à l’Assyrie (Mi 5,5). Parmi les villes du pays de Shinéar citées dans la péricope, seule Calneh n’est pas identifiée. La Bible cite dans deux occurrences une ville du nom de Calneh (Am 6,2Es 10,9), mais dans les deux cas, il s’agit d’une ville située dans le nord de la Syrie, dans la région d’Arpad et connue par les sources assyriennes. L’absence d’une ville appelée Calneh dans le sud de la Mésopotamie a fait suggérer à Albright d’amender la vocalisation du texte massorétique וְכַלְנֵה (wĕkalneh) en וְכֻלָּנָה (wĕkullānāh) (« et elles sont toutes [dans le pays de Shinéar] »)2. Le verset 11 fait aussi l’objet de lectures différentes : certains traduisent « de ce pays il sortit pour Aššur » et d’autres « de ce pays sortit Aššur ». La première traduction rend compte du contexte, où Nimrod est clairement le principal héros de la péricope, mais elle suppose une construction grammaticale inhabituelle3.

Le nom « Nimrod » est souvent mis en relation avec la racine hébraïque marad signifiant « se rebeller ». Il peut s’interpréter comme une première personne du pluriel (« nous nous rebellerons »). C’est ainsi qu’il a été compris dans la tradition juive qui fait de Nimrod le prototype de l’orgueil et de la rébellion contre Dieu4. Nimrod est le roi du pays de Shinéar, c’est-à-dire la Babylonie. Son nom peut être une création du rédacteur biblique pour faire allusion au récit de la Tour de Babel5. Le personnage de Nimrod s’inspire plus vraisemblablement d’un héros ou d’un personnage mésopotamien. Parmi les identifications les plus souvent proposées, on trouve soit des divinités mésopotamiennes telles que Marduk ou Ninurta, soit des souverains comme Sargon d’Akkad ou l’assyrien Tukulti-Ninurta Ier. Moins souvent, des rapprochements ont été établis avec le kassite Nazi-Maruttash ou avec le pharaon Amenophis III (nom de règne Neb Maât Rê)4.

Le récit biblique met Nimrod en relation avec les grandes villes de Babylonie. Certains chercheurs y voient donc la figure de Marduk. La philologie ne permet pas d’expliquer le glissement de Marduk à Nimrod. Le dicton qui fait de Nimrod « un puissant chasseur » pourrait faire allusion à un récit mythologique racontant les exploits de Marduk. Pour expliquer ce titre de « chasseur », Lipiński propose que Marduk a été considéré comme vainqueur du dragon Mušhuššu6.

Le nom de Nimrod peut plutôt dériver du dieu guerrier sumérien Ninurta, même si le glissement de « Ninurta » vers « Nimrod » n’est pas expliqué linguistiquement. L’image et les fonctions de Ninurta présentent des parallèles avec la figure de Nimrod. Dans la littérature mésopotamienne, Ninurta est un dieu de la guerre et de l’agriculture, qui défend la terre arable contre les monstres du chaos. Pendant la période médio-assyrienne, Ninurta est attesté comme un dieu de la guerre et de la chasse. Pendant la période néo-assyrienne, il devient le principal dieu de la capitale Kalkhu (Calah ou Kélah dans la Bible, aujourd’hui Nimroud). Une différence importante est que dans la Bible, Nimrod est un héros humain. Contrairement à Ninurta, son identité n’a rien de divine. On ignore de quelle manière ces traditions mésopotamiennes ont atteint les scribes judéens4.

Dans le récit de la Genèse, Nimrod est présenté comme le fils de Koush et le petit-fils de Cham. Selon la description biblique de l’humanité, Nimrod appartient donc à la branche africaine. Il est pourtant clairement ancré dans le paysage mésopotamien. Il est le roi des principales villes de Babylonie et a étendu sa domination à l’Assyrie au nord. Plusieurs hypothèses ont été émises pour expliquer cette situation. Certains chercheurs supposent une erreur scribale, d’autres l’expliquent par une confusion avec un hypothétique personnage nommé Koush et qui serait un ancêtre éponyme pour les Kassites de Babylonie (kaššu en akkadien). Nimrod est décrit comme un chasseur « devant YHWH » (en hébreu lifnē yhwh). Dans le récit, cette expression ne présente pas la connotation négative que la tradition postérieure y a vu, en interprétant lifnē comme « contre, en opposition à ». La relation entre YHWH et Nimrod s’apparente plutôt à la relation entre le grand dieu sumérien Enlil et son fils Ninurta4.

Traditions et légendes

La tradition rabbinique présente Nimrod comme le prototype du rebelle, son nom pouvant être interprété comme « celui qui rend le peuple rebelle contre Dieu7 », mais la tradition protestante le décrit comme un « chasseur héroïque devant Dieu8 ».

Le titre de « chasseur devant Dieu », donné à Nimrod, est peut-être péjoratif. En effet, le mot hébreu liphné, « à la face de », peut signifier « contre » ou « en opposition avec ». Bien que, dans ce cas, certains spécialistes prêtent à la préposition hébraïque le sens favorable, « en face de », les Targoumim juifs, ainsi que les Antiquités juives de l’historien Flavius Josèphe, mais aussi le contexte du chapitre 10 de la Genèse lui-même laissent entendre que Nimrud était un puissant chasseur qui provoquait Dieu.

Selon la tradition juive, Nimrod, le « roi-chasseur » régnant sur les descendants de Noé, eut l’idée de construire à Babel (Babylone) une tour assez haute pour que son sommet atteigne le ciel (Talmud de Babylone Avoda Zara 53b). Flavius Josèphe écrit :

« [Nimrud] peu à peu, transforme l’état de choses en une tyrannie. Il estimait que le seul moyen de détacher les hommes de la crainte de Dieu, c’était qu’ils s’en remissent toujours à sa propre puissance. Il promet de les défendre contre une seconde punition de Dieu qui veut inonder la terre : il construira une tour assez haute pour que les eaux ne puissent s’élever jusqu’à elle et il vengera même la mort de leurs pères. Le peuple était tout disposé à suivre les avis de [Nimrod], considérant l’obéissance à Dieu comme une servitude ; ils se mirent à édifier la tour […] ; elle s’éleva plus vite qu’on eût supposé. »

— Antiquités juives, livre I 114-115 (chapitre IV 2-3)

Nimrod est également mis en scène dans la littérature islamique9. Il meurt d’une façon humiliante : un moustique, ou moucheron s’étant introduit dans son nez, provoque en lui d’atroces migraines. Il demande à tous les passants de lui frapper sur le crâne dans l’espoir de faire tomber la bestiole… vainement. Ainsi, celui qui se prenait pour un dieu fini par mourir victime d’un minuscule insecte9. Dans le Talmud, la mort du « méchant Titus » qui a détruit le Temple de Jérusalem est décrite par un midrash dont le contenu est similaire.

Selon les sources juives, Nimrod a été tué après avoir été provoqué en duel par Esaü, frère de Jacob[réf. nécessaire].

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