158 Chapitre 5 : Hérode Antipas

Hérode Antipas (de 4 avant Jésus-Christ, à 39 après Jésus-Christ)

Celui-ci, ainsi que son frère Philippe, paraît avoir abandonné son frère Archélaüs dans les circonstances relatées plus haut et montré vis-à-vis du pouvoir romain une obséquiosité satisfaisante ; aussi put-il conserver ses États tandis qu’Archélaüs les perdait. Celle de ses constructions qui intéresse le plus le lecteur du Nouveau Testament est Tibériade, dont la situation était fort remarquable ; les Juifs fidèles n’eurent pendant longtemps que de la répugnance pour elle, parce qu’elle était bâtie sur des tombeaux ; aussi, pour peupler la ville nouvelle, appelée du nom de Tibériade pour honorer l’empereur Tibère, fallut-il avoir recours à la violence. Il avait épousé la fille du roi des Arabes Arétas IV (2 Corinthiens 11.32 ; Actes 9.24 et suivant) Rencontrant Hérodiade, il conçut pour elle une vive passion ; elle était la femme de son frère Hérode, simple particulier qui avait été rayé du testament de son père à la suite de la découverte d’un complot auquel avait pris part sa mère Mariamme, fille du grand-prêtre. Hérodiade accueillit ses ouvertures ; ils convinrent entre eux qu’elle irait habiter avec Hérode Antipas dès qu’il serait de retour de Rome. Son épouse légitime ayant eu vent de la trahison de son mari, se fit conduire à Machéronte, forteresse à l’est de la mer Morte ; de là, elle se retira auprès de son père.

Cette union fut pour Antipas une source de malheurs. Elle scandalisait ses sujets parce que contraire à la loi : il y avait, en effet, double adultère. En outre, Hérodiade était tout à la fois sa belle-sœur comme femme de son frère, et sa nièce comme fille de son autre frère Aristobule, ce fils d’Hérode le Grand et de Mariamme, qui avait été mis à mort avec son frère Alexandre, comme il a été dit plus haut. Sur la mort de Jean-Baptiste, Josèphe (Antiquités judaïques, XVIII, 116-119) fournit des renseignements précieux, que voici en résumé : parlant de la défaite essuyée par les troupes d’Antipas auquel Arétas avait déclaré la guerre pour venger l’honneur de sa fille, outragée par la répudiation dont elle avait été la victime, Josèphe expose que, « à quelques-uns des Juifs, il paraissait que cette défaite devait être expliquée comme une punition méritée, en expiation du meurtre de Jean, surnommé le Baptiste. C’était un homme de bien qui exhortait les hommes à la vertu et au baptême, envisagé non pas comme un moyen de détourner de soi-même un châtiment, mais d’obtenir (ou de produire) la pureté du corps, attendu que leur âme avait été précédemment purifiée par la justice. Le grand succès que remportent les prédications de Jean fait craindre que, par ces discours mêmes, ils ne soient entraînés à quelque rébellion ; c’est à cause de ces appréhensions que Jean est d’abord jeté dans la prison de Machéronte, puis mis à mort. L’opinion des Juifs était que la destruction qui avait anéanti son armée n’était pas autre chose qu’un châtiment qui lui avait été infligé par Dieu qui avait voulu par là le rendre malheureux » (Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, XVIII, 116ss). L’authenticité de ce passage a été contestée ; on y a vu une interpolation due à une main chrétienne. L’historien juif Simon Dubnow croit, au contraire, que ces lignes sont de la main de Josèphe, et il a certainement raison. Nous trouvons donc, dans Josèphe, des renseignements d’une réelle valeur ; Jean avait acquis sur le peuple une autorité extraordinaire, aussi bien par ses prédications qui attiraient les foules que par la sainteté de sa vie ; l’influence qu’il exerçait sur les masses populaires était telle que le tétrarque ne tarda pas à en prendre ombrage ; il craignit enfin que cet enthousiasme ne devînt le point de départ d’un soulèvement préjudiciable à la paix de l’État ; aussi, avant qu’il fût trop tard, fit-il mourir à Machéronte le prédicateur redouté. La grande popularité de Jean est attestée par nos Évangiles (Marc 1.5 ; Marc 11.27 ; Marc 11.33). Jean fut jeté en prison par Hérode : « Mais Hérode le tétrarque, étant repris par Jean au sujet d’Hérodiade, femme de son frère, et de tous les autres crimes qu’il avait commis, ajouta encore à tous les autres celui de faire jeter Jean en prison » (Luc 3.19 et suivant). « Jean lui disait : Il ne t’est pas permis de prendre la femme de ton frère » (Marc 6.18). Les deux récits que nous possédons de sa mort se lisent Matthieu 14.1-12 ; Marc 6.21-29. D’après les renseignements de Josèphe, c’est à Machéronte qu’il aurait été mis à mort (voir Rev. Bbl. 1909, pages 386ss, article de F.-M. Abel). Cette ville, couronnée d’une forteresse, est pour Josèphe l’extrémité méridionale de la Pérée ; il en fait une description détaillée (Guerre des Juifs, VIII, 66ss) ; à ses yeux sa situation naturelle comme l’industrie des hommes en ont fait une forteresse imprenable ; elle domine de plus de 1 100 m les eaux de la mer Morte, que l’on aperçoit à une dizaine de km à vol d’oiseau. Machéronte fut détruite une première fois par Gabinius, lors de la venue de Pompée en Palestine. Reconstruite par les soins d’Hérode, elle devait tomber au pouvoir des Romains lors de la dernière guerre (voir plus loin, 9, 5°). Antipas apparaît encore dans deux passages des Évangile : Luc 13.31-33 ; Luc 23.1-16 (voir Jésus-Christ) ; bornons-nous à rappeler ici que si Jésus l’appelle un « renard », c’est à cause de sa ruse et de sa cruauté. Voici les derniers renseignements que nous possédons à son sujet (Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, XVIII, 240ss) : l’ambition d’Hérodiade l’empêcha de passer dans le calme les dernières années de sa vie ; son frère Agrippa Ier étant devenu roi, elle aurait aimé voir son mari porter la couronne royale ; elle chercha à le persuader d’aller mendier auprès de Caligula cette dignité ardemment convoitée. Pour tâcher de l’y décider, elle excita sa jalousie : si César avait fait d’un simple particulier un roi, hésiterait-il à donner le même titre à un tétrarque ? À ces assauts réitérés, Antipas opposait son désir de repos et sa méfiance de Rome, qu’il connaissait pour y avoir vécu dans sa jeunesse et y être retourné à maintes reprises ; mais il finit par céder aux objurgations de sa femme. Comparaissant devant l’empereur, il fut accusé par un messager qu’Agrippa avait dépêché à Rome, d’avoir, au temps de Tibère, été en relations avec Séjan et plus récemment avec Artaban, roi des Parthes ; cette dernière assertion était appuyée par l’affirmation qu’Antipas avait préparé des armements considérables, ce qui faisait supposer en lui des intentions guerrières. Au lieu d’obtenir la dignité royale, Antipas fut condamné à l’exil ; alors se passa une scène d’une incontestable grandeur : Caligula voulait laisser à Hérodiade la libre disposition de sa fortune personnelle et, supposant qu’elle ne serait pas disposée à partager le malheur de son époux, la remettre à la garde de son frère. Elle lui répondit : « Certes, toi, empereur, c’est avec magnanimité et comme il convient à ta race que tu viens de parler ; il y a quelque chose qui m’empêche de jouir de la faveur de ton présent, c’est l’amour que j’ai pour mon mari ; il ne serait pas juste que celle qui fut sa compagne dans le bonheur l’abandonnât dans le malheur ». L’empereur, âme vile s’il en fut jamais et perdu de vices et de crimes, n’était certes pas capable de comprendre la noblesse d’une telle attitude ; il l’envoya donc, elle aussi, en exil avec Hérode et fit présent de sa fortune à Agrippa. Ils moururent, soit en Espagne (d’après Guerre des Juifs), soit à Lyon, ville des Gaules (d’après Antiquités judaïques)

Licence

PERSONNAGES DE LA BIBLE© par campionpierre. Tous droits réservés.

Partagez ce livre