86 Chapitre 5 : Le prophète Jonas
Le prophète Jonas
5.1 – Jonas fuyant sa mission
Dans ces temps malheureux où la vraie piété était de plus en plus rare, tant en Juda qu’en Israël, où la foi au Sauveur à venir se perdait de jour en jour davantage, où les promesses de Dieu étaient oubliées et ses commandements ouvertement transgressés ; dans ces tristes temps, Dieu suscita des prophètes chargés de sa part de reprendre le peuple et ses conducteurs, de leur rappeler la volonté du Seigneur, de leur dénoncer ses jugements et aussi, et surtout, de leur exposer les promesses relatives aux temps de rafraîchissement qui devaient accompagner et suivre la présence du Messie sur la terre. C’est par l’inspiration du Saint Esprit que ces hommes de Dieu ont parlé ; c’est par cet Esprit de Christ qui était en eux qu’ils ont par avance rendu témoignage, annonçant les souffrances qui devaient arriver au Messie et les gloires qui suivraient (1 Pierre 1:11).
Environ cinquante ans avant la ruine des dix tribus, ces hommes de Dieu commencèrent leurs prédications et leurs prophéties, en y mêlant parfois des traits de l’histoire de leur temps. Leurs écrits ont été ensuite insérés dans le recueil des livres de l’Ancien Testament : ils consistent en quatre grands et douze petits livres qui forment la dernière partie de ce recueil et qu’on appelle les Prophètes
. Ils font ainsi partie de cette Écriture dont l’apôtre Paul dit qu’elle a été inspirée de Dieu (2 Tim. 3:16). Le Sauveur a constamment cité ces Écritures comme rendant témoignage de Lui, et les apôtres en ont fait de même. Ces anciens messagers de l’Éternel n’ont pas tous vécu et prophétisé à la même époque ; ils l’ont fait successivement sur trois cents ans. Ainsi, pour bien comprendre le sens et la portée de leurs prophéties, il importe de se rappeler à qui elles étaient adressées, puis aussi dans quel temps et dans quelles circonstances elles ont été prononcées.
Jonas est le premier de ces prophètes chronologiquement. Son nom veut dire : colombe ;
c’est le même que celui du père de Simon Pierre (voyez Jean 1:43 ; 21:15-17). Il n’est fait qu’une seule fois mention de Jonas dans l’Ancien Testament en dehors du livre qui porte son nom. C’est en 2 Rois 14:25 où il est dit de Jéroboam II, roi d’Israël, qu’il rétablit les bornes d’Israël … selon la parole de l’Éternel, le Dieu d’Israël, qu’il avait proférée par le moyen de son serviteur Jonas, fils d’Amitthaï, prophète, qui était de Gath-Hépher dans la tribu de Zabulon. C’est là tout ce que nous savons sur son ministère en Israël ; mais dans le livre qui porte son nom et qui est le cinquième des petits prophètes, nous avons le récit de sa mission dans une grande ville païenne — fait tout exceptionnel dans l’histoire de la prophétie sous l’ancienne alliance — et des circonstances extraordinaires qui accompagnèrent cette mission. Il serait bien de commencer par lire avec soin ce livre intéressant du prophète Jonas.
Dès le premier verset, vous y verrez qu’il s’agit bien ici du même Jonas que dans 2 Rois 14:25 — puisque, dans les deux passages, il est appelé fils d’Amitthaï
. Or, probablement vingt ans après les encouragements qu’il avait donnés à Jéroboam II, soit vers l’an 860 avant la naissance du Sauveur, la parole de Dieu lui fut adressée, en disant : « Lève-toi, va à Ninive, la grande ville, et crie contre elle, car leur méchanceté est montée devant moi ».
Ninive, dont le nom Hébreu signifie demeure de Ninus,
était la célèbre capitale de l’empire d’Assyrie. Son origine se perd dans les temps les plus reculés de l’histoire, puisqu’elle est déjà nommée en Genèse 10:11. Elle était située sur la rive orientale du Tigre, et, si l’on en croit les historiens, ses murailles avaient 30 m de hauteur, 15 à 20 lieues (67 à 89 km) de circonférence ; elles étaient flanquées de 1 500 tours dont chacune avait 60 m de haut. Le fleuve qui la traversait et ses solides murailles la rendaient imprenable. Elle était le centre du gouvernement, de la richesse, et d’un immense commerce (voyez Nahum 2:10 ; 3:16). Les conséquences de cette prospérité furent l’orgueil et la dissolution (Nahum 3:4). Toute espèce de crimes et de péchés criants y régnaient plus que partout ailleurs. Leur méchanceté était montée jusqu’à l’Éternel, comme jadis celle des constructeurs de Babel, et celle des habitants des villes de la plaine. C’est pourquoi Il charge son serviteur Jonas de se rendre à Ninive et de crier contre elle.
La mission d’aller prêcher la repentance ou dénoncer les jugements de Dieu à un peuple païen aussi dépravé déplaisait beaucoup au prophète ; car comme le roi d’Assyrie ne cessait d’opprimer le peuple de Dieu, Jonas eût vu volontiers la ville de Ninive entièrement détruite, tandis que sa mission aurait pour effet d’en prévenir la ruine. C’est ce qu’il avouera lui-même au chapitre 4 v.2 quand il ose dire à Dieu, dans le dépit et la colère que lui fait éprouver son long support et sa miséricorde : « Éternel, je te prie, n’était-ce pas là ma parole, quand j’étais encore dans mon pays ? C’est pourquoi
j’ai d’abord voulu m’enfuir à Tarsis, car je savais
que tu es un Dieu qui fait grâce et qui es miséricordieux, lent à la colère et grand en bonté et qui te repens du mal dont tu as menacé ». — Il est bien triste, n’est-ce pas, de voir un homme de Dieu s’affliger de ce que Dieu fait grâce, et désirer la vengeance, le jugement, les fléaux et la destruction sur une ville coupable plutôt que le repentir et le pardon de ses habitants ? Eh bien, ce sentiment est très naturel au cœur de l’homme ; la pure grâce envers les pécheurs l’irrite toujours. Que d’exemples n’en avons-nous pas dans la Bible ! Voyez, entre autres, dans Luc 9:52-56, les deux disciples Jacques et Jean qui, irrités de ce qu’une bourgade de Samaritains avait refusé de recevoir leur Maître, lui disent : « Seigneur, veux-tu que nous disions que le feu descende du ciel et les consume, comme aussi fit Élie » ? Sur quoi Jésus les censura fortement et dit : « Vous ne savez de quel esprit vous êtes animés » ! — Voyez à la fin de la touchante parabole du fils prodigue (Luc 15:25-32), son frère aîné revenant des champs, se mettant en colère de la joie par laquelle le père célébrait le retour de son malheureux fils. Voyez les Juifs, figurés par ce fils aîné, et dont l’apôtre disait : « Qui ont mis à mort et le Seigneur Jésus Christ et leurs prophètes, et qui nous ont chassés par la persécution, et qui ne plaisent pas à Dieu, et qui sont opposés à tous les hommes, — qui nous empêchent de parler aux nations afin qu’elles soient sauvées — 1 Thess. 2:15-16 ». Oui, il est naturel à nos cœurs, à vos cœurs aussi, de s’irriter contre la grâce, surtout quand elle s’exerce envers des gens qui nous paraissent, dans notre orgueil, valoir moins que nous. Hélas ! Nous ne ressemblons que trop à cet ouvrier qui murmurait contre son maître parce que celui-ci donnait à celui qui n’avait été appelé qu’à la onzième heure le même salaire qu’à ceux qui avaient travaillé tout le jour, et auquel le maître dit : « Ne m’est-il pas permis de faire ce que je veux de ce qui est mien ? Ton œil est-il méchant parce que moi, je suis bon — Matt. 20:14-15 » ?
Ainsi Jonas, ne regardant qu’à lui, craignait que sa réputation de prophète ne fût compromise par la miséricorde de Dieu. Cependant son premier devoir était d’obéir sans raisonner à la parole de l’Éternel qui lui avait été adressée. Au lieu de cela, le fils d’Amitthaï allant, de même que jadis Élie, comme son cœur lui disait (1 Rois 19:3), se leva pour s’enfuir à Tarsis (*) « de devant la face de l’Éternel ». Il était insensé autant que rebelle en ayant une telle pensée, n’est-ce pas ? Comme prophète n’aurait-il pas dû savoir que cette pensée était une folie ? N’aurait-il pas dû dire comme David : « Où irai-je loin de ton Esprit ? Et où fuirai-je loin de ta face
? Si je prends les ailes de l’aube du jour, si je fais ma demeure au bout de la mer
, là aussi ta main me conduira et ta droite me saisira » (Psaume 139:7, 9). Encore ici, le pauvre Jonas n’est qu’une image fidèle de ce que nous sommes tous par nature. Quand vous êtes conduits par votre cœur à faire quelque chose de mauvais, comme votre conscience vous le dit, n’est-il pas vrai que pourvu que votre péché ne soit parvenu à la connaissance d’aucun homme
, pourvu que vous l’ayez fait en cachette ou dans l’obscurité de la nuit, vous vous croyez en sûreté ? N’est-il pas vrai qu’alors vous oubliez tout à fait qu’il est un œil toujours ouvert qui vous voit et qui lit dans vos cœurs ? Ah ! Souvenez-vous de cette parole qui vient à la suite de celles que nous venons de citer : « Au moins les ténèbres m’envelopperont, — alors la nuit est lumière autour de moi. Les ténèbres même ne sont pas obscures pour me cacher à toi ».
(*) Tarsis était probablement au sud de l’Espagne, ou vers Cadix, à l’autre bout de la Méditerranée.
Mais revenons à Jonas qui veut s’enfuir de devant la face de l’Éternel. Dans ce but il descend à Japho, très ancienne ville des Philistins, sur les bords de la Méditerranée, avec un port assez connu (voyez 2 Chron. 2:16 ; Esdras 3:7). Dans le Nouveau Testament, elle est nommée Joppé : c’est là que vivait cette femme pieuse et charitable nommée Tabitha ou Dorcas , laquelle tomba malade et mourut pendant le séjour que faisait l’apôtre Pierre près de là, à Lydde. Appelé par les disciples, il se rendit à Joppé et ressuscita Dorcas (Actes 9:36-43). Puis il y passa plusieurs jours chez un certain Simon, corroyeur, qui avait sa maison au bord de la mer, comme un ange de Dieu l’apprit à Corneille qui, de Césarée où il demeurait, fit chercher l’apôtre à Joppé. C’est aujourd’hui la ville de Jaffa à 55 kilomètres de Jérusalem.
Le prophète arrive à Japho où il trouve un navire partant pour Tarsis ; et ayant payé son passage, il s’embarqua pour aller avec eux à Tarsis loin de la face de l’Éternel. Cela nous fait voir que, lorsque nous suivons le chemin de la désobéissance à Dieu, Satan prend plaisir à nous en faciliter les moyens. À cette époque, il devait être rare qu’un vaisseau fût, à Japho, prêt à partir pour Tarsis, et cependant Jonas en trouve précisément un en partance. De plus, s’il n’avait pas eu l’argent exigé pour ce long voyage, il n’aurait pas pu monter à bord. Or, il avait de quoi payer et il fut reçu comme passager. Dieu permit tout cela parce qu’Il savait comment atteindre et ramener son infidèle serviteur. Il avait une sévère leçon à lui donner, ainsi que nous le verrons, si le Seigneur le permet, dans notre prochaine étude.
5.2 – La tempête
Nous avons laissé Jonas s’embarquant à Japho, après avoir payé son passage à bord d’un navire qui allait à Tarsis. Ainsi l’insensé pensait s’enfuir de devant la face de l’Éternel. Mais l’Éternel qui voit et suit son infidèle serviteur, et qui veut le ramener, « envoya un grand vent sur la mer ». Quand Il le veut, il fait des vents ses messagers, il commande même aux vents et à l’eau, et ils lui obéissent (Luc 8:25). Or dans ce grand vent qui souleva une grande tempête sur la mer de sorte que le navire risquait de sombrer, il y avait comme une voix solennelle de Dieu s’adressant au prophète, si celui-ci avait veillé pour l’entendre. À bord du navire, Jonas était celui qui avait besoin d’être repris, c’était à lui que le message était envoyé. Les pauvres marins, des païens sans doute, avaient déjà été souvent exposés à la tempête. Pour eux, il n’y avait rien de nouveau, rien d’extraordinaire, rien de plus que ce qui arrive à ceux qui naviguent sur les grandes eaux. Mais il se trouvait à bord un personnage pour qui le grand vent et la grande tourmente était quelque chose de tout particulier et d’extraordinaire. C’était lui, et lui seul, que ce grand vent cherchait, que cette tempête appelait. Cependant, tandis que, dans leur angoisse à la vue du danger imminent qui les menace, les marins crient chacun à son dieu, Jonas était descendu au fond du vaisseau où il dormait profondément. Environ 900 ans plus tard, un autre serviteur du Seigneur, l’apôtre Pierre était dans un grand danger, la veille du jour où il devait, selon toute apparence humaine, être mis à mort par ordre du roi Hérode et il dormait tout aussi profondément dans sa prison entre deux soldats et lié de chaînes (Actes 12:6). Mais quelle différence entre ces deux hommes de Dieu et entre ces deux sommeils. Chez le prophète, c’était l’oubli de Dieu et de ses jugements qui le faisait dormir du sommeil d’une insouciance coupable et, peut-être aussi, de la satisfaction qu’il éprouvait d’avoir, pensait-il, échappé à une mission souverainement désagréable pour lui. [Le geôlier de Philippe dormait aussi alors que Paul et Silas, les pieds attachés au poteau, chantaient des hymnes et que les autres prisonniers les écoutaient. Il ne fut réveillé que par un tremblement de terre qui ébranla les fondements de la prison (Actes 16:27)]. L’apôtre dort dans le sentiment d’une parfaite paix, joyeux à la pensée d’être bientôt auprès du Seigneur pour lequel il allait mourir comme un fidèle témoin ou martyr. [Autrefois Pierre avait, lui aussi, dormi quand il n’aurait pas dû le faire. Sur la sainte montagne, à la vue de la gloire magnifique, lui et ses deux compagnons étaient accablés de sommeil (Luc 9:32) ; et en Gethsémané, Jésus saisi de tristesse avait dit aux mêmes trois disciples : « Veillez avec moi » et par deux fois, Il les trouva endormis (Luc 26:36-45)]. Peut-être aussi, dans le cas où il se serait alors souvenu de cette déclaration de son Maître : « Quand tu seras vieux, un autre te ceindra… disant cela pour indiquer de quelle mort il glorifierait Dieu » (Jean 21), déclaration qui revint à la pensée de Pierre lorsqu’il fut devenu vieux en effet (1 Pierre 5:1 ; 2 Pierre 1:14) ; peut-être Pierre avait-il l’assurance que, en réponse aux prières incessantes que l’assemblée faisait pour lui, Dieu le délivrerait — comme Il le fit — de toute la puissance d’Hérode. Heureux ceux qui peuvent dormir avec la tranquillité d’esprit et la bonne espérance de Pierre. Mais malheur à ceux qui dorment quand il faudrait veiller, quand ils sont au bord d’un précipice ou à la porte de l’éternité ! S’ils sont néanmoins des serviteurs de Dieu comme Jonas, c’est à eux que s’adresse cette exhortation sérieuse : « Réveille-toi, toi qui dors, et relève-toi d’entre les morts, et le Christ luira sur toi » (Éphésiens 5:14). La vie est sérieuse, toute espèce de dangers nous menacent, nous y sommes peut-être tout aussi exposés que Jonas ou l’apôtre Pierre. C’est à nous aussi que Jésus Christ dit : « Veillez », car il le dit à tous (Marc 13:37). Oui, « C’est déjà l’heure de nous réveiller du sommeil…la nuit est fort avancée, et le jour s’est approché (Romains 13:11). En effet pour pouvoir veiller
, il faut d’abord se réveiller
.
Mais revenons à Jonas qui dort à fond de cale. Le maître des rameurs s’approche de lui et lui dit : « Que fais-tu, dormeur ? Lève-toi, crie à ton Dieu ! Peut-être Dieu pensera-t-il à nous, et nous ne périrons pas ». Il est bien triste et bien honteux pour un prophète de l’Éternel de s’attirer ainsi les reproches mérités de la part d’un païen, dont les paroles reviennent à ceci : Ce n’est certes pas le temps de dormir car nous sommes sur le point d’être engloutis par les flots. Lève-toi, invoque ton Dieu. Chacun de nous a crié à son dieu, mais en vain car la tempête continue. Peut-être le tien est plus puissant que les nôtres et pourra nous délivrer.
Puis, dans leur angoisse croissante, les marins, dans la pensée inspirée de Dieu probablement qu’il y a à bord quelque criminel que poursuit sur la mer la vengeance céleste, se dirent l’un à l’autre : « Venez, jetons le sort, afin que nous sachions à cause de qui ce malheur nous arrive. Et ils jetèrent le sort, et le sort tomba sur Jonas ». L’Ancien Testament nous fournit quelques exemples de païens consultant le sort sur ce qu’ils devaient faire ou attendre, dans des cas embarrassants. Les Hébreux aussi le consultent souvent, et parfois d’après l’ordre de l’Éternel. Les soldats romains jettent le sort pour partager entre eux les vêtements du Seigneur (Matth. 27:35), afin que fût accompli ce qui avait été annoncé par le prophète-roi (Psaume 22:18). C’est par le sort aussi que Matthias est choisi comme apôtre en remplacement de Judas (Actes 1:26). Mais, dans ce dernier cas, les croyants n’avaient pas encore reçu la Saint Esprit pour les « conduire dans toute la vérité ». Aussi, c’est la dernière fois qu’il est question de décider une question par le sort dans les Écritures. Quand ce moyen était encore légitimement employé, Dieu se réservait d’en diriger le résultat de manière à faire connaître sa volonté. C’est ce qui ressort de ce passage de Proverbes 16:33 : « On jette le sort dans le giron, mais toute décision est de par l’Éternel ». Ce fut bien ce qui arriva dans le cas de Jonas qui vit aussi se vérifier pour lui cet autre proverbe (10:9) : « Celui qui marche dans l’intégrité marche en sûreté, mais celui qui pervertit ses voies sera connu ». Les voies que Jonas suivait n’était que trop tortueuses aussi Dieu voulut qu’il fût démasqué ; le sort tomba sur lui. Alors les marins lui dirent : « Déclare-nous à cause de qui ce mal nous est arrivé ? Quelle est ton occupation et d’où viens-tu ? ». Et il leur répond : « Je suis Hébreu, et je crains l’Éternel, le Dieu des cieux, qui a fait la mer et la terre ». Puis il leur avoua que c’était à cause de lui que cette terrible tempête était venue sur eux ; et, tout saisis de crainte, comme la tourmente allait toujours en augmentant, ils se demandaient ce qu’ils lui feraient pour que la mer se calme. Il leur dit : « Prenez-moi et jetez-moi à la mer, et la mer s’apaisera pour vous ». La tempête envoyée par l’Éternel a-t-elle maintenant atteint son but ? Sa voix a-t-elle été entendue ? La conscience du prophète prévaricateur a-t-elle été touchée de manière à ce qu’il sentît que, par sa désobéissance, il s’était rendu digne de mort ? Ou bien cette confession prouvait-elle seulement qu’il aimait bien mieux être noyé que d’aller à Ninive ? Sans vouloir trancher, il nous semble que le but de Dieu ne fut complètement atteint que plus tard, comme nous le verrons, s’il plaît au Seigneur, en étudiant le deuxième chapitre.
Quoi qu’il en soit, le conseil que Jonas leur donnait jeta les pauvres marins dans la plus grande perplexité. Ils pouvaient avoir entendu parler des prodiges de la toute puissance du Dieu d’Israël, et avoir sujet de craindre d’être punis s’ils faisaient mourir un adorateur de ce grand Dieu. Dans tous les cas, ils répugnaient extrêmement à sacrifier leur compagnon de voyage. Aussi font-ils de nouveau tous leurs efforts pour lutter contre la tempête et gagner la terre. Tout est inutile : la mer devenait toujours plus furieuse, ce qui semble indiquer que le message du Seigneur n’était pas encore arrivé avec puissance aux oreilles et au cœur de celui à qui il était envoyé.
À la fin, ces pauvres gens prennent le parti de crier à l’Éternel en le priant de ne pas leur imputer à péché la mort de cet homme et en ajoutant : « Toi Éternel, tu as fait comme il t’a plu ». Là-dessus ils précipitèrent Jonas dans les flots impétueux. Aussitôt l’orage cessa et la fureur de la mer s’arrêta. À la vue de ce miracle, ils reconnurent que l’Éternel était le seul vrai Dieu, et dès qu’ils furent arrivés à terre, ils lui offrirent des sacrifices selon les vœux qu’ils avaient faits, en action de grâces à cause de leur délivrance.
Laissez-moi encore attirer votre attention sur un second contraste entre le prophète Jonas et un autre apôtre. Ce contraste est des plus humiliant pour le prophète de Gath-Hépher. Nous l’avons vu dormir pendant que tous ses compagnons invoquaient leurs dieux ; c’est un païen qui le réveille et l’exhorte à prier. Ensuite il doit se reconnaître coupable après avoir déclaré qu’il craint l’Éternel, le Dieu des cieux. Il demande lui-même qu’on le jette à la mer. Tout cela démontrait qu’il s’était éloigné de Dieu et qu’il marchait dans une voie d’égarement et d’infidélité. Ce qui amène les marins à craindre l’Éternel et à lui sacrifier des victimes c’est, non pas le témoignage rendu par le fils d’Amitthaï ou ses exhortations et ses prières, mais uniquement l’effet heureux et soudain de l’exécution d’un jugement du Seigneur sur son serviteur rebelle. C’est Dieu seul qui, dans ce cas, tire le bien du mal comme il sait toujours le faire.
Maintenant lisez Actes 27. Vous y trouverez le récit d’un événement qui a quelques rapports, mais plus encore de différences, avec la scène dont nous venons de nous entretenir. Là aussi il s’agit d’un vaisseau exposé à la tempête. Là aussi il y avait un serviteur du Seigneur, mais dans le chemin de la fidélité. Il est conduit à Rome comme prisonnier, à cause du témoignage qu’il a rendu à la grâce de Dieu. Si le navire est en danger, ce n’est pas par la faute de l’apôtre Paul, mais parce qu’on n’a pas ajouté foi à ses avis et à ses conseils. Il est avec Dieu et près de ce Dieu dont il dit ouvertement : « À qui je suis et que je sers ». Aussi est-il honoré des communications de son Dieu relativement au sort du navire et de ceux qui y sont, et pour lesquels il devient un sauveur. Car un ange lui dit : « Dieu t’a donné tous ceux qui naviguent avec toi ». Et, en effet, tous se sauvèrent. Paul est donc l’opposé de Jonas : celui-ci est la cause du danger que court le navire et de sa propre ruine. Paul ne peut périr là, parce que Dieu veut qu’il comparaisse devant César et, par la grâce de Dieu, c’est en considération de son fidèle serviteur que la vie de tous ceux qui sont avec lui à bord est aussi épargnée. Ainsi la désobéissance conduit toujours au malheur, et la fidélité est toujours suivie de la bénédiction pour le fidèle et aussi souvent pour d’autres.
Que le Seigneur vous rende fidèles afin que vous soyez tous du nombre de ceux qui naviguent avec un plus grand que Paul, avec le Sauveur qui dira bientôt à son Père : « Je n’ai perdu aucun de ceux que tu m’as donnés ».
5.3 – Le gros poisson et la fin de la mission de Jonas
Quand Jonas dit aux marins effrayés : « Prenez-moi et jetez-moi dans la mer, et le mer s’apaisera », nous aimons à croire qu’il y avait aussi en lui la pensée que, lui seul étant coupable, le châtiment de Dieu devait tomber sur lui seul, et non pas sur ses pauvres compagnons de voyage. David exprimait une pensée analogue lorsque, son peuple étant frappé par l’ange de l’Éternel à cause du péché de son roi, celui-ci dit à Dieu : « N’est-ce pas moi qui ai commandé de dénombrer le peuple ? C’est moi qui ai péché et qui ai mal agi ; mais ces brebis, qu’ont-elle fait ? Éternel, mon Dieu, je te prie, que ta main soit sur moi et sur la maison de mon père, mais qu’elle ne soit pas sur ton peuple pour le frapper (1 Chron. 21:17).
Ces belles paroles étaient l’expression du sentiment de son péché et de son dévouement pour Israël. Elles nous rappellent un dévouement infiniment plus admirable, celui du Fils de Dieu, notre Seigneur Jésus Christ qui, n’ayant jamais connu le péché, a consenti volontairement à être fait péché pour nous pécheurs, à mourir sur la croix, Lui juste pour nous injustes. Quel amour ! Oh, comment pourriez-vous rester indifférents !
Revenons à Jonas : il est jeté à la mer où, sans doute, il va périr. Non, car le même Dieu qui avait élevé un grand vent sur la mer, était toujours là pour le garder après lui avoir donné une sévère leçon. « L’Éternel prépara un grand poisson pour engloutir Jonas ; et Jonas fut dans les entrailles du poisson trois jours et trois nuits ». Ici encore nous voyons qu’il n’y a rien d’insignifiant dans la vie d’un serviteur du Seigneur. Un grand poisson n’était pas une chose rare ; il y en avait beaucoup dans la mer. Néanmoins le Créateur tout puissant en prépare ou en fait venir un pour Jonas afin que ce monstre aussi fût un message de Dieu pour son âme. La conservation du prophète dans le ventre du poisson fut sans doute un miracle de la toute puissance de Dieu. [Il est connu qu’il y a des poissons, surtout une espèce de requin géant ou « poisson de Jonas », qui peuvent engloutir des hommes et même des chevaux. Ils les avalent tout entiers et ne digèrent pas aussi promptement que d’autres animaux. On les trouve en très grand nombre dans la mer Méditerranée et, entre autres, près de Joppé. Le célèbre Schubert, auteur d’un voyage en Palestine, cite le fait, bien connu dit-il, d’un matelot qui fut un jour avalé vif par un requin lequel, peu de temps après, atteint et tué par un boulet de canon, rejeta immédiatement ce pauvre homme blessé par les innombrables dents aiguës et tranchantes du monstre, mais cependant encore plein de vie, à tel point que, plus tard, ce matelot ainsi délivré courait le monde avec le même requin empaillé, par la gueule duquel il avait passé et qu’il faisait voir pour de l’argent].
Là, dans le sein de ce sépulcre, au cœur de la mer, environné de l’abîme, Jonas rentre en lui-même et revient au Seigneur. Il sent son péché, il le confesse. Il s’est adonné à des vanités fausses, car rien n’est plus vain et mensonger que le chemin de la désobéissance : aussi, par là, il a abandonné le sentiment et la jouissance de la grâce de son Dieu. C’est aussi là ce qui fait le malheur de tous les pécheurs. C’est l’amour du péché qui les tient éloignés de la grâce et qui les empêche de connaître l’amour de Dieu en Jésus Christ. Puis le prophète fait sa prière à l’Éternel, avec l’assurance qu’elle parvient au palais de sa sainteté et que déjà elle est exaucée : il a foi en Dieu de qui vient le salut. Du sein des eaux profondes et des racines des montagnes, il peut dire avec une entière confiance : « Je regarderai encore vers le temple de ta sainteté » et même : « Ô Éternel, mon Dieu, tu as fait remonter ma vie de la fosse ». Quel précieux don que celui de la foi, qui saisit ainsi les promesses de Dieu et qui en jouit par avance, comme si elle les possédait déjà. Que le Seigneur vous donne ou vous augmente la foi !
Nous savons que Jonas était alors un admirable type du Seigneur Jésus et c’est Jésus lui-même qui nous le révèle. Aux Pharisiens hypocrites qui lui demandaient de leur faire voir quelque miracle, il répondit : « Une génération méchante et adultère recherche un signe ; et il ne lui sera pas donné de signe, si ce n’est le signe de Jonas le prophète. Car, comme Jonas fut dans le ventre du cétacé trois jours et trois nuits, ainsi le fils de l’homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre (Matthieu 12:38-40) ».
En effet, si Jonas, dans sa détresse, dit à Dieu : « Toutes tes vagues et tes flots ont passé sur moi », il ne fait que répéter ce que David avait dit au Psaume 42:7 qui s’applique tout particulièrement au Seigneur Jésus sur la croix. Et comme Jésus fut exaucé par son Père et ressuscité avec puissance le troisième jour, de même le prophète sortit de son sépulcre, parce que l’Éternel commanda au poisson, et il dégorgea Jonas sur la terre.
Maintenant, l’homme de Dieu est devenu obéissant. Obéissant à l’ordre que l’Éternel lui fait de nouveau entendre, il s’en va à Ninive. C’était une très grande ville de trois jours de marche. Et Jonas commença à faire dans la ville une journée de marche et il fit la proclamation en ces mots : « Encore quarante jours, et Ninive sera renversée ». Et les hommes de Ninive crurent Dieu ; un jeune d’humiliation et de pénitence fut publié par le roi ; ils crièrent à Dieu de toutes leurs forces et se convertirent ; et Dieu se repentit du mal qu’il avait dit qu’il leur ferait, et il ne le fit point.
Plût à Dieu que toutes les prédications fidèles de sa parole, toutes les dénonciations de ses jugements contre les pécheurs obstinés, produisissent des effets analogues au milieu de ceux, hommes et enfants, qui se nomment chrétiens ! S’ils persistent, et si vous persistez à fermer vos oreilles et vos cœurs aux appels de Dieu, il ne vous restera à la fin qu’une attente terrible de jugement. Que Dieu vous donne de le comprendre pendant qu’il en est temps et de vous convertir à Lui !
Chose triste à dire ! celui qui aurait dû, plus que tout autre, se réjouir et bénir le Seigneur de l’effet de sa prédication, le prophète Jonas s’en affligea et s’en irrita. La grâce accordée aux Ninivites repentants lui déplut extrêmement, et il en fut en colère. Dans son zèle amer d’Israélite, il eût mieux aimé voir Ninive renversée et tous ses habitants détruits. Il tenait davantage à son honneur de prophète qui, à son gré, aurait reçu un plus grand relief par l’accomplissement des menaces qu’il avait fait entendre, qu’il ne tenait à la miséricorde envers de pauvres pécheurs. Pauvre et orgueilleux Jonas ! Il avait encore besoin d’une leçon et Dieu est trop fidèle pour ne pas la lui donner. Il se plaint de Dieu, de sa clémence, de son support, de son amour, comme si lui, Jonas, n’en avait pas besoin tout autant qu’un autre. Il va jusqu’à dire : « Maintenant, Éternel, je t’en prie, prends-moi ma vie, car mieux me vaut la mort que la vie. Et l’Éternel dit : fais-tu bien de t’irriter ? ».
Irrité le prophète sort de la ville. Il s’assied près de Ninive et se fait une cabane. Il semble avoir oublié l’enseignement qu’il avait appris pendant son séjour de trois jours au fond de la mer, aussi lui faut-il un nouveau message de la part de Dieu. « L’Éternel Dieu prépara un kikajon, c’est à dire une plante de ricin, qu’il fit croître au dessus de Jonas pour faire ombre sur sa tête, pour le délivrer de sa misère ». C’est une plante qui, dans les pays chauds, s’élève jusqu’à six mètres de hauteur et dont les grandes feuilles bien fraîches procurent un doux ombrage. C’était là aussi un messager de Dieu pour l’âme du prophète. Aussi « Jonas se réjouit d’une grande joie à cause du kikajon ». Assis à l’ombre, il ne pense plus à la mort qu’il avait demandée dans un moment d’impatience et de dépit. « Et Dieu prépara un ver le lendemain, au lever de l’aurore, et il rongea le kikajon, et il sécha ». Ce ver, quelque insignifiant qu’il pût paraître, n’en était pas moins un agent de Dieu tout autant que le grand vent, le grand poisson ou le ricin. Un ver employé par le Seigneur peut opérer de grandes choses. Celui-ci fit soudainement sécher le ricin de Jonas pour lui donner une sérieuse leçon, il nous la donne aussi. Celui qui avait préparé
un ver, prépare
ensuite un vent d’est étouffant ; et le soleil frappe sur la tête de Jonas de sorte qu’il s’évanouit et demanda de nouveau de mourir : « Mieux me vaut la mort que la vie », dit-il. Mais Dieu dit à Jonas : « Tu as pitié du kikajon pour lequel tu n’as pas travaillé, et que tu n’as pas fait croître, qui est né en une nuit et a péri en une nuit ; et moi, je n’aurais pas pitié de Ninive, la grande ville, dans laquelle il y a plus de cent vingt mille êtres humains qui ne savent pas distinguer entre leur droite et leur gauche, et aussi beaucoup de bétail ! ».
Ces paroles étaient bien propres à faire sentir au prophète son égoïsme et sa dureté de cœur. D’un autre côté, elles font ressortir, en contraste, la bonté, la patience et la compassion de Dieu pour ses pauvres créatures, surtout pour les jeunes enfants et même pour les animaux. Apprenez aussi de là que Dieu est en tout et partout, et que toutes les circonstances, même les plus ordinaires, peuvent être préparées ou dirigées par Lui pour vous donner des enseignements en rapport avec votre état d’âme. Que le Seigneur vous donne des oreilles pour entendre sa voix dans tout ce qui vous arrive, l’intelligence spirituelle pour la comprendre, et la soumission de cœur pour vous y conformer !
5.4 – Ce que dit le Seigneur de Jonas
Nous tenons à vous rappeler encore un passage relatif à Jonas et à son ministère, passage bien sérieux et que nous demandons à Dieu de vous faire comprendre à salut. Le Seigneur Jésus dans Matthieu 12:41 et Luc 11:32, après avoir déclaré qu’il ne serait pas donné à la race méchante et adultère des Juifs qui l’entouraient, d’autre signe que celui du prophète Jonas dans le ventre du gros poisson, ajoute : « Des hommes de Ninive se lèveront au jugement avec cette génération (les Juifs d’alors) et la condamneront, car ils se repentirent à la prédication de Jonas et voici, il y a ici plus que Jonas ». Cela veut dire que les Juifs étaient beaucoup plus coupables que les Ninivites, et qu’ils seraient condamnés par eux au jour du jugement, parce que les habitants de Ninive avaient écouté les paroles de Jonas et s’étaient convertis, tandis que les Juifs, ayant au milieu d’eux Celui qui était infiniment supérieur au prophète, le Seigneur de Jonas et le leur, fermaient leurs oreilles et leurs cœurs aux appels de grâce qu’Il leur adressait pour les amener à la repentance et à la foi.
— Et vous, avez-vous écouté le Seigneur Jésus ? Avez-vous confiance en ses paroles et en son amour ? Maintenant encore, « Il est ici et Il vous appelle ». Si vous refusez de l’écouter, de le croire, de le recevoir comme le seul et parfait Sauveur, vous seriez beaucoup plus coupables que les Ninivites et les Juifs eux-mêmes, et vous attireriez sur vous une plus grande et plus juste condamnation, car vous avez reçu bien plus de lumières et de grâces qu’eux. Dieu veuille que cette considération pénètre dans vos consciences et dans vos cœurs pour y produire, par la miséricorde divine, une vraie repentance envers Dieu et la foi en Jésus Christ.