222 Chapitre 8 : Lévi

L’appel salutaire de Lévi et le repas des pécheurs (Lc 5,27-32)

Parallèles : Mt 9,9-13 | Mc 2,13-17

L’appel de Lévi n’est pas sans rappeler ceux de Simon, l’homme pécheur et ses compagnons (5,1-11). Cet épisode ouvre, également, une série de controverses où les disciples sont pris à partie.

Les pharisiens et leurs scribes interpellent ces derniers à propos de Jésus (5,30) ou se plaignent, à Jésus, de leur attitude (5,33 ; 6,2). Ces controverses se termineront par le récit d’une guérison un jour de sabbat où pharisiens et scribes envisagent une possible action à l’encontre de Jésus (6,11).

Giovanni Lanfranco, Vocation de Saint Matthieu, XVIe

L’appel de Lévi (5,27-28)

527 Après cela, Jésus sortit et remarqua un publicain (c’est-à-dire un collecteur d’impôts) du nom de Lévi assis au bureau des impôts. Il lui dit : « Suis-moi. » 28 Abandonnant tout, l’homme se leva ; et il le suivait.

Suis-moi

La scène est des plus concises. Jésus voit Lévi, l’appelle et celui-ci obtempère en abandonnant tout. L’épisode tranche avec l’appel des pêcheurs (5,1-11). Certes, Simon, son frère et leurs compagnons, laissant tout, le suivirent. Cependant, leur décision fait suite à l’enseignement de Jésus et à la pêche miraculeuse, où Simon fut saisi d’un grand effroi, lui et tous ceux qui étaient avec lui, devant la quantité de poissons qu’ils avaient pêchés (5,9).

Ici, rien n’est dit des circonstances, sinon la profession de Lévi (appelé Matthieu en Mt 9,9) assis à son bureau (ou table) des taxes. Le publicain est la personne, issue de la population locale, chargée de collecter l’impôt pour Rome, et se rémunérant, librement, en sus. Autant dire, qu’un publicain, comme Lévi, n’était pas bien vu de leurs coreligionnaires juifs. Ses contacts impurs avec le monde païen, et la perception d’un impôt soutenant des idolâtres, l’excluait également de la communauté de la synagogue.

Jan Sanders van Hemessen, La vocation de saint Matthieu, XVIe

L’appel à la réconciliation

La parole de Jésus n’est pas seulement un appel à le suivre. Située sitôt le pardon et la guérison du paralytique (5,17-32), l’épisode révèle aussi d’une réconciliation. Lévi, assis, immobile à son bureau des taxes, peut désormais se lever, abandonner son état et suivre Jésus avec les autres disciples. La Parole de Jésus exprime, pas simplement un appel, mais une parole de grâce (4,22) où le pardon devient guérison, comme il en fut, précédemment, pour l’homme paralysé. L’appel de Jésus lui permet de sortir d’un état de vie qui le paralysait et l’ostracisait, par son activité ou en raison du jugement des autres. Et il sera de même, pour un autre publicain : Zachée, peu avant l’entrée à Jérusalem (19,1-10).

Paolo Veronese, Le repas chez Lévi,1573

Publicains et pécheurs (5,29-32)

529 Lévi donna pour Jésus une grande réception dans sa maison ; il y avait là une foule nombreuse de publicains et d’autres gens attablés avec eux. 30 Les pharisiens et les scribes de leur parti récriminaient en disant à ses disciples : « Pourquoi mangez-vous et buvez-vous avec les publicains et les pécheurs ? » 31 Jésus leur répondit : « Ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin du médecin, mais les malades. 32 Je ne suis pas venu appeler des justes mais des pécheurs, pour qu’ils se convertissent. »

Le repas de Lévi

Luc insiste pour faire de ce repas une véritable fête honorant Jésus. Matthieu (Mt 9,10) et Marc (2,15) indiquait, simplement : Jésus était à table à la maison. Chez Luc, le repas est véritablement un festin organisé en l’honneur de son hôte. Le terme grec doxè (δοχή, réception, festin) définit déjà un repas de fête. Dans la Bible, il est utilisé pour qualifier les festins royaux (Est 5,4 ; Dn 5,1), la célébration d’une alliance (Gn 26,30) ou d’un mariage (Gn 29,22). Chez Lévi, il s’agit même d’une grande réception qui rend compte de l’immense grâce reçu en Jésus. En honorant ce dernier, Lévi reconnaît l’Évangile de la Bonne Nouvelle, dont lui-même un témoignage vivant de l’action gracieuse, miséricordieuse et libératrice du Messie (4,19). La grande réception honore ce statut messianique de Jésus, comme l’attendait le prophète Isaïe :

Is 25, 6 Le Seigneur de l’univers préparera pour tous les peuples, sur sa montagne, un festin de viandes grasses et de vins capiteux, un festin de viandes succulentes et de vins décantés.

Aussi, l’emphase lucanienne se poursuit-elle avec la mention d’une foule nombreuse d’invités dont d’autres publicains. En ce premier siècle, le repas sert la communion. En honorant Jésus, Lévi montre qu’il adhère à sa personne. Mais d’autres pourraient aussi penser que Jésus sert la cause des publicains réunis.

Paolo Veronese, Le repas chez Lévi (détail),1573

Publicains et pécheurs

La remarque des pharisiens insiste justement sur le caractère inconvenant de ce repas. Ils reprochent aux disciples de se fourvoyer, comme leur maître, au milieu des publicains et des pécheurs. Cette dernière expression associe ainsi ces deux termes et l’on pourrait aussi traduire : publicains et surtout pécheurs. Comment partager un repas avec celles et ceux, impurs, qui n’ont pas encore montré publiquement de repentance ?

Ce ne sont pas les disciples qui répondent, mais celui qui est mis en cause : Jésus. D’un certain point de vue, il vient inverser le sens du repas. Celui-ci n’est plus le lieu où l’on célèbre la conversion passée et le retour en grâce de Lévi. Il est désormais associé à un lieu de soin et de guérison, comme l’évoque les mentions du médecin et des malades. Jésus ne conditionne pas la participation au repas à la conversion et la repentance des publicains pécheurs. Au contraire, il l’anticipe. Sa présence veut faire signe du salut divin. Jésus vient à eux, au sein de ce repas, comme un autre appel à la réconciliation, et à le suivre.

La Bonne Nouvelle du royaume n’est donc pas destinée aux seuls justes méritants, tels les pharisiens, mais d’abord à celles et ceux qui se sont, ou ont été, écartés du chemin de Dieu. La miséricorde précède ainsi le jugement.

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PERSONNAGES DE LA BIBLE© par campionpierre. Tous droits réservés.

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