1 Chapitre1 : SAINTE GENEVIEVE
3 JANVIER
SAINTE GENEVIEVE, VIERGE, MORTE EN 500 A PARIS
PATRONNE DE LA PAROISSE SAINTE GENEVIEVE, DUVAL, 1964, ORANGERS, 2003.
LA VIE DE SAINTE GENEVIÈVE
1. Une vie bien connue
L’existence de sainte Geneviève, qui se déroule entre la fin chaotique de l’empire romain en Europe et l’établissement de monarchie franque, nous est bien connue par le manuscrit de sa « vita » : il s’agit d’une biographie rédigée, semble-t- il, à la demande de son amie, sainte Clotilde, épouse de Clovis. L’auteur serait un prêtre catholique burgonde. Il est très opposé à l’arianisme, hérésie condamnée au concile de Nicée en 325 (les Ariens niaient la divinité de Jésus qui n’était, selon eux, que la première des créatures).
Il est manifestement très cultivé et connaît les auteurs latins. Il n’a sans doute jamais rencontré Geneviève mais il s’est renseigné auprès de témoins directs.
Ce document aurait été écrit 18 ans après la mort de la sainte, qui se serait éteinte avant Clovis (511) à 80 ans ; le texte daterait, par conséquent, des années 520 à 530. Outre une hagiographie volumineuse, de nombreux historiens ont consacré leurs travaux à la vie de Geneviève, dont récemment Joël Schmidt (Sainte Geneviève, la fin de la Gaule romaine, Perrin, 2008).
2. Très tôt consacrée à Dieu
Les éléments fournis permettent de situer la naissance de Geneviève à Nanterre vers 420 et sa mort à Paris vers 500. Ses parents, Sévérus (Franc romanisé) et Gérontie appartiennent à l’autocratie gallo-romaine ; ils donnent à leur fille unique un nom germanique qui signifie « née au sein d’une femme » ; Geneviève est citoyenne romaine et, par le code juridique alors en vigueur, exercera la charge de magistrat municipal de son père (qui commença sa carrière dans l’armée). Il est clair qu’elle dispose d’importants revenus et gère ses vastes domaines dans les environs de Paris et de Meaux.
Elle est encore petite fille (entre 7 et 9 ans) lorsqu’elle rencontre à Nanterre deux évêques : Germain d’Auxerre et Loup de Troyes. Ceux-ci voyageaient vers la Grande-Bretagne : à la demande du pape célestin 1er, ils allaient combattre l’hérésie pélagienne (qui minimisait le rôle de la grâce). Sur le bord de la Seine, Nanterre est une halte commode. Saint Germain repère la petite Geneviève et lui propose de se consacrer au Seigneur : après avoir obtenu son assentiment, il en parle à ses parents. En souvenir de cette promesse, il remet à l’enfant, comme pendentif, une pièce de monnaie marquée d’une croix.
3.Le puits de Geneviève
Cet engagement ne fut pas sans problème : un jour Gérontia qui se préparait à aller à l’église demande à sa fille de rester à la maison. Geneviève se met à crier et à pleurer : « je veux garder la promesse du vénérable Germain. Je veux aller à l’église. Je veux mériter d’être une bonne épouse du Christ. » Agacée, la mère la gifla et aussitôt perdit la vue. Vingt-et-un mois plus tard, Gérontia se souvenant des paroles de Geneviève, lui demanda de lui porter de l’eau du puits, elle s’en humecta les yeux et recouvra la vue. Elle était miraculeusement sortie de son aveuglement.
Geneviève doit avoir une vingtaine d’années lorsque l’évêque Villicus l’admet parmi les vierges consacrées à Dieu.
Les rituels de l’époque nous apprennent qu’une telle demande avait lieu au cours de la messe et que le voile était remis à la consacrée. Elle mènera dès lors une existence de prière et de pénitence, tout en conservant des fonctions politiques et économiques importantes.
4.Des responsabilités économiques et politiques majeures
Vers 25 ans, ses parents étant morts, elle part habiter Paris chez sa « mère spirituelle » (peut-être sa marraine) et succède à son père à la tête du domaine familial et dans la participation à la direction de la ville. Elle s’impose comme une femme d’affaires, propriétaire de riches terres dont elle a fait bénéficier les Parisiens les plus pauvres, et comme une femme politique avisée prenant peu à peu en main les destinées de la célèbre cité.
Elle rencontre de nouveau saint Germain de passage dans la ville. Il entend des bruits défavorables sa protégée et prend sa défense auprès de Parisiens.
5.Sainte Geneviève face à Attila
Au printemps 451, les Huns d’Attila franchissent le Rhin. Auparavant, ils ont détruit Cologne en faisant un véritable carnage. Ils incendient Metz le 13 avril, Verdun, Laon, St-Quentin, Reims et franchissent la Marne. Le bruit court que les Huns allaient envahir Paris. Les Parisiens voulaient fuir et s’opposent à Geneviève qui le leur déconseille. Ce serait livrer Paris à Attila alors que Geneviève pense qu’il contournera la ville et risquer de se faire tuer en rase campagne. Malgré l’hostilité des Parisiens, elle réunit quelques femmes pour prier le Seigneur de protéger la ville. « Que les hommes fuient, s’ils veulent, s’ils ne sont plus capables de se battre. Nous les femmes, nous prierons Dieu tant et tant qu’Il entendra nos supplications », dit-elle.
En effet, apprenant que Paris était défendu, les Huns optent pour attaquer Orléans directement, passer la Loire et prendre les terres Wisigothes d’Aquitaine. C’est à Orléans, le 24 juin 451 qu’ils seront vaincus par Aetius, arrivé d’Italie. La clairvoyance de Geneviève lui attire la bienveillance du peuple de Paris. Elle a joui, depuis, d’un grand prestige et d’une grande autorité.
6.Sainte Geneviève et Childéric
À la suite de l’épisode des Huns, Geneviève entre en relation avec le roi Childéric, puis avec son fils Clovis qui admire beaucoup la future sainte. Elle s’engage pour l’unité de tous les Gallo-Romains et s’opposa aux guerres civiles.
Childéric, roi des Francs et résidant à Paris fait arrêter des prisonniers et ordonne qu’on les tue en dehors des murs. Pour s’assurer de la neutralité de la population, il fait fermer les portes de la ville. Geneviève avertie, tente de sortir et arrivant devant les fortifications, voit la porte s’ouvrir toute seule. Elle part rejoindre Childéric à qui elle arrache la libération des prisonniers.
7.L’approvisionnement en blé de Paris
Les Francs, par leur présence permanente dans l’Est et en Ile de France entre 470 et 480, finissent par couper les relations commerciales traditionnelles de Paris.
Les approvisionnements alimentaires venant à manquer, une période de famine s’installe. Geneviève se rend alors à Arcis-sur-Aube pour négocier un ravitaillement. Elle réquisitionne des bateaux et remonte la Seine. Arrivée là-bas, elle est reçue par le tribun Passivus dont elle guérit la femme malade. Elle négocie sur place le blé nécessaire.
Selon la légende, repartant d’Arcis, les barques trop chargées, l’équipage se met à prendre l’eau, menaçant de couler. Tendant les mains vers le ciel, Geneviève implore le secours du Christ et la flottille reprend sur le champ une navigation normale.
8.Sainte Geneviève bâtisseuse et mécène
Sur la route de Senlis, au nord de Paris, se trouve la tombe du martyr Denis dans un cimetière public. Elle demande que l’on bâtisse en ce lieu une basilique en son honneur.
Saint-Denis fut l’un des sept évangélisateurs de la Gaule au IIIe siècle et le premier évêque de Paris. Martyr, il aurait été décapité avec ses compagnons Éleuthère et Rustique, sur le mont des Martyrs (Mons Martyrium: Montmartre), et aurait porté sa tête à l’endroit où fut édifiée, par Dagobert, la première basilique de Saint-Denis. Son identification ultérieure avec Denys l’Aréopagite joua un rôle dans les controverses théologiques du Moyen Âge.
Aux réticences de tous devant les difficultés d’approvisionnement en matériaux de construction, Geneviève réplique qu’on l’informe de la disponibilité des pierres à chaux indispensables. D’anciens fours à chaux et des carrières voisines sont alors retrouvés permettant le commencement de la construction. Par la suite, alors que les charpentiers manquent de boisson, Geneviève multiplie les coupes d’eau, permettant aux ouvriers de se désaltérer.
Plus tard, Geneviève inspirera l’édification de la basilique consacrée à saint Pierre et saint Paul, sur la future montagne Sainte-Geneviève, dont elle assurera le mécénat.
9.La consécration de Céline à Meaux
Geneviève rendait visite à Céline qui résidait à Meaux pour recevoir sa consécration de Vierge. Le fiancé de Céline, apprenant cela, se répandit en protestations puis en menaces. Elles se sauvèrent vers le baptistère de la Cathédrale, ouvert par hasard. Dès lors, Céline persévèrera dans la chasteté et l’abstinence. des prisonniers.
10.Le baptême de Clovis
Geneviève avait formé le projet de conduire Clovis au baptême ; elle parlait le moyen haut allemand qui était la langue maternelle de Clovis, ce qui facilitera les choses. Vers 493, au moment où le roi épouse la Catholique Clotilde, Geneviève se liera d’amitié avec elle et l’on pense qu’elles prépareront ensemble la célébration du baptême par l’évêque de Reims, saint Rémi. Plus tard Clovis demandera à être enterré près d’elle, comme l’atteste Grégoire de Tours en 544 dans son « histoire des Francs ».
11.Amitié spirituelle avec saint Siméon le stylite
Au Ve siècle, vit en Turquie saint Siméon le stylite dont la fête est fixée au 5 janvier, tandis que celle de Geneviève est au 3. Tandis qu’il demeurait sur sa colonne, il reçut des marchands gaulois qui lui parlèrent de Geneviève qu’il connaissait déjà : il leur demanda de la saluer afin qu’elle priât pour lui. Cela signifie qu’il lui reconnaissait un ascendant spirituel. Siméon avait alors environ 70 ans et Geneviève 40 seulement. Voilà un lien qui fut souvent évoqué pour unir les chrétientés d’Orient et d’Occident en les invitant à faire mémoire de ces deux saints.
12.La mort de sainte Geneviève et sa postérité
« Geneviève s’en alla vers le Seigneur dans une bonne vieillesse, après avoir vécu plus de dix fois huit ans, et elle fut ensevelie dans la paix le 3 janvier », écrit sobrement son biographe. Son corps fut déposé dans un sarcophage de pierre, conservé encore à Saint-Etienne-du-Mont, dans un tombeau que Clovis avait préparé pour sa propre famille. Dès la seconde moitié du VIe siècle, l’on célébrait, dans le royaume franc, la messe de sainte Geneviève à cette date.
13.Le miracle des ardents
Dès le VIe siècle, Grégoire de Tours signale que des miracles se produisent sur le tombeau de sainte Geneviève et que des malades y ont été guéris. L’habitude s’est répandue d’invoquer Geneviève contre toutes les maladies épidémiques et les fièvres. Dans un poème paru en 1532, le célèbre Didier Erasme remercie la sainte de l’avoir guéri d’un accès de fièvre.
Cette réputation vient du miracle des « ardents ». Ce mal a été identifié avec l’ergotisme dû à une consommation de seigle corrompu. Souvent, au Moyen Age, la population parisienne en fut victime. Ainsi en 1130, la maladie aurait causé 14 000 morts. L’évêque de Senlis obtint le transfert à Notre-Dame du corps de Geneviève : trois malades ayant effleuré la chasse furent instantanément guéris. L’année suivante, le pape Innocent II, venu en France, décida qu’une fête serait célébrée en commémoration de l’événement. Dans la crypte archéologique de Notre-Dame se trouve les restes de l’église « Sainte-Geneviève-des-Ardents ».
14.Patronne des Hauts-de-Seine
Sainte Geneviève est patronne des bergères, des chapeliers, des fabricants de cierges, des tapissiers… Elle était invoquée pour expulser les démons installés dans le corps des femmes !
Le pape Jean XXIII la déclara, en 1963, patronne des gendarmes. À cette occasion, il écrivait : « La vierge sainte Geneviève, lumière de leur patrie, se montra autrefois, ainsi que le souvenir s’en est conservé, le soutien du peuple dans les graves périls et n’a cessé, dans la gloire éternelle, de répandre des bienfaits sur ceux qui la prient. » C’est au titre de « gardiens de l’ordre public » que les gendarmes peuvent la revendiquer comme patronne.
Geneviève est également la patronne de la ville de Nanterre et de l’ensemble du diocèse du même nom, donc du département des Hauts-de-Seine. Généreuse et courageuse, sa vie et son œuvre constituent un bel exemple pour la fondation qui porte son nom !