L’Histoire de l’Église, c’est l’histoire du Précieux Sang de Jésus. C’est par lui, « en répandant, non pas le sang de boucs et de jeunes taureaux, mais son propre sang » que nous avons été rachetés. Par son propre sang, le Christ « est entré une fois pour toute dans le saint des Saints », obtenant sa « rédemption définitive », déclare saint Paul dans sa lettre aux Hébreux (Hé 9, 12).
Cette dévotion, méconnue aujourd’hui, a traversé les siècles, portée par plusieurs saints tels que sainte Catherine de Sienne (1347-1380), sainte Marie-Madeleine de Pazzi (1566-1607) et saint Gaspard del Bufalo (1786-1837) qui lui a consacré toute sa vie. Sans compter toutes les cathédrales qui ont été érigées à travers le monde pour exposer les reliques de ce Précieux Sang à la vénération des fidèles. Mais ce culte a pris un vrai tournant avec le pape Pie IX, qui l’a instituée officiellement comme fête en 1850, et Pie XI, en 1934, qui l’a élevé au rang de « double de première classe » – c’est-à-dire parmi les fêtes les plus importantes de l’Église – à l’occasion des commémorations du 1.900e anniversaire de la mort du Sauveur.
Pourquoi en juillet ?
Si cette piété a lieu en juillet, ce n’est pas un hasard. Elle marque « l’une des plus éclatantes victoires de l’Église ». C’est pour ainsi dire « le monument » de cette victoire. Victoire contre la révolution romaine, marquée par l’instauration d’une république dans les États pontificaux, qui a fait fuir le pape Pie IX en 1848. L’Autriche et la France sont venues à son aide — surtout la France dont l’action sera décisive — et Pie IX, en juillet, après le dernier révolutionnaire chassé, voit son pouvoir rétabli.
Le bénédictin Prosper Guéranger (1815-1875), refondateur de Solesmes, raconte : « Les 28, 29 et 30 juin, sous l’égide des Apôtres, la fille Aînée de l’Église, fidèle à son glorieux passé, balayait les remparts de la Ville éternelle ; le 2 juillet, fête de Marie, s’achevait la conquête. Bientôt un double décret notifiait à la Ville et au monde la reconnaissance du pontife, et la manière dont il entendait perpétuer par la sainte Liturgie le souvenir de ces événements ». Le 10 août, de Gaète même, lieu de son refuge pendant la tourmente, Pie IX, avant d’aller reprendre le gouvernement de ses États, a confié l’Église au Seigneur par l’établissement de la Fête de ce jour, rappelant que, pour cette Église, Il avait versé tout son Sang.
Le Christ « en agonie jusqu’à la fin du monde »
Pie IX accorda cent jours d’indulgences à ceux qui feraient le mois du Précieux Sang en particulier, l’indulgence plénière le dernier jour où l’un des sept jours qui suivent. C’est dire l’importance qu’il voulait donner à cette célébration qui aurait donc lieu le premier dimanche du mois de juillet, mais devait se prolonger tout le mois pour entretenir le principe du sacrifice, élément chrétien de la sainteté.
Cette fête est comme un complément liturgique de la Fête-Dieu (elle-même complément du Jeudi saint), pour rappeler, selon l’expression de Pascal, que le Christ est « en agonie jusqu’à la fin du monde » et qu’il « ne faut pas dormir pendant ce temps-là », comme rappelé par Benoît XVI dans la cathédrale du Très Précieux Sang à Westminster, en septembre 2010, en invitant les fidèles à ne pas oublier que « le sang du Christ répandu est la source de la vie de l’Église. (…) Dans les épreuves et les vicissitudes de cette vie ».
Une fête supprimée puis rétablie dans le calendrier liturgique
La fête du Précieux Sang, le 1er juillet, a été supprimée du calendrier liturgique en 1970 mais les fidèles sont invités à entretenir la tradition du mois de juillet pour louer la dignité de ce saint sang. « Du sang humain innocent est continuellement versé dans le monde », soulignait ainsi Benoît XVI lors d’une audience générale en juillet 2006. Il est donc important que « l’humanité contemporaine fasse l’expérience de la force du sang du Christ, versé sur la Croix pour notre salut ». Ce Christ, a-t-il dit, qui ne cesse de répandre « Sa vertu purificatrice sur le monde », crie « non vengeance, mais miséricorde (…) étouffe la voix des crimes des pécheurs et change les foudres vengeresses en pluie de grâces ».
Une congrégation a obtenu du Saint-Siège la faveur de conserver la fête du 1er juillet : les Sœurs adoratrices du Précieux-Sang, dont la maison mère se trouve à Saint-Hyacinthe, au Québec. Vêtues d’un scapulaire rouge vif, ces contemplatives adorent ce jour-là, avec grande ferveur, le vin du calice, devenu sang du Christ à l’autel.