132 Chapitre 10 : SAINT BENOIT

11 JUILLET

SAINT BENOIT, ABBE, MORT EN 547 AU MONT-CASSIN

PATRON DE LA PAROISSE DE BODARI, MONASTERE BENEDICTIN A CARRIES-COTES-DES-ARCADINS

 

Benoît de Nursie

Benoît de Nursie
Saint chrétien
Image illustrative de l’article Benoît de Nursie
Saint Benoît de Nursie
ermiteabbéfondateur,
co-patron de l’Europe
Naissance v. 480
Nursie, royaume d’Odoacre
Actuelle Norcia, en Ombrie (Italie)
Décès 21 mars 547
Abbaye territoriale du Mont-Cassinimage Empire romain d’Orient
Ordre religieux Ordre de Saint-Benoît
Vénéré à Abbaye territoriale du Mont-CassinSubiaco (Italie)Abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire
Vénéré par Église catholique
Église orthodoxe
Fête Le 11 juillet de nos jours
Au Moyen Âge, le 21 mars en Occident et le 14 mars en Orient
Attributs corbeau et pain
On représente généralement saint Benoît avec l’habit bénédictin (coule noire), une crosse d’abbé, ainsi qu’un livre
Saint patron Europe (avec Cyrille et Méthode), moinesscouts d’Europeagriculteursarchitectescavaliers, conducteurs de machines, des réfugiés, des spéléologues
Patriarche des moines d’Occident

Benoît de Nursie (en italien : Norcia ; en latin : Benedictus de Nursia), saint Benoît (en latin : Sanctus Benedictus de Nursia) pour les catholiques et les orthodoxes, né vers 480 à Nursie en Ombrie et mort en 547 dans le monastère du Mont-Cassin1, est le fondateur de l’ordre des Bénédictins et a largement inspiré le monachisme occidental ultérieur.

Il est considéré par les catholiques et les orthodoxes comme le patriarche des moines d’Occident, grâce à sa règle qui a eu un impact majeur sur le monachisme occidental et même sur la civilisation européenne médiévale. Il est souvent représenté avec l’habit bénédictin (coule noire), une crosse d’abbé, ainsi qu’une bible.

Saint Benoît est fêté le 11 juillet, date de la célébration de la translation de ses reliques à l’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire.

Hagiographie

Selon l’historien Daniel-Odon Hurel« la vie de Benoît répond à un genre littéraire hagiographique dans lequel se succèdent des moments clés : conversion, fondation, miracles, charisme, sainte mort2 ».

Enfance

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Benoît naît vers 480, issu d’une famille noble romaine de Nursie (Norcia, à 110 km au NNE de Rome), en OmbrieB 1,C 1. Son père Europe, fils de Justinien Probus, de la gens Anicia, est consul et capitaine général des Romains dans la région de Nursie, sa mère Abbondanza Claudia de’ Reguardati di Norcia appartient à la famille Reguardati, des comtes de Nursie. Il a une sœur, ScholastiqueNote 1. Il naît dans une famille chrétienne qui le nomme Benoît, prénom chrétien signifiant « béni »C 1.

Son enfance se déroule à Nursie, où il vit avec ses parents et reçoit une bonne instruction. À cette époque, les enfants de l’aristocratie sont placés sous la direction d’un esclave particulièrement instruit, ce qui fut sans doute le cas de BenoîtC 2. Nursie possède alors deux églises où le culte de deux saints est déjà développé : saint Eutychius et saint FlorentiusC 2. Arrivé à l’âge de l’adolescence, Benoît quitte sa famille, comme la majorité des enfants de la noblesse italienne, pour faire des études libéralesC 3. Il part pour Rome, sans doute afin d’y étudier le droit et les lettres classiques, études obligées des jeunes destinés aux responsabilités administrativesA 1.

Benoît part avec sa gouvernante et arrive à Rome vers l’an 495C 3. La tradition précise qu’ils s’installent sur la rive droite du Tibre, près de l’Aventin, dans ce qui deviendra plus tard l’église Saint-BenoîtC 3.

Rome est alors une ville de près de 450 000 habitants, tandis que la politique intérieure de Théodoric le Grand favorise la paix et l’activité des artistes et des administrateurs romainsC 3. Le roi cherche à embellir et restaurer la ville, et de nombreuses fêtes font de Rome une ville dynamiqueC 4. Le mode de vie romain et le désordre moral où sombrent ses compagnons choquent rapidement Benoît, qui décide de fuir avec Cyrilla afin de pouvoir se consacrer entièrement à la Bible. Son départ est motivé par la peur de « tomber dans l’abîme des vices, de l’ambition et de la sensualité »A 2. Il choisit « la science du non-savoir et la docte ignorance »3. C’est son fond profondément religieux qui pousse Benoît à quitter Rome et la carrière qui lui était promiseB 1,Note 2.

Ils quittent la ville par la porte Tiburtine et marchent vers le sud. Ils s’arrêtent4 à Enfide, où ils trouvent refuge dans l’église San PietroC 4. Enfide (actuellement Affile) est une localité située à 50 kilomètres de Rome, sur le versant des monts ErniciB 2. C’est dans cette localité qu’aurait eu lieu le premier miracle de Benoît : sa servante ayant par maladresse cassé en deux un crible emprunté à une voisine, Benoît prie et l’ustensile se répare sans présenter de trace de fêlureA 3. Ce miracle conduit à sa soudaine popularité, il décide alors de fuir tout son entourage pour « aller dans le désert » dans la localité voisine de Subiaco et y mener une vie érémitiqueA 3. Dans le récit de Grégoire le Grand, Benoît ne part plus pour fuir le vice, mais « plus avide de souffrir les maux de ce monde que de jouir de ses louanges, d’endurer les travaux pour Dieu plutôt que de s’élever par les faveurs de la vie »A 3. Le départ pour la vie érémitique est une quête de DieuA 4.

Vie érémitique

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Saint Benoît en prière

Un certain jour, alors qu’il est seul, Benoît commence à penser à une femme très belle qu’il a rencontrée lors de son séjour à Rome. Face à cette tentation de retourner dans le monde, il se roule nu dans un buisson d’épines et d’orties et s’immunise ainsi contre toute tentation ultérieureC 5,4.

Dans sa quête de solitude, qui ressemble à celle d’Antoine le Grand, Benoît rencontre à Subiaco un moine, nommé Romain, à qui il demande de lui indiquer un lieu peu visible et difficilement accessibleC 6. Ce moine lui montre une grotte, au pied d’une falaise, où Benoît s’installeC 6. La grotte sera baptisée plus tard la Sacro Speco, la Sainte GrotteA 4.

L’amitié entre le moine et Benoît se concrétise par une aide matérielle : le moine lui apporte régulièrement de la nourriture ainsi que des textes à l’aide d’un panier accroché à une corde et une clochetteC 6. C’est ce même moine romain qui donne à Benoît ses premiers habits religieux, le recevant ainsi dans les ordres mineursC 7. Benoît suit alors le mode de vie des anachorètes, inauguré par Paul de Thèbes et poursuivi par Antoine le GrandJérôme de StridonBasile de Césarée, assez courant dans le monde romain depuis le iiie siècleC 7.

La vie érémétique de Benoît s’arrête au bout de trois ans5, quand le moine Romain ne vient plus le visiter, peut-être pour cause de décèsC 7. C’est au cours de la nuit de Pâques, alors que Benoît a perdu toute notion de calendrier, qu’un curé de campagne est incité en songe à lui apporter de la nourriture. Il écoute la voix du songe et, peu après, parle de Benoît autour de lui. La renommée de Benoît croît et de nombreuses personnes des alentours lui rendent visiteC 8.

Peu de temps après, des moines ayant perdu leur supérieur demandent à Benoît de devenir leur abbéC 5. Après avoir décliné une première fois l’invitation, il se laisse finalement convaincre et décide alors de quitter sa grotte pour VicovaroC 5.

Premier abbatiat à Vicovaro

C’est vers 510, que Benoît devient abbé pour la première fois. Très vite il se rend compte que sa communauté de Vicovaro ne respecte pas rigoureusement la règle de saint Pacôme qui avait organisé les premières communautés religieusesC 9. Benoît cherche à y restaurer l’ordre, en rétablissant l’autorité et les pénitences. Très vite les moines regrettent de l’avoir élu abbéA 5. Ils cherchent alors à l’empoisonner en mélangeant des herbes vénéneuses à son vinC 10. Lors du bénédicité, Benoît fait un signe de croix et sa coupe de vin se briseC 10,A 5. Sans violence, il décide de partir et de retrouver la solitude de sa grotteC 11,A 6.

Benoît semble soulagé de retourner à sa retraite : « Il revint alors au lieu de sa chère solitude et, seul sous le regard de Celui qui voit d’en-haut, il habita avec lui-même »6.

Fondation des premiers monastères

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Abbaye territoriale de SubiacoItalie.

Alors qu’il vit retiré dans sa grotte, il voit venir à lui quantité de disciples désireux de « servir avec lui le Dieu tout-puissant »C 12. Il quitte sa grotte et décide de s’installer avec ses disciples en bordure d’un lac, à SubiacoC 13, où il restera entre vingt et trente ans7.

La fondation d’un monastère est régie depuis le concile de Chalcédoine par l’autorisation de l’évêque. Benoît a donc sans doute reçu l’approbation de l’évêque du lieu pour fonder cette communautéC 13.

Pour tout ce monde, il construit douze maisons, avec — pour chacune — douze moines et un abbé. Lui-même, Benoît, demeure dans une treizième maison, se chargeant d’y former les jeunes recrues. Parmi les jeunes gens venus se présenter, il y en a « de bonne espérance » : Maur, qui devient rapidement son auxiliaire, et le tout jeune Placide4.

Chaque nouvelle maison, ou petit monastère, est confiée au patronage d’un saintC 14. Benoît s’inspire en grande partie de l’exemple de Sabas le SanctifiéC 14. Mais il refuse les dérives des communautés cénobitiques d’Orient, car il est opposé à leurs pénitences excessives. Il insiste sur la nécessité de l’humilité plutôt que sur les mortificationsC 15.

Dans Dialogues, Livre II, Grégoire le Grand rapporte quelques prodiges survenus sur le site de Subiaco :

  • au chapitre V : trois des petits monastères, situés au haut d’une montagne, manquent d’eau. Les occupants désirent changer d’emplacement, mais Benoît leur recommande de frapper le sol à l’endroit qu’il a marqué de trois pierres, et le lendemain en jaillit une source abondante ;
  • au chapitre VI : un Goth attiré par la vie monastique, pauvre d’esprit mais acharné au travail, occupé à débroussailler sur le bord du lac, frappe si fort de sa faucille que le fer se détache et tombe dans l’eau profonde. Informé de l’incident, Benoît s’approche du lac, prend le manche de l’outil et le dépose dans l’eau : la lame remonte des profondeurs et se réajuste sur le manche ;
  • au chapitre VII : le petit Placide, en puisant l’eau du lac, y tombe et est entraîné très loin du rivage. Benoît, de sa cellule, voit la chose et ordonne à Maur de courir au secours de l’enfant. Maur s’en va en hâte et court sur l’eau ; après coup seulement il se rend compte du miracle, miracle que Benoît attribue à l’obéissance de son disciple, tandis que celui-ci l’attribue à l’ordre de son abbé. Placide, quant à lui, attribue le prodige à Benoît car, « au moment où j’ai été tiré de l’eau, j’ai vu au-dessus de ma tête le manteau de l’abbé, et j’avais l’impression que c’était lui qui me tirait de l’eau »8.
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Saint Benoît d’après une gravure de Wierix, 1867.

Sa piété et sa renommée attirent de plus en plus de personnes auprès de Benoît, au point qu’un des prêtres de la région, Florentius, jaloux de son influence, cherche à en diminuer l’éclat : il calomnie Benoît, puis interdit à ses paroissiens d’aller le voir. Il envoie à Benoît un pain empoisonné, destiné à être béni et partagé conformément à la pratique chrétienne appelée eulogieC 16. Benoît, soupçonnant la malveillance de Florentius, présente le pain à un corbeau apprivoisé et lui ordonne d’emporter au loin le funeste cadeauC 16.

Après avoir évité la tentative d’empoisonnement par le vin, Benoît déjoue le complot d’empoisonnement par le pain. Enfin, Florentius envoie sept femmes païennes nues danser aux abords des monastères, afin de réveiller le désir sexuel des jeunes moinesC 16,B 3.

Devant l’hostilité de Florentius, Benoît, accompagné de quelques moines, décide de quitter Subiaco, laissant au frère Maur la charge des moines restantsC 17. Au moment de son départ, Benoît apprend que le père Florentius vient juste de décéder dans l’écroulement de sa maison et pleure cependant la mort de son ennemi. Il ne modifie pas sa décision de quitter ce lieu hostile, craignant pour la vie de ses moinesB 3,9.

Occupation du mont Cassin

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Représentation d’un miracle de Benoît lors de la construction du Mont-CassinLuca Giordano, 1680.

De Subiaco, Benoît et ses compagnons partent (en 529 ?) vers un bourg au flanc d’une montagne, dans une région plus aride et alors moins christianisée, pour s’installer au lieu-dit Cassino, le mont CassinC 18,B 4. Ce lieu avait été un camp de la légion romaineC 19.

Dans un bois des environs, vivait un moine ermite prénommé Martin. Pour résister à l’attrait du monde, il vit attaché à un arbre. Arrivé sur place, Benoît le convainc de détacher ses chaînes afin de vivre pour Dieu par amour, et non par crainte du mondeC 20. L’ermite accepte et devient l’un de ses moines. Par ailleurs, les moines diffusent le christianisme auprès des habitants des alentoursC 21.

Certains bois sont des lieux de culte et de dévotion aux anciens dieux et, lors de la construction de l’abbaye, des murs s’effondrent à plusieurs reprises, « poussés par les démons » disent les biographes. Ces lieux avaient abrité un ancien temple d’Apollon et de JupiterB 4. Selon les biographies orales de saint Benoît, les manifestations démoniaques cessent après la découverte et la destruction des idoles trouvées sur placeC 22,B 5. Avec les anciennes pierres des temples, les moines élèvent une chapelle dédiée à saint Martin de Tours, et un oratoire est placé sous la protection de saint Jean le BaptisteC 23. Le récit de la vie de Benoît le montre faisant face aux difficultés et aux manifestations démoniaques par la prièreB 6.

Construction du monastère de Terracine

Un homme pieux demande à Benoît d’envoyer des moines pour ériger un monastère dans son domaine situé près de la ville de Terracine, dans le Latium. Accédant à sa demande, Benoît forme une délégation de frères conduite par un Père et son second, avec pour mission de concrétiser le projet. Avant leur départ, Benoît leur promet d’être auprès d’eux, un jour donné, pour désigner l’emplacement de chacune des pièces du monastère. La nuit précédant le jour promis, le Père et son second reçoivent en songe — avec beaucoup de détails et une étonnante précision — tous les renseignements attendus. Peu convaincus de la fiabilité de leur vision, ils attendent cependant la présence physique de Benoît10« Ne vous suis-je pas apparu à l’un et à l’autre pendant votre sommeil et ne vous ai-je pas désigné chaque endroit ? ». Ce fut le dernier monastère à la construction duquel participa saint Benoît.

Miracles, prodiges et prophéties

Voir à la section “Liens externes“, « De la vie et des miracles du saint abbé Benoît », Dialogues, livre second, par saint Grégoire le Grand.

Les Dialogues de Grégoire11 relatent que durant la construction du monastère du Mont-Cassin, le démon rend une pierre tellement lourde que les frères ne parviennent pas à la déplacer, jusqu’à ce que la prière de Benoît intervienne. C’est encore le démon qui, dans la cuisine où l’on a déposé une idole trouvée en terre, donne l’illusion d’un incendie ; la prière de l’abbé guérit les frères victimes de cette hallucination. Le diable fait s’écrouler un mur sur un jeune moine ; la victime est bien mal en point, mais Benoît accourt, prie, et le moine peut se remettre aussitôt au travail.

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Saint Benoît en prière 

Ces mêmes Dialogues relatent qu’au cours des années qui suivent, la vie de Benoît est marquée par une perception surnaturelle et le don de prophétie. À plusieurs reprises, il a la connaissance mystérieuse d’une infraction aux règles, celle d’un moine qui aurait conservé des dons, oubliant de ce fait le vœu de pauvreté, celle d’un autre moine qui a oublié de jeûner, etc.B 7.

La réputation de prophète de Benoît incite le roi ostrogoth Totila à vouloir le rencontrer. Mais le jour venu, il envoie à sa place son écuyer Rigo, revêtu des habits royaux et entouré d’une escorte royale. Dès que Benoît aperçoit Rigo, il lui crie de loin : « Mon fils, laisse là ce que tu portes : ce n’est pas à toi. » Tout penaud, Rigo rapporte la chose à son maître, lequel alors rencontre Benoît, qui lui reproche vivement sa cruauté lors de ses combats et prophétise son règne de neuf ans et sa mort la dixième annéeB 8,12. Le récit décrit de nombreuses prophéties de Benoît notamment sur le Mont-Cassin et sa future destructionB 9.

Grégoire rapporte13 que Benoît avait assuré à l’évêque de Canosa que Rome ne serait pas anéantie par les Barbares, mais ébranlée par les tempêtes, les cataclysmes, les cyclones et les tremblements de terre. Autre prophétie14 que Benoît fit un jour : « Tout ce monastère que j’ai construit […] a été livré aux païens par un jugement de Dieu tout-puissant. À peine ai-je pu obtenir que les vies me soient concédées. » Dans la destruction, en 589, du Mont-Cassin par les Lombards, pas un moine n’a été tué15.

Enfin, l’année de son trépas (547), il prédit à quelques frères le jour de sa mort. Six jours avant, il fait ouvrir sa tombe. Quand la fièvre le prend, il se fait porter à l’oratoire, communie, puis appuyant ses membres affaiblis sur les bras de ses disciples, se met debout, les mains levées au ciel et, dans un dernier souffle, murmure des prières. Ce jour-là, deux frères ont une vision identique : celle d’une voie jonchée de tapis et brillant d’innombrables feux qui, droit vers l’orient, va de la cellule de Benoît jusqu’au ciel. Benoît sera enseveli dans l’oratoire de Saint-Jean-Baptiste qu’il avait fait ériger sur le Mont-Cassin, à l’emplacement du temple d’Apollon16.

Réminiscences bibliques

Au cours du séjour de Benoît à Subiaco et au Mont-Cassin, nombre de miracles relatés par Grégoire le Grand sont interprétés par certains analystes comme la répétition de miracles analogues de l’Ancien et du Nouveau Testament, en particulier des miracles attribués aux prophètes Élie et Élisée. Les quelques exemples qui suivent ont pu justifier cette impression :

Le départ de Benoît pour plaire à Dieu, rappelle le départ d’Abraham17 qui quitte sa terre et sa familleB 10.

Le premier miracle mentionné dans la vie de Benoît et qui survient à Enfide, rappelle le premier miracle18 de Jésus aux noces de Cana : Jésus débute la série de miracles par affection pour une femme, sa mère. Dans cet épisode, Benoît commence de même ses miracles par compassion pour sa nourrice, qui est comme une mère pour lui. Benoît, à travers ce miracle, ressemble au ChristB 11.

La source jaillissant à l’endroit marqué de trois pierres par Benoît, pour alimenter en eau trois monastères, renvoie à Moïse dans le désert, qui, lors de l’exode, fait jaillir de l’eau19 du rocher d’HorebB 12,Note 3.

La tentative d’empoisonnement perpétrée par le prêtre Florentius rappelle la trahison de Judas IscarioteB 13 : le baiser, censé être un signe d’affection et d’amitié, est le signe de la traîtrise de JudasNote 4. Dans le récit de la vie de Benoît, ce baiser est remplacé par l’offrande du pain. De même la présence du corbeau obéissant à Benoît rappelle20 la vie du prophète Élie, qui reçoit dans le désert le pain d’un corbeauB 13,21.

Le prodige de Maur, délégué par Benoît pour sauver de la noyade le petit Placide, renvoie au récit biblique de Jésus marchant sur les eaux22 du lac de Génésareth et invitant Pierre à faire de même.

Benoît prédit l’avenir et prévoit les futures catastrophes, comme Élie23 et Élisée24.

Le jour de son trépas, deux frères observent une traînée lumineuse allant de la cellule de Benoît, droit vers l’orient jusqu’au ciel. Ce phénomène rappelle la montée au ciel d’Élie25 dans un char de feu.

Benoît se roule tout nu dans les orties et les épines pour chasser le souvenir d’une femme très belle et réprimer la tentation de la chair, rappelant ainsi la fuite de Joseph devant la femme de Putiphar26.

Le Christ souligne le geste d’amour de Marie Madeleine au banquet chez Simon27, thème mis en relation avec l’épisode Benoît démasque le faux Totila et reconnaît le vrai. L’épisode de la lame de faucille réunie miraculeusement à son manche renvoie28 au prophète ÉliséeB 14,29.

Benoît ayant la connaissance mystérieuse d’infractions aux règles, révèle des fautes cachées comme le fait le prophète Élisée30.

Règle bénédictine et vie religieuse

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Saint Benoît donnant sa règle à son disciple saint Maur.

Benoît interpelle un frère qui porte une lampe, l’un des services au sein de la communauté. Ce moine d’origine aristocratique et qui aurait trouvé ce service indigne de son rang, est vivement réprimandé par Benoît qui y voit de l’orgueilB 7. La règle de saint Benoît prévoit ainsi de retirer sa fonction à une personne, si cela fait rejaillir son orgueilB 7.

Au monastère du Mont-Cassin, Benoît organise progressivement la vie des moines, insistant pour qu’elle soit tournée vers Dieu : « Qu’on ne mette rien, absolument rien, avant le Christ qui daigne nous conduire à la vie éternelle »C 23.

Vers 540, il établit à leur intention une règle de vie, appelée ensuite la règle bénédictine, dont l’expansion sera immense et qui sera par la suite reprise et codifiée par saint Benoît d’Aniane. Inspirée de l’Écriture sainte, elle recommande aux moines, qui vivent en communautés dirigées par un abbé, de respecter quatre principes essentiels :

  1. la modération (discretio, en latin) qui est présente dans les usages quotidiens de la nourriture, de la boisson et du sommeil ;
  2. la gravité qui a pour corollaire le silence ;
  3. l’austérité qui implique l’éloignement du monde et le renoncement à la possession ;
  4. la douceur faite de bonté, d’amour évangélique, d’hospitalité exercée envers les humbles.

Astreints à la lecture et au travail manuel, les moines doivent se consacrer au service de Dieu qui culmine dans l’office divin. La vie monastique est répartie d’une façon rigoureuse, tout en laissant place à l’indulgence envers les limites individuelles. Elle comprend des temps de prière, de lecture et de travail manuel. L’organisation de la vie cénobitique est rythmée par l’alternance de tâches régulières et quotidiennes et de célébration des offices. Ainsi les trois pôles de la vie monastique, la prière, le travail, et la lecture, deviennent un moyen pour se consacrer au service de Dieu. D’où la célèbre devise bénédictine, qui n’apparaît pourtant pas dans la Règle : Ora et labora (Prie et travaille, en latin).

Héritage spirituel

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Saint Benoît aux côtés de Jean le Baptiste

La vie monastique chrétienne

Son influence est considérable sur le monachisme en Occident et dans le monde, ainsi que sur toute la vie intellectuelle du christianisme, surtout grâce à la Règle de saint Benoît. Cette règle propose, en même temps qu’un cheminement vers Dieu, un idéal de vie en collectivité. Elle est parfois prise comme exemple pour l’organisation en entreprise31.

La règle est reprise par Benoît d’Aniane au ixe siècle, avant les invasions des Vikings : il la commente, et est à l’origine de son expansion dans toute l’Europe carolingienne, à travers notamment les ordres de Cluny et de Cîteaux. Chacun des ordres qui suivent la règle de saint Benoît en a sa propre interprétation: l’ordre de Cîteaux insiste sur le travail manuel, l’ordre de Cluny sur la liturgie, les Congrégations de Saint-Vanne et de Saint-Maur, sur le travail intellectuel. Aujourd’hui encore, la Règle est vécue différemment par les héritiers de saint Benoît : mais ils sont fidèles en cela à la pensée du fondateur qui, dans sa règle, laisse une part prépondérante aux décisions de chaque abbé, en fonction de la situation de chaque communauté.

Après la suppression de l’ordre en France à la RévolutionDom Guéranger fait renaître l’ordre bénédictin à Solesmes en 1833. L’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire, quant à elle, a pu à nouveau accueillir une communauté en provenance de l’abbaye de la Pierre-Qui-Vire, fondée au xixe siècle dans le Morvan.

Les psaumes et la liturgie des Heures

Le Livre des Psaumes, que la tradition hébraïque attribue à David, a une place importante dans la liturgie et la prière des moines. En Orient, certains ermites mettent un point d’honneur à réciter les 150 psaumes tous les joursC 24. Face à ces excès, Benoît répartit la récitation des psaumes non pas dans la journée, mais dans la semaine. Les moines pourront en réciter plus s’ils le souhaitent mais sans l’imposer aux autres.

Cette réforme, conduisant à la division du psautier, a de nombreuses conséquences : elle permet de ventiler la récitation des psaumes selon les différents moments de la journée. Les psaumes qui parlent de la résurrection sont récités le matin, et les psaumes concernant le sommeil ou la nuit, lors des complies (psaume 4psaume 130)C 25. Par ailleurs, le fait de ne pas réciter tous les psaumes dans la journée mais au cours de la semaine, permet de donner une place plus importante à la récitation de chaque psaume, donc au développement des chants et notamment, au cours des offices des moines, au chant grégorienC 25.

Cette division du psautier a inspiré la Liturgie des Heures, la prière commune de l’Église catholique romaine.

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SAINTS PATRONS D'HAITI© par campionpierre. Tous droits réservés.

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