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Abidé M. Grace Assouma
Femme africaine, femme noire, Dambisa Moyo est une économiste qui dénonce la souffrance profonde de la population africaine engendrée par la mauvaise gestion de l’économie et par l’aide internationale qu’elle juge « mortelle », du nom de son célèbre livre. Elle essaie de toutes ses forces de réveiller la conscience du peuple africain et de ses dirigeants, ainsi que du monde entier, par sa plume redoutable.
Naissance d’une non-personne
Zambienne d’origine et de naissance, Dambisa Felicia Moyo est née le 2 février 1969. Elle a grandi à Lusaka (la capitale de la Zambie), élevée par des parents universitaires. Elle se considère comme une Africaine qui a eu la chance d’avoir des parents éduqués qui lui ont montré l’importance des études. Ses parents, tout comme elle, sont issus d’une époque où l’État de la Zambie ne considérait pas les Noirs comme étant des personnes. Lorsqu’on naissait de parents noirs, on n’avait pas droit au certificat de naissance. Dambisa ne détient pas de certificat de naissance parce qu’elle n’était pas une « personne » à l’époque de sa naissance.
Cheminement académique et carrière
Elle commença ses études par un baccalauréat en chimie à la American University de Washington D.C. Elle fit ensuite une maitrise en administration publique à l’Université Harvard puis un M.B.A. (maitrise en administration des affaires) en finance. Elle obtint ensuite un doctorat en économie de l’Université d’Oxford.
Après ce parcours remarquable, elle devint consultante pour la Banque mondiale et le groupe « Goldman Sachs ». Elle a souvent pris la parole à l’OCDE, à la Banque Mondiale, au Fonds monétaire international, au Council on Foreign Relations et à l’American Enterprise Institute.
Elle a publié trois livres : Dead Aid (2009), How the West Was Lost (2011) et Winner Take All (2012).
Son premier livre, Dead Aid, est traduit en français par la maison d’édition Jean-Claude Lattes sous le titre L’aide Fatale : Les ravages d’une aide inutile et de nouvelles solutions pour l’Afrique.
L’aide fatale au développement
L’assistance a été et continue d’être, pour la plus grande partie du monde en développement, un total désastre sur le plan politique, économique et humanitaire. [Elle] maintient l’économie dans un état de paralysie… [car] l’argent n’est pas utilisé pour des activités économiques durables en Afrique.
C’est ce que démontre Dambisa Moyo dans Dead Aid. Selon elle, cette aide contribue au ralentissement des structures de franchises (détruit l’entreprenariat africain), à l’éloignement de l’Afrique au reste du monde et pour couronner le tout, corrompt les dirigeants et dirigeantes du continent africain, les rendant paresseux et non imputables. L’aide fatale au développement en provenance des pays occidentaux fait reculer l’Afrique en l’enfonçant de plus en plus dans la pauvreté, sans porte de sortie. Pourtant, on sait comment aider un pays à se développer, dit-elle en faisant allusion au plan « Marshall », le plan d’aide économique de 1947 qui a sorti l’Europe occidentale d’une situation économique très difficile à la suite de la Seconde Guerre mondiale.
Dr. Dambisa Moyo s’efforce de faire comprendre ce diagnostic aux leaders africains qui aiment leur continent et leur pays. Selon elle, l’un des aspects les plus déprimants de ce fiasco de l’aide est que donateurs, politiciens, gouvernements, universitaires, économistes et spécialistes, tous savent, au plus profond d’eux-mêmes, que l’aide ne marche pas, qu’elle n’a jamais marché et qu’elle ne marchera pas. En effet, à force de voir l’aide internationale venir pourvoir les soins de santé, l’éducation, la nutrition, les infrastructures de base, etc., les dirigeants africains ne sentent pas le besoin de faire quoi que ce soit pour leur pays. La formule d’aide au développement pour l’Afrique ne fonctionne pas et ne responsabilise pas les gouvernements africains, paralysant leur pays ainsi que les populations. Elle ne crée pas non plus d’emplois pour les jeunes. Par conséquent, l’Afrique régresse.
La lutte de Dambisa Moyo propose d’inverser les choses. Selon elle, l’Afrique doit tout faire afin d’obtenir son autonomie économique. Le besoin du continent est avant tout son indépendance économique.
Ses idées ont intéressé de nombreux leaders africains. En revanche, Bill Gates, dont la Fondation est très active en aide internationale, s’y est opposé. Dambisa Moyo lui a répondu sur son site Web :
Rejeter les arguments que je soulève dans Dead Aid à une époque où j’ai constaté la réussite économique de transformation des pays tels que la Chine, le Brésil et l’Inde, dévalorise mes expériences, celles de centaines de millions d’Africains et d’autres à travers le monde qui, jour après jour, subissent les conséquences du système d’aide.
Prix, reconnaissance et adhésions
Dr. Dambisa Moyo a été récipiendaire en 2013 du prix « Hayek Lifetime Achievement Award ». Elle a été citée dans le magazine Time comme faisant partie des 100 personnes les plus influentes dans le monde. Le Forum économique mondial l’a reconnue en 2009 comme une des « Yong Global Leaders ». Elle figure aussi sur la liste de l’animatrice américaine Oprah Winfrey comme l’une des 20 femmes visionnaires les plus influentes.
Références
Moyo, Dambisa, site personnel. http://dambisamoyo.com
Pages wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Dambisa_Moyo et
http://en.wikipedia.org/wiki/Dambisa_Moyo
Nahapétian, Naïri (2009) « L’aide fatale. Les ravages d’une aide inutile et de nouvelles solutions pour l’Afrique par Dambisa Moyo » Alternatives économiques numéro 285
http://www.alternatives-economiques.fr/l-aide-fatale–les-ravages-d-une-aide-inutile-et-de-nouvelles-solutions-pour-l-afrique-par-dambisa-moyo_fr_art_875_45456.html
Rivalland, Johan (2013) « L’aide fatale, de Dambisa Moyo » Contrepoints
http://www.contrepoints.org/2013/11/17/146499-laide-fatale-de-dambisa-moyo
Vuillemey, Guillaume (2009) Dambisa Moyo, l’aide fatale. Libre Afrique
http://www.libreafrique.org/Vuillemey_Moyo_aide_FR_240909