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Simon La Terreur-Picard

 

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Patiente, maternelle, affectueuse, tolérante, conciliante, tenace et courageuse – Michel Chartrand

Militante dès son plus jeune âge, des jeunesses catholiques aux causes syndicales, elle a toujours lutté pour les droits et la dignité humaine. Guidée par le désir d’informer, de sensibiliser et de mobiliser ses concitoyennes et concitoyens, la maladie, la mort et les embuches politiques ont fait d’elle une femme phare pour le Québec de sa génération et de celles à venir.

Héritage familial

Simonne Monet naquit à Montréal le 4 novembre 1919. Elle était la troisième de quatre enfants (bien que le premier décédât en bas âge et le deuxième à l’adolescence). Elle était la petite-fille de Dominique Monet (avocat, juge, député et ministre) et la fille d’Aurore-Berthe Alain et d’Amédée Monet qui suivit les traces de son père, à savoir la magistrature et la politique. Le frère ainé de Simonne Monet fit les mêmes choix et devint magistrat à son tour. Simonne était donc issue d’une famille bourgeoise, certes, mais progressiste. Son père, comme elle le mentionna lors de nombreuses entrevues, était son « premier amour ». Il y a fort à parier que les discussions de nature artistique et politique qu’ils purent avoir ensemble ont mis la table au parcours de cette femme.

Au pensionnat

Chez les Sœurs du Saint-Nom de Jésus, au pensionnat Marie-Rose, il allait de soi que Simonne devait recevoir la meilleure éducation. Elle écrivait beaucoup, dès l’âge de 11 ans, dans un journal personnel. Elle y rapportait ses constats et ses réflexions. Elle se rendit rapidement compte notamment de l’inégalité du choix d’activités offert pour les garçons et filles.

Elle fréquenta aussi l’Université Laval à Montréal (devenue l’Université de Montréal) et plus tard l’Université Concordia. Elle y étudia, entre autres, la littérature, la science politique et l’histoire, le tout par-delà son brevet d’enseignement.

Militantisme catholique

Ses premières armes militantes se firent au sein de la frange féminine des jeunesses étudiantes catholiques (JEC). N’ayant pas envie de prêter serment et de dévouer sa vie à un ordre religieux, elle chercha plutôt à investir les organisations catholiques de manière laïque afin d’en faire vivre les valeurs. Ce souci l’anima toute sa vie : elle s’affichait fièrement comme catholique, mais en conservant son esprit critique.

Devenue présidente de l’aile féminine des JEC, elle voyagea beaucoup au Québec, au Canada et ailleurs, afin d’aller à la rencontre des moins bien nantis (cause lui tenant à cœur), mais aussi des gens d’influence. Au nombre de ces derniers, mentionnons Daniel Johnson (qui devint premier ministre du Québec) et Michel Chartrand (qui devint plus tard leader syndical et son mari).

Elle décrivit les JEC de la manière suivante lors d’une entrevue à la SRC en 1972 :

Ce mouvement a permis aux laïcs de jouer un rôle important à une époque où le clergé était tout-puissant. Il a aussi favorisé l’émergence de la jeunesse comme un groupe autonome, avec son identité propre. La pédagogie originale de la JEC, entièrement tournée vers l’action sociale, se résume dans la formule « Voir, juger, agir ».

Vie de famille

Jexistais avant Michel Chartrand !

Elle devint Simonne Monet-Chartrand après que le syndicaliste Michel Chartrand ait gagné son cœur. Malgré la farouche opposition de ses parents, Simonne et Michel se fiancèrent en catimini puis se marièrent en 1942. Leur union donna 7 enfants, mais surtout un militantisme commun puisqu’elle se sentait attirée et en total accord avec les convictions nationales et religieuses et l’idéal de justice sociale et politique de son mari.

Choisir de rompre avec un milieu bourgeois pour devenir la compagne de Michel, pour le meilleur et pour le pire. Opter avec Michel, dans un esprit de revendication et de pauvreté, de nous associer aux luttes des citoyens et citoyennes les plus défavorisés d’ici et d’ailleurs. Essayer de bâtir ici une société socialiste, c’était et c’est encore aller au-devant des difficultés (extrait de son autobiographie).

Toutefois, malgré la notoriété de Michel Chartrand, Simonne Monet a tenu à affirmer haut et fort qu’elle existait sans Michel. La vie familiale était selon elle une négociation (des occupations et de la gestion monétaires).

Féminisme

Féministe, battante, mais toujours pacifiste, tel était son leitmotiv. C’est lorsqu’elle atteignit l’âge de majorité (21 ans) qu’elle embrassa la cause féministe, pour ne plus la lâcher. L’impossibilité pour elle de pouvoir voter la plaça devant une réalité choquante : la notion de citoyenne est incomplète sans droit de vote ! Son engagement militant la mena à travailler avec des femmes de grévistes, à la Voix des femmes (aux côtés de Thérèse Casgrain et de femmes du monde entier) et à la Fédération des femmes du Québec dont elle participa à la création. Elle fut d’ailleurs membre du premier conseil d’administration. Elle fut coauteure du Rapport de la Commission royale sur le statut de la femme. Elle contribua enfin à fonder l’Institut Simone de Beauvoir consacrée aux études féministes à l’Université Concordia.

Pacifisme

Les combats de Simonne Monet ont toujours été habités d’un profond pacifisme. Elle se proclamait féministe, radicale et pacifique. Elle participa à plusieurs mouvements mondiaux pour la paix, le désarmement, l’antimilitarisme et, nécessairement, les droits humains. Elle fut notamment codirectrice de la Ligue des droits et libertés. C’est d’ailleurs à son initiative qu’en 1978 ce nom fut adopté pour remplacer le nom masculiniste « Ligue des droits de l’Homme ».

Œuvres

Outre de nombreuses contributions à des parutions ponctuelles de différentes organisations et piges dans de plusieurs médias, Simonne Monet fut l’auteure de quelques titres sur le féminisme et le pacifisme, en plus de publier, en quatre tomes, son autobiographie.

Simonne Monet-Chartrand (1981 – 1982 – 1988 – 1992) Ma vie comme rivière. Les éditions du remue-ménage.

Simonne Monet-Chartrand (1988) LEspoir et le défi de la paix.

Simonne Monet-Chartrand (1990) Pionnières québécoises et regroupements de femmes dhier à aujourdhui. Éditions du remue-ménage.

Simonne Monet-Chartrand (1993) Les Québécoises et le mouvement pacifiste : 19391967. Éditions Écosociété.

Simonne Monet-Chartrand (1994) Pionnières québécoises et regroupements de femmes : 19701990. Éditions du remue-ménage.

Hommages

Outre un certain nombre d’institutions nommées en son nom (maison Simonne Monet-Chartrand, bibliothèque, école, et salles à son nom), elle reçut deux distinctions majeures en 1992 : le titre d’Artiste pour la paix et le prix Idola-Saint-Jean.

Références

Dupont, Micheline et Louise toupin (2003), La pensée féministe au Québec, Montréal, Éditions du remue-ménage, Fides, 750 p.

Pelletier-Baillargeon, Hélène (dir.) (1993), Simonne Monet-Chartrand : un héritage et des projets, Montréal, Éditions du remue-ménage, Fides, 381 p.

Les Archives de Radio-Canada (2009), Simonne Monet-Chartrand.
http://archives.radio-canada.ca/societe/syndicalisme/dossiers/1477/

Pelletier-Baillargeon, H. R. (2008), « Simonne Monet-Chartrand », The Canadian Encyclopedia,
http://www.thecanadianencyclopedia.ca/en/article/simonne-monet-chartrand/.

Yanacopoulos, Andrée (2010), Simonne Monet-Chartrand et Michel. Un couple engagé, Montréal, Point de fuite, 61 p.

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