A. Le Christ vient à l’improviste
Celles et ceux qui « recherchent d’abord le Royaume et la justice de Dieu » (cf. Mt 6, 33 et parall.), savent que le Seigneur vient à l’improviste, comme il est écrit :
Lc 12, 40 : …tenez-vous prêts, car c’est à l’heure que vous ne pensez pas que le Fils de l’homme va venir.
1Th 5, 2.4 : Vous savez vous-mêmes parfaitement que le Jour du Seigneur arrive comme un voleur en pleine nuit. […] Mais vous, frères, vous n’êtes pas dans les ténèbres, de telle sorte que ce Jour vous surprenne comme un voleur…
2 P 3, 10 : Il viendra, le Jour du Seigneur, comme un voleur; en ce jour, les cieux se dissiperont avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront, la terre avec les oeuvres qu’elle renferme sera consumée.
Ap 3, 3 : Allons! rappelle-toi comment tu accueillis la parole ; garde-la et change de conduite. Car si tu ne veilles pas, je viendrai comme un voleur sans que tu saches à quelle heure je te surprendrai.
Ap 16, 15 : Voici que je viens comme un voleur: heureux celui qui veille et garde ses vêtements pour ne pas aller nu et laisser voir sa honte.
Faut-il pour autant écouter les voix qui reprennent, à l’appui de leur prédication alarmiste, les annonces d’événements catastrophiques contenues dans nombre de passages de l’Écriture. Les situations troublées que traverse l’humanité, les multiples conflits, les horreurs que relaient chaque jour les médias leur paraissent constituer des signes des temps indiscutables attestant que la fin est proche.
Pourtant, tout en prédisant lui-même ces événements, Jésus a mis en garde contre les vaticinateurs qui les considèrent, pour ainsi dire mécaniquement, comme des signes de la proximité de la Parousie:
Lc 21, 8-11 : Prenez garde de vous laisser abuser, car il en viendra beaucoup sous mon nom, qui diront: « C’est moi! », et « Le temps est tout proche ». N’allez pas à leur suite. Lorsque vous entendrez parler de guerres et de désordres, ne vous effrayez pas; car il faut que cela arrive d’abord, mais ce ne sera pas de sitôt la fin. […] On se dressera nation contre nation et royaume contre royaume. Il y aura de grands tremblements de terre et, par endroits, des pestes et des famines; il y aura aussi des phénomènes terribles et, venant du ciel, de grands signes.
Par contre, Jésus a clairement – quoique mystérieusement – décrit par avance les circonstances de Sa venue lors de la Parousie :
Mt 24, 3-35 (= Lc 21, 5-27) : Et, comme il était assis sur le mont des Oliviers, les disciples s’approchèrent de lui, en particulier, et demandèrent : « Dis-nous quand cela aura lieu, et quel sera le signe de ton avènement et de la fin du monde. » Et Jésus leur répondit: Prenez garde qu’on ne vous abuse. Car il en viendra beaucoup sous mon nom, qui diront : C’est moi le Christ », et ils abuseront bien des gens. Vous aurez aussi à entendre parler de guerres et de rumeurs de guerres ; voyez, ne vous alarmez pas : car il faut que cela arrive, mais ce n’est pas encore la fin. On se dressera, en effet, nation contre nation et royaume contre royaume. Il y aura par endroits des famines et des tremblements de terre. Et tout cela ne fera que commencer les douleurs de l’enfantement. Alors on vous livrera aux tourments et on vous tuera ; vous serez haïs de toutes les nations à cause de mon nom. Et alors beaucoup succomberont ; ce seront des trahisons et des haines intestines. Des faux prophètes surgiront nombreux et abuseront bien des gens. Par suite de l’iniquité croissante, l’amour se refroidira chez le grand nombre. Mais celui qui aura tenu bon jusqu’au bout, celui-là sera sauvé. Cette Bonne Nouvelle du Royaume sera proclamée dans le monde entier, en témoignage à la face de toutes les nations. Et alors viendra la fin. Lors donc que vous verrez l’abomination de la désolation [ou : l’idole du dévastateur’], dont a parlé le prophète Daniel, installée dans le saint lieu – que le lecteur comprenne ! – alors que ceux qui seront en Judée s’enfuient dans les montagnes, que celui qui sera sur la terrasse ne descende pas dans sa maison pour prendre ses affaires, et que celui qui sera aux champs ne retourne pas en arrière pour prendre son manteau ! Malheur à celles qui seront enceintes et à celles qui allaiteront en ces jours-là ! Priez pour que votre fuite ne tombe pas en hiver, ni un sabbat. Car il y aura alors une grande tribulation, telle qu’il n’y en a pas eu depuis le commencement du monde jusqu’à ce jour, et qu’il n’y en aura jamais plus. Et si ces jours-là n’avaient été abrégés, nul n’aurait eu la vie sauve ; mais à cause des élus, ils seront abrégés, ces jours-là. Alors si quelqu’un vous dit : « Voici : le Christ est ici ! » ou bien : « Il est là ! », n’en croyez rien. Il surgira, en effet, des faux Christs et des faux prophètes, qui produiront de grands signes et des prodiges, au point d’abuser, s’il était possible, même les élus. Voici que je vous ai prévenus. Si donc on vous dit : « Le voici au désert », n’y allez pas ; « Le voici dans les retraites », n’en croyez rien. Comme l’éclair, en effet, part du levant et brille jusqu’au couchant, ainsi en sera-t-il de l’avènement du Fils de l’homme. Où que soit le cadavre, là se rassembleront les vautours. Aussitôt après la tribulation de ces jours-là, le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière, les étoiles tomberont du ciel, et les puissances des cieux seront ébranlées. Et alors apparaîtra dans le ciel le signe du Fils de l’homme ; et alors toutes les races de la terre se frapperont la poitrine ; et l’on verra le Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel avec puissance et grande gloire. Et il enverra ses anges avec une trompette sonore, pour rassembler ses élus des quatre vents, des extrémités des cieux à leurs extrémités. Du figuier apprenez cette parabole. Dès que sa ramure devient flexible et que ses feuilles poussent, vous comprenez que l’été est proche. Ainsi vous, lorsque vous verrez tout cela, comprenez qu’Il est proche, aux portes. En vérité je vous le dis, cette génération ne passera pas que tout cela ne soit arrivé. Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point.
J’ai mis en exergue, dans le texte cité ci-dessus, les passages sur lesquels s’appuient « sages de ce monde » chrétiens (cf. 1 Co 1, 20) pour affirmer que les événements annoncés se sont produits lors de la prise de Jérusalem en 70 de notre ère, et en bleu, ceux dont ils ne peuvent nier le caractère eschatologique, même s’ils s’efforcent d’en gommer la littéralité, par souci de rationalité.
C’est ainsi que l’édition 1981 de la Bible de Jérusalem commente Mt 24, 34 (« cette génération ne passera pas que tout cela ne soit arrivé [1]»), en ces termes :
Cette affirmation concerne la ruine de Jérusalem et non la fin du monde. Dans sa prédication, Jésus avait sans doute mieux distingué les perspectives [2].
Dix-sept ans plus tard, dans l’édition 1998 de la même bible, le même verset est commenté ainsi :
Cette affirmation concerne la ruine de Jérusalem ET la fin du monde.
La perplexité qui sous-tend ces notes de spécialistes est tout à fait compréhensible. En effet, pris en bloc, ce long texte – que certains commentateurs appellent « Discours eschatologique », mêle indéniablement les perspectives, et fait fi de l’ordre chronologique des événements. Il vaut la peine de reproduire ici le contenu de la note f) de la Bible de Jérusalem (édition 1981), afférente au titre évoqué ci-dessus :
Le discours eschatologique de Mt combine l’annonce de la ruine de Jérusalem avec celle de la fin du monde [3]. […] Cette combinaison de la ruine de Jérusalem et de la fin du monde exprime d’ailleurs une vérité théologique. Car si les deux événements sont chronologiquement distincts, ils ont entre eux un lien essentiel, le premier étant le prodrome et la préfiguration du second. La ruine de Jérusalem marque la fin de l’ancienne alliance, par un retour du Christ venant inaugurer son règne dans l’Église [4]. Cet événement décisif dans l’histoire du salut ne se renouvellera qu’à la fin des temps, quand Dieu exercera sur tout le genre humain, désormais élu dans le Christ, le même jugement qu’il exerça alors sur le premier peuple élu […]. »
Je suis d’accord avec la phrase que j’ai mise en rouge ci-dessus. Je note seulement que Mt 24, 34 – « cette génération ne passera pas que tout cela ne soit arrivé » – n’est pas plus mystérieux que Mt 10, 23 :
Si l’on vous pourchasse dans telle ville, fuyez dans telle autre, et si l’on vous pourchasse dans celle-là, fuyez dans une troisième ; en vérité je vous le dis, vous n’achèverez pas le tour des villes d’Israël avant que ne vienne le Fils de l’homme.
Il en va de même pour Mt 27, 12 [5]:
or, je vous le dis, Élie est déjà venu, et ils ne l’ont pas reconnu, mais ils lui ont fait ce qu’ils ont voulu. De même le Fils de l’homme souffrira par eux.
L’expression est encore plus frappante, en ce que c’est Jésus lui-même qui révèle le lien entre le destin de Jean et le sien. Pourtant, en Jn 1, 21, Jean nie être Élie :
Qu’es-tu donc? Lui demandèrent-ils. Es-tu Élie? Il dit: « Je ne le suis pas. »
Je passe pieusement sur les ‘réponses’ que m’ont opposées, au fil des décennies, des clercs et/ou des théologiens avec lesquels j’évoquais cette aporie apparente : elles étaient le plus souvent dilatoires, voire agressives [6]. Quoi qu’on en pense et quelle que soit la position théologique ou exégétique que l’on adopte à ce sujet, on ne peut échapper à l’impression que tout ce qui a trait à la manifestation du Royaume dans le temps humain, en la personne de Jésus de Nazareth, affecte le double caractère d’un déjà là et d’un pas encore, à venir [7]. En christianisme, le terme qui désigne ce phénomène est eschaton. Pour ma part, je préfère parler d’apocatastase [8], concept grec qui, selon moi, signifie mise (ou ‘remise’) en vigueur de situations ou d’annonces prophétiques, dont les potentialités ne se manifesteront en plénitude que lors du « rétablissement [9] de tout ce que Dieu a dit par la bouche de ses saints prophètes de jadis » (Ac 3, 21).
C’est à cette aune, me semble-t-il, qu’il faut comprendre deux situations prophétiques qui figurent dans le récit que font les évangiles des heures dramatiques qui précèdent immédiatement l’arrestation et la passion de Jésus : 1) L’injonction de Jésus à ses disciples de s’armer [10], et 2) La citation qu’il fait de la prophétie d’Isaïe, dont Il révèle qu’elle s’accomplit en lui.
En réalité, tout se passe comme si ces situations devaient être anticipées – sans doute pour que le monde les reconnaisse au temps de leur apocatastase.
B. L’injonction de s’armer (Lc 22, 36)
Et il leur dit: « Mais maintenant, que celui qui a une bourse la prenne, de même celui qui a une besace, et que celui qui n’en a pas vende son manteau pour acheter un glaive. »
Lui font écho plusieurs oracles vétérotestamentaires, tel, entre autres, cet oracle apocalyptique du prophète Joël, déjà cité partiellement plus haut :
Jl 4, 9-21 : Publiez ceci parmi les nations : Préparez la guerre! Appelez les braves! Qu’ils s’avancent, qu’ils montent, tous les hommes de guerre! De vos socs, forgez des épées, de vos serpes, des lances, que l’infirme dise : « Je suis un brave! » Hâtez-vous et venez, toutes les nations d’alentour, et rassemblez-vous là! Seigneur, fais descendre tes braves. Que les nations s’ébranlent et qu’elles montent à la Vallée de Josaphat! Car là je siégerai pour juger toutes les nations à la ronde. Lancez la faucille : la moisson est mûre; venez, foulez : le pressoir est comble ; les cuves débordent, tant leur méchanceté est grande! Foules sur foules dans la Vallée de la Décision! Car il est proche le jour du Seigneur dans la Vallée de la Décision! Le soleil et la lune s’assombrissent, les étoiles perdent leur éclat. Le Seigneur rugit de Sion, de Jérusalem il fait entendre sa voix; les cieux et la terre tremblent! Mais Le Seigneur sera pour son peuple un refuge, une forteresse pour les enfants d’Israël! Vous saurez alors que je suis Le Seigneur, votre Dieu, qui habite à Sion, ma montagne sainte! Jérusalem sera un lieu saint, les étrangers n’y passeront plus! Ce jour-là, les montagnes dégoutteront de vin nouveau, les collines ruisselleront de lait, et dans tous les torrents de Juda les eaux ruisselleront. Une source jaillira de la maison du Seigneur et arrosera le ravin des Acacias. L’Égypte deviendra une désolation, Édom une lande désolée, à cause des violences exercées contre les fils de Juda dont ils ont versé le sang innocent dans leur pays. Mais Juda sera habité à jamais et Jérusalem d’âge en âge. Je vengerai leur sang, je n’accorderai pas l’impunité, et Le Seigneur aura sa demeure à Sion.
Le même prophète annonce une autre épreuve pour Israël, qui devra combattre pour sa survie :
Mi 4, 11-14 : Maintenant, des nations nombreuses se sont assemblées contre toi. Elles disent : « Qu’on la profane et que nos yeux se repaissent de Sion! » C’est qu’elles ne connaissent pas les plans du Seigneur et qu’elles n’ont pas compris son dessein : il les a rassemblées comme les gerbes sur l’aire. Debout! foule le grain, fille de Sion! car je rendrai tes cornes de fer, de bronze tes sabots, et tu broieras des peuples nombreux. Tu voueras au Seigneur leurs rapines, et leurs richesses au Seigneur de toute la terre. Maintenant, fortifie-toi, Forteresse! Ils ont dressé un retranchement contre nous; à coups de verge ils frappent à la joue le juge d’Israël.
Israël survivra, grâce à la protection divine, mais au prix de guerres incessantes :
Mi 5, 1-8.14 : Et toi Bethléem, Éphrata, le moindre des clans de Juda, c’est de toi que me naîtra celui qui doit régner sur Israël; ses origines remontent au temps jadis, aux jours antiques. C’est pourquoi il les abandonnera jusqu’au temps où aura enfanté celle qui doit enfanter. Alors le reste de ses frères reviendra aux enfants d’Israël. Il se dressera, il fera paître son troupeau par la puissance du Seigneur, par la majesté du nom de son Dieu. Ils s’établiront, car alors il sera grand jusqu’aux extrémités du pays. Celui-ci sera paix! Assur, s’il envahit notre pays, s’il foule notre sol, nous dresserons contre lui sept pasteurs, huit chefs d’hommes ; ils feront paître le pays d’Assur avec l’épée, le pays de Nemrod avec le glaive. Il nous délivrera d’Assur s’il envahit notre pays, s’il foule notre territoire. Alors, le reste de Jacob sera, au milieu des peuples nombreux, comme une rosée venant du Seigneur, comme des gouttes de pluie sur l’herbe, qui n’espère point en l’homme ni n’attend rien des humains. Alors, le reste de Jacob sera, au milieu des peuples nombreux, comme un lion parmi les bêtes de la forêt, comme un lionceau parmi les troupeaux de moutons : chaque fois qu’il passe, il piétine, il déchire, et personne ne lui arrache sa proie. Que ta main se lève sur tes adversaires et tous tes ennemis seront retranchés! […] Avec colère, avec fureur, je tirerai vengeance des nations qui n’ont pas obéi [11].
Et si Israël triomphe enfin, grâce à l’intervention divine, ses conditions de vie sont aussi précaires qu’aux « jours antiques », comme si le peuple de Dieu revivait l’époque des Juges ou la sortie d’Égypte :
Mi 7, 8-20 : […] Ne te réjouis pas à mon sujet, ô mon ennemie : si je suis tombée, je me relèverai; si je demeure dans les ténèbres, Le Seigneur est ma lumière. Je dois porter la colère du Seigneur, puisque j’ai péché contre lui, jusqu’à ce qu’il juge ma cause et me fasse justice ; il me fera sortir à la lumière, et je contemplerai ses justes oeuvres. Quand mon ennemie le verra, elle sera couverte de honte, elle qui me disait : « Où est-il, Le Seigneur ton Dieu ? » Mes yeux la contempleront, tandis qu’elle sera piétinée comme la boue des rues. 11 Le jour de rebâtir tes remparts! Ce jour-là s’étendront tes frontières ; ce jour-là, on viendra jusqu’à toi depuis l’Assyrie jusqu’à l’Égypte, depuis Tyr jusqu’au Fleuve, de la mer à la mer, de la montagne à la montagne. La terre deviendra une solitude à cause de ses habitants, pour prix de leur conduite. Fais paître ton peuple sous ta houlette, le troupeau de ton héritage, qui demeure isolé dans les broussailles, au milieu des vergers. Puisse-t-il paître en Bashân et en Galaad comme aux jours antiques! Comme aux jours où tu sortis du pays d’Égypte, fais-nous voir des merveilles! Les nations verront et seront confondues malgré toute leur puissance; elles se mettront la main sur la bouche, elles en auront les oreilles assourdies. Elles lécheront la poussière comme le serpent, comme les bêtes qui rampent sur la terre. Elles sortiront tremblantes de leurs repaires, terrifiées et craintives devant toi. Quel est le dieu comme toi, qui enlève la faute, qui pardonne le crime, qui n’exaspère pas pour toujours sa colère, mais qui prend plaisir à faire grâce ? Une fois de plus, aie pitié de nous! foule aux pieds nos fautes, jette au fond de la mer tous nos péchés! Accorde à Jacob ta fidélité, à Abraham ta grâce, que tu as jurées à nos pères dès les jours d’antan.
Par contraste, l’oracle suivant de Michée annonce la conversion eschatologique des nations rebelles et la rétribution des souffrances causées par ces combats :
Mi 4, 1-8 : Or il adviendra dans la suite des temps que la montagne du Temple du Seigneur sera établie en tête des montagnes et s’élèvera au-dessus des collines. Alors des peuples afflueront vers elle ; alors viendront des nations nombreuses qui diront : « Venez, montons à la montagne du Seigneur, au Temple du Dieu de Jacob, qu’il nous enseigne ses voies et que nous suivions ses sentiers. Car de Sion vient la Loi et de Jérusalem la parole du Seigneur. » Il jugera entre des peuples nombreux et sera l’arbitre de nations puissantes. Ils briseront leurs épées pour en faire des socs et leurs lances pour en faire des serpes. On ne lèvera plus l’épée nation contre nation, on n’apprendra plus à faire la guerre. Mais chacun restera assis sous sa vigne et sous son figuier, sans personne pour l’inquiéter. La bouche du Seigneur Sabaot a parlé. […] En ce jour-là – oracle du Seigneur – je veux rassembler les éclopées, rallier les égarées et celles que j’ai maltraitées. Des éclopées je ferai un reste, des éloignées une nation puissante. Alors Le Seigneur régnera sur eux à la montagne de Sion, dès maintenant et à jamais. Et toi, Tour du Troupeau, Ophel de la fille de Sion, à toi va revenir la souveraineté d’antan, la royauté de la fille de Jérusalem. […]
Enfin, si insolite que soit cette idée pour nos intelligences humaines, force est de prendre au sérieux cet oracle du livre de l’Apocalypse, déjà évoqué :
Ap 2, 26-27 : Le vainqueur, celui qui restera fidèle à mon service jusqu’à la fin, je lui donnerai pouvoir sur les nations: c’est avec un sceptre de fer qu’il les paîtra comme on fracasse des vases d’argile!
Il nous dévoile que ceux qui seront restés fermes dans la foi au milieu des terribles épreuves du temps de la fin participeront à la domination guerrière du personnage mystérieux, dans lequel les chrétiens voient le Seigneur Jésus sur la base de cet oracle, déjà cité :
Ps 2, 7-9 : J’énoncerai le décret du Seigneur: Il m’a dit: « Tu es mon fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré. Demande, et je te donne les nations pour héritage, pour domaine les extrémités de la terre; tu les mèneras (litt.: paîtras) avec un sceptre de fer, comme vases de potier tu les briseras. »
Pour leur part, les Juifs y voient leur messie parvenu au faîte de sa puissance, à la fin des temps, sur la base de cet autre oracle :
Ps 89, 20-38 : Jadis, en vision, tu as parlé et tu as dit à tes amis : « J’ai prêté assistance à un preux, j’ai exalté un cadet de mon peuple. J’ai trouvé David mon serviteur, je l’ai oint de mon huile sainte; pour lui ma main sera ferme, mon bras aussi le rendra fort. L’adversaire ne pourra le tromper, le pervers ne pourra l’accabler ; j’écraserai devant lui ses agresseurs, ses ennemis, je les frapperai. Ma vérité et mon amour avec lui, par mon nom s’exaltera sa vigueur; j’établirai sa main sur la mer et sur les fleuves sa droite. Il m’appellera : Toi, mon père, mon Dieu et le rocher de mon salut! si bien que j’en ferai l’aîné, le très-haut sur les rois de la terre. À jamais je lui garde mon amour, mon alliance est pour lui véridique; j’ai pour toujours établi sa lignée, et son trône comme les jours des cieux. Si ses fils abandonnent ma loi, ne marchent pas selon mes jugements, s’ils profanent mes préceptes et ne gardent pas mes commandements, je visiterai avec des verges leur péché, avec des coups leur méfait, mais sans retirer de lui mon amour, sans faillir dans ma vérité. Point ne profanerai mon alliance, ne dédirai le souffle de mes lèvres ; une fois j’ai juré par ma sainteté mentir à David, jamais! Sa lignée à jamais sera, et son trône comme le soleil devant moi, comme est fondée la lune à jamais, témoin véridique dans la nue. »
C. L’affirmation de Jésus que s’accomplit en Lui l’oracle d’Isaïe sur la mise du Messie au rang des scélérats
Lc 22, 37 : Car, je vous le dis, il faut que s’accomplisse en moi ceci qui est écrit : Il a été compté parmi les scélérats (cf. Is 53, 12). Aussi bien, ce qui me concerne touche à sa fin.
Ici aussi, on perçoit, en toile de fond, plusieurs oracles vétérotestamentaires, dont surtout ceux des « Chants du Serviteur », d’Isaïe :
Is 53, 1-12 : Qui a cru ce que nous entendions dire, et le bras du Seigneur, à qui s’est-il révélé ? Comme un surgeon il a grandi devant lui, comme une racine en terre aride; sans beauté ni éclat pour attirer nos regards, et sans apparence qui nous eût séduits; objet de mépris, abandonné des hommes, homme de douleur, familier de la souffrance, comme quelqu’un devant qui on se voile la face, méprisé, nous n’en faisions aucun cas. Or ce sont nos souffrances qu’il portait et nos maux dont il était chargé. Et nous, nous le considérions comme puni, frappé par Dieu et humilié. Mais lui, il a été transpercé à cause de nos crimes, écrasé à cause de nos fautes. Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui, et dans ses blessures nous trouvons la guérison. Tous, comme des moutons, nous étions errants, chacun suivant son propre chemin, et Le Seigneur a fait retomber sur lui nos fautes à tous. Maltraité, il s’humiliait, il n’ouvrait pas la bouche, comme l’agneau qui se laisse mener à l’abattoir, comme devant les tondeurs une brebis muette, il n’ouvrait pas la bouche. Par contrainte et jugement il a été saisi. Parmi ses contemporains, qui s’est inquiété qu’il ait été retranché de la terre des vivants, qu’il ait été frappé pour le crime de son peuple ? On lui a donné un sépulcre avec les impies et sa tombe est avec le riche, bien qu’il n’ait pas commis de violence et qu’il n’y ait pas eu de tromperie dans sa bouche. Le Seigneur a voulu l’écraser par la souffrance; s’il offre sa vie en sacrifice expiatoire, il verra une postérité, il prolongera ses jours, et par lui la volonté du Seigneur s’accomplira. À la suite de l’épreuve endurée par son âme, il verra la lumière et sera comblé. Par sa connaissance, le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes en s’accablant lui-même de leurs fautes. C’est pourquoi il aura sa part parmi les multitudes, et avec les puissants il partagera le butin, parce qu’il s’est livré lui-même à la mort et qu’il a été compté parmi les criminels, alors qu’il portait le péché des multitudes et qu’il intercédait pour les criminels.
Is 54,1-17 : Crie de joie, stérile, toi qui n’as pas enfanté; pousse des cris de joie, des clameurs, toi qui n’as pas mis au monde, car plus nombreux sont les fils de la délaissée que les fils de l’épouse, dit Le Seigneur. Élargis l’espace de ta tente, déploie sans lésiner les toiles qui t’abritent, allonge tes cordages, renforce tes piquets, car à droite et à gauche tu vas éclater, ta race va déposséder des nations et repeupler les villes abandonnées. N’aie pas peur, tu n’éprouveras plus de honte, ne sois pas confondue, tu n’auras plus à rougir; car tu vas oublier la honte de ta jeunesse, tu ne te souviendras plus de l’infamie de ton veuvage. Ton créateur est ton époux, Le Seigneur Sabaot est son nom, le Saint d’Israël est ton rédempteur, on l’appelle le Dieu de toute la terre. Oui, comme une femme délaissée et accablée, Le Seigneur t’a appelée, comme la femme de sa jeunesse qui aurait été répudiée, dit ton Dieu. Un court instant je t’avais délaissée, ému d’une immense pitié, je vais t’unir à moi. Débordant de fureur, un instant, je t’avais caché ma face. Dans un amour éternel, j’ai eu pitié de toi, dit Le Seigneur, ton rédempteur. Ce sera pour moi comme au temps de Noé, quand j’ai juré que les eaux de Noé ne se répandraient plus sur la terre. Je jure de même de ne plus m’irriter contre toi, de ne plus te menacer. Car les montagnes peuvent s’écarter et les collines chanceler, mon amour ne s’écartera pas de toi, mon alliance de paix ne chancellera pas, dit Le Seigneur qui te console. Malheureuse, battue par les vents, inconsolée, voici que je vais poser tes pierres sur des escarboucles, et tes fondations sur des saphirs; je ferai tes créneaux de rubis, tes portes d’escarboucle et toute ton enceinte de pierres précieuses. Tous tes enfants seront disciples du Seigneur, et grand sera le bonheur de tes enfants. Tu seras fondée dans la justice, libre de l’oppression : tu n’auras rien à craindre, libre de la frayeur : elle n’aura plus prise sur toi. Voici : s’il se produit une attaque, ce ne sera pas de mon fait ; quiconque t’aura attaquée tombera à cause de toi. Voici : c’est moi qui ai créé le forgeron qui souffle sur les braises et tire un outil à son usage; c’est moi aussi qui ai créé le destructeur pour anéantir. Aucune arme forgée contre toi ne saurait être efficace. Toute langue qui t’accuserait en justice, tu la confondras. Tel est le lot des serviteurs du Seigneur, la victoire que je leur assure. Oracle du Seigneur.
Is 55, 1-13 : Ah! vous tous qui avez soif, venez vers l’eau, même si vous n’avez pas d’argent, venez, achetez et mangez; venez, achetez sans argent, sans payer, du vin et du lait. Pourquoi dépenser de l’argent pour autre chose que du pain, et ce que vous avez gagné, pour ce qui ne rassasie pas ? Écoutez, écoutez-moi et mangez ce qui est bon; vous vous délecterez de mets succulents. Prêtez l’oreille et venez vers moi, écoutez et vous vivrez. Je conclurai avec vous une alliance éternelle, réalisant les faveurs promises à David. Voici que j’ai fait de lui un témoin pour des peuples, un chef et un législateur de peuples. Voici que tu appelleras une nation que tu ne connais pas, une nation qui ne te connaît pas viendra vers toi, à cause du Seigneur, ton Dieu, et pour le Saint d’Israël, car il t’a glorifié [12]. Cherchez Le Seigneur pendant qu’il se laisse trouver, invoquez-le pendant qu’il est proche. Que le méchant abandonne sa voie et l’homme criminel ses pensées, qu’il revienne au Seigneur qui aura pitié de lui, à notre Dieu car il est riche en pardon. Car vos pensées ne sont pas mes pensées, et mes voies ne sont pas vos voies, oracle du Seigneur. Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant sont élevées mes voies au-dessus de vos voies, et mes pensées au-dessus de vos pensées. De même que la pluie et la neige descendent des cieux et n’y retournent pas sans avoir arrosé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer pour fournir la semence au semeur et le pain à manger, ainsi en est-il de la parole qui sort de ma bouche, elle ne revient pas vers moi sans effet, sans avoir accompli ce que j’ai voulu et réalisé l’objet de sa mission. Oui, vous partirez dans la joie et vous serez ramenés dans la paix. Les montagnes et les collines pousseront devant vous des cris de joie, et tous les arbres de la campagne battront des mains. Au lieu de l’épine croîtra le cyprès, au lieu de l’ortie croîtra le myrte, ce sera pour le Seigneur un renom, un signe éternel qui ne périra pas.
Is 11, 1-16 : Un rejeton sortira de la souche de Jessé, un surgeon poussera de ses racines. Sur lui reposera l’Esprit du Seigneur, esprit de sagesse et d’intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte du Seigneur : son inspiration est dans la crainte du Seigneur. Il jugera mais non sur l’apparence. Il se prononcera mais non sur le ouï-dire. Il jugera les faibles avec justice, il rendra une sentence équitable pour les humbles du pays. Il frappera le pays de la férule de sa bouche, et du souffle de ses lèvres fera mourir le méchant. La justice sera la ceinture de ses reins, et la fidélité la ceinture de ses hanches. Le loup habitera avec l’agneau, la panthère se couchera avec le chevreau. Le veau, le lionceau et la bête grasse iront ensemble, conduits par un petit garçon. La vache et l’ourse paîtront, ensemble se coucheront leurs petits. Le lion comme le boeuf mangera de la paille. Le nourrisson jouera sur le repaire de l’aspic, sur le trou de la vipère le jeune enfant mettra la main. On ne fera plus de mal ni de violence sur toute ma montagne sainte, car le pays sera rempli de la connaissance du Seigneur, comme les eaux couvrent le fond de la mer. Ce jour-là, la racine de Jessé, qui se dresse comme un signal pour les peuples, sera recherchée par les nations, et sa demeure sera glorieuse. 11 Ce jour-là, le Seigneur étendra la main une seconde fois, pour racheter le reste de son peuple, ce qui restera à Assur et en Égypte, à Patros, à Kush et en Élam, à Shinéar, à Hamat et dans les îles de la mer. Il dressera un signal pour les nations et rassemblera les bannis d’Israël. Il regroupera les dispersés de Juda des quatre coins de la terre. Alors cessera la jalousie d’Éphraïm, et les ennemis de Juda seront retranchés. Éphraïm ne jalousera plus Juda et Juda ne sera plus hostile à Éphraïm. Ils fondront sur le dos des Philistins à l’Occident, ensemble ils pilleront les fils de l’Orient. Édom et Moab seront soumis à leur main et les fils d’Ammon leur obéiront. Le Seigneur asséchera la baie de la mer d’Égypte, il agitera la main contre le Fleuve, dans la violence de son souffle. Il le frappera pour en faire sept bras, on y marchera en sandales. Et il y aura un chemin pour le reste de son peuple, ce qui restera d’Assur, comme il y en eut pour Israël, quand il monta du pays d’Égypte.
Is 12, 1 : Et tu diras, en ce jour-là : Je te loue, Seigneur, car tu as été en colère contre moi. Puisse ta colère se détourner, puisses-tu me consoler. Voici le Dieu de mon salut : j’aurai confiance et je ne tremblerai plus, car ma force et mon chant c’est le Seigneur, il a été mon salut. Dans l’allégresse vous puiserez de l’eau aux sources du salut. Et vous direz, en ce jour-là : Louez le Seigneur, invoquez son nom, annoncez aux peuples ses hauts faits, rappelez que son nom est sublime. Chantez Le Seigneur, car il a fait de grandes choses, qu’on le proclame sur toute la terre. Pousse des cris de joie, des clameurs, habitante de Sion, car il est grand, au milieu de toi, le Saint d’Israël.
Is 49, 1-26 : Îles, écoutez-moi, soyez attentifs, peuples lointains! Le Seigneur m’a appelé dès le sein maternel, dès les entrailles de ma mère il a prononcé mon nom. Il a fait de ma bouche une épée tranchante, il m’a abrité à l’ombre de sa main ; il a fait de moi une flèche acérée, il m’a caché dans son carquois. Il m’a dit : « Tu es mon serviteur, Israël, toi en qui je me glorifierai. » Et moi, j’ai dit : « C’est en vain que j’ai peiné, pour rien, pour du vent j’ai usé mes forces. » Et pourtant mon droit était avec Le Seigneur et mon salaire avec mon Dieu. Et maintenant Le Seigneur a parlé, lui qui m’a modelé dès le sein de ma mère pour être son serviteur, pour ramener à lui Jacob, et qu’Israël lui soit réuni ; – je serai glorifié aux yeux du Seigneur, et mon Dieu a été ma force; – il a dit : « C’est trop peu que tu sois pour moi un serviteur pour relever les tribus de Jacob et ramener les survivants d’Israël. Je fais de toi la lumière des nations pour que mon salut atteigne aux extrémités de la terre. » Ainsi parle le Seigneur, le rédempteur, le Saint d’Israël, à celui dont l’âme est méprisée, honnie de la nation, à l’esclave des tyrans : des rois verront et se lèveront, des princes verront et se prosterneront, à cause du Seigneur qui est fidèle, du Saint d’Israël qui t’a élu. Ainsi parle le Seigneur: Au temps de la faveur je t’exaucerai, au jour du salut je te secourrai. Je t’ai façonné et j’ai fait de toi l’alliance d’un peuple pour relever le pays, pour restituer les héritages dévastés, pour dire aux captifs : « Sortez », à ceux qui sont dans les ténèbres : « Montrez-vous. » Ils paîtront le long des chemins, sur tous les monts chauves ils auront un pâturage. Ils n’auront plus faim ni soif, ils ne souffriront pas du vent brûlant ni du soleil, car celui qui les prend en pitié les conduira, il les mènera vers les eaux jaillissantes. De toutes mes montagnes je ferai un chemin et mes routes seront relevées. Les voici, ils viennent de loin, ceux-ci du Nord et de l’Occident, et ceux-là du pays de Sînîm. Cieux, criez de joie, terre exulte, que les montagnes poussent des cris, car le Seigneur a consolé son peuple, il prend en pitié ses affligés. Sion avait dit : « Le Seigneur m’a abandonnée; le Seigneur m’a oubliée. » Une femme oublie-t-elle son petit enfant, est-elle sans pitié pour le fils de ses entrailles ? Même si les femmes oubliaient, moi, je ne t’oublierai pas. Vois, je t’ai gravée sur les paumes de mes mains, tes remparts sont devant moi sans cesse. Tes bâtisseurs se hâtent, ceux qui te détruisent et te ravagent vont s’en aller. Lève les yeux aux alentours et regarde : tous sont rassemblés, ils viennent à toi. Par ma vie, oracle du Seigneur, ils sont tous comme une parure dont tu te couvriras, comme fait une fiancée, tu te les attacheras. Car tes ruines, tes décombres, ton pays désolé sont désormais trop étroits pour tes habitants, et ceux qui te dévoraient s’éloigneront. Ils diront de nouveau à tes oreilles, les fils dont tu étais privée : « L’endroit est trop étroit pour moi, fais-moi une place pour que je m’installe » Et tu diras dans ton coeur : « Qui m’a enfanté ceux-ci ? J’étais privée d’enfants et stérile, exilée et rejetée, et ceux-ci, qui les a élevés ? Pendant que moi j’étais laissée seule, ceux-ci, où étaient-ils ? » Ainsi parle le Seigneur Yahvé : Voici que je lève la main vers les nations, que je dresse un signal pour les peuples : ils t’amèneront tes fils dans leurs bras, et tes filles seront portées sur l’épaule. Des rois seront tes pères adoptifs, et leurs princesses, tes nourrices. Face contre terre, ils se prosterneront devant toi, ils lècheront la poussière de tes pieds. Et tu sauras que je suis le Seigneur, ceux qui espèrent en moi ne seront pas déçus. Au guerrier arrache-t-on sa prise ? Le prisonnier d’un tyran sera-t-il libéré ? Mais ainsi parle le Seigneur: Eh bien, le prisonnier du guerrier lui sera arraché, et la prise du tyran sera libérée. Je vais moi-même chercher querelle à qui te cherche querelle, tes enfants, c’est moi qui les sauverai. À tes oppresseurs je ferai manger leur propre chair, comme de vin nouveau ils s’enivreront de leur sang. Et toute chair saura que moi, le Seigneur, je suis ton sauveur, que ton rédempteur, c’est le Puissant de Jacob.
D. La geste prophétique de Josué, le grand prêtre [13]
En voici d’abord le contexte eschatologique :
Za 2, 14-17 : Chante, réjouis-toi, fille de Sion, car voici que je viens pour demeurer au milieu de toi, oracle du Seigneur! Des nations nombreuses s’attacheront au Seigneur, en ce jour-là : elles seront pour lui un peuple. Elles habiteront au milieu de toi et tu sauras que Le Seigneur Sabaot m’a envoyé vers toi. Mais Le Seigneur possédera Juda comme sa part sur la Terre Sainte et choisira encore Jérusalem. Silence! toute chair, devant Le Seigneur, car il se réveille en sa sainte Demeure.
Puis le contexte messianique juif:
Za 3, 1-10 : Il me fit voir Josué, le grand prêtre, qui se tenait devant l’ange du Seigneur, tandis que le Satan était debout à sa droite pour l’accuser. L’ange du Seigneur dit au Satan : « Que Le Seigneur te réprime, Satan ; que Le Seigneur te réprime, lui qui a fait choix de Jérusalem. Celui-ci n’est-il pas un tison tiré du feu ? » Or Josué était vêtu d’habits sales lorsqu’il se tenait devant l’ange. Prenant la parole, celui-ci parla en ces termes à ceux qui se tenaient devant lui : « Enlevez-lui ses habits sales et revêtez-le d’habits somptueux » ; et il lui dit : « Vois, j’ai enlevé de dessus toi ton iniquité. Mettez sur sa tête une tiare propre. » On mit sur sa tête une tiare propre et on le revêtit d’habits propres. L’ange du Seigneur se tenait debout. Puis l’ange du Seigneur fit cette déclaration à Josué : « Ainsi parle le Seigneur Sabaot. Si tu marches dans mes voies et gardes mes observances, tu gouverneras ma maison, tu garderas mes parvis et je te donnerai accès parmi ceux qui se tiennent ici. Écoute donc, Josué, grand prêtre, toi et tes compagnons qui siègent devant toi – car ils sont des hommes de présage – : Voici que je vais introduire mon serviteur Germe, Car voici la pierre que je place devant Josué; sur cette unique pierre, il y a sept yeux ; voici que je vais graver moi-même son inscription, oracle du Seigneur Sabaot. Et j’écarterai l’iniquité de ce pays, en un seul jour. » Ce jour-là – oracle du Seigneur Sabaot – vous vous inviterez l’un l’autre sous la vigne et sous le figuier.
Za 6, 9-15 : La parole du Seigneur me fut adressée en ces termes : « Fais une collecte auprès des exilés, de Heldaï, de Tobiyya et de Yedaya, puis tu iras, toi, en ce jour-là, tu iras chez Yoshiyya, fils de Çephanya, qui est arrivé de Babylone. Tu prendras l’argent et l’or, tu feras une couronne et tu la mettras sur la tête de Josué, fils de Yehoçadaq, le grand prêtre. Puis tu lui parleras en ces termes : Ainsi parle le Seigneur Sabaot. Voici un homme dont le nom est Germe ; là où il est, quelque chose va germer et il reconstruira le sanctuaire du Seigneur. C’est lui qui reconstruira le sanctuaire du Seigneur, c’est lui qui portera les insignes royaux. Il siégera sur son trône en dominateur, et il y aura un prêtre à sa droite. Une paix parfaite régnera entre eux deux. Quant à la couronne, elle sera pour Heldaï, Tobiyya, Yedaya et pour le fils de Çephanya, en mémorial de grâce dans le sanctuaire du Seigneur. Alors ceux qui sont au loin viendront reconstruire le sanctuaire du Seigneur, et vous saurez que le Seigneur Sabaot m’a envoyé vers vous. Cela se produira si vous écoutez parfaitement la voix du Seigneur. »
Pour éclairer, autant que faire se peut, ces textes prophétiques obscurs, il faut se remémorer l’affirmation de Paul concernant le mystère de la réhabilitation du Peuple juif : « …mon Alliance avec eux consistera en ce que j’enlèverai leurs péchés. » [14] (Rm 11, 27)
Il faut savoir que ce passage (Rm 11, 26-27) est un assemblage de citations tronquées des chapitres 27 et 59 du Livre d’Isaïe, dont la portée exacte n’est pas des plus claires [15]. Mais si l’on se reporte au contexte, on perçoit leur caractère eschatologique et l’on décèle que s’y fait jour une initiative divine gratuite en faveur d’Israël. Il semble qu’on puisse considérer comme acquis les deux points suivants:
- L’incrédulité d’Israël à l’égard de la messianité et de la divinité de Jésus, si longue que soit sa durée, prendra fin sur initiative divine.
- Le Peuple juif devra sa justification à l’initiative prévenante de Dieu, puisque, en effet, le Seigneur Lui-même enlèvera les péchés d’Israël.
À ce stade, une précision s’impose. Le péché d’Israël, dont parle le texte biblique cité par Paul, n’est pas, comme on le lit trop souvent chez les interprètes, celui de son incrédulité face à la prédication apostolique primitive. À la lumière d’autres passages scripturaires, il semble qu’il s’agisse plutôt d’un état d’impureté rituelle inhérente à sa condition d’endeuillé de Sion [16] (dans le judaïsme, un mort rend impurs le lieu du décès et ceux qui touchent le défunt). Israël est comme exclu de la présence de Dieu durant son exil dans les nations. C’est pourquoi, en « enlevant son péché », Dieu réintègre le Peuple juif dans sa familiarité et dans sa gloire.
On comprend maintenant qu’en parlant de l’enlèvement par Dieu des « péchés » et des « impiétés » de Jacob (cf. Rm 11, 26 et 27), Paul faisait implicitement allusion, non seulement aux fautes (réelles) d’Israël, mais à son état d’impureté rituelle (“saleté”), consécutif à son deuil, comme l’attestent plusieurs passages scripturaires à forte connotation eschatologique :
Is 4, 4-5 : Lorsque Le Seigneur aura lavé la saleté des filles de Sion et purifié Jérusalem du sang, au souffle du jugement et de l’incendie, Le Seigneur créera partout sur la montagne de Sion et sur ceux qui s’y assemblent une nuée, le jour, et une fumée avec l’éclat d’un feu flamboyant, la nuit [17]…
Is 57, 18 : J’ai vu sa conduite, mais je le guérirai, je le conduirai, je le consolerai, lui et ses endeuillés.
Is 60, 20 : Ton soleil ne se couchera plus, et ta lune ne disparaîtra plus, car Le Seigneur sera pour toi une lumière éternelle, et les jours de ton deuil seront accomplis.
Is 61, 2b.3 : [L’Esprit du Seigneur est sur moi, car il m’a chargé de] consoler les endeuillés de Sion, de leur donner un diadème au lieu de cendre, de l’huile de joie au lieu d’un vêtement de deuil, un manteau de fête au lieu d’un esprit abattu…
Za 3, 1-4 : Il me fit voir Josué, le grand prêtre, qui se tenait devant l’ange du Seigneur, tandis que le Satan était debout à sa droite pour l’accuser. L’ange du Seigneur dit au Satan : Que Le Seigneur te réprime, Satan ; que Le Seigneur te réprime, lui qui a fait choix de Jérusalem. Celui-ci n’est-il pas un tison tiré du feu ? Or, Josué était vêtu d’habits souillés lorsqu’il se tenait devant l’ange. Prenant la parole, celui-ci parla en ces termes à ceux qui se tenaient devant lui : Enlevez-lui ses habits souillés et revêtez-le d’habits somptueux, et il lui dit : Vois, j’ai enlevé de dessus toi ton iniquité.
Et on aura remarqué que l’allusion à l’exode, présente en filigrane dans les contextes ci-dessus, est clairement exprimée dans ces deux passages, déjà cités :
Is 11, 11.16 : Ce jour-là, le Seigneur étendra la main une seconde fois, pour racheter le reste de son peuple […] Et il y aura un chemin pour le reste de son peuple, ce qui restera d’Assur, comme il y en eut pour Israël, quand il monta du pays d’Égypte.
Mi 7, 15 : Comme aux jours où tu sortis du pays d’Égypte, fais-nous voir des merveilles!
À quoi il convient d’ajouter cette mention, plus mystérieuse et qui passe généralement inaperçue des non-spécialistes, dans le récit de la transfiguration :
Lc 9, 30-31 : Et voici que deux hommes s’entretenaient avec lui: c’étaient Moïse et Élie qui, apparus en gloire, parlaient de sa sortie (en grec : exodos], qu’il allait accomplir à Jérusalem.
E. « Auparavant doit venir l’apostasie » (2 Th 2, 3)
Au terme de cette relecture d’oracles, qui, à l’instar de ce qui se passe pour la limaille de fer soumise à un champ magnétique, révèle la manière dont s’organisent et prennent sens des pans entiers de la Parole prophétique – dispersés et apparemment sans rapport entre eux – les fidèles, dont le Christ aura « ouvert l’esprit pour qu’ils comprennent les Écritures » (cf. Lc 24, 45), découvriront avec une stupeur émerveillée la forme que prend le Dessein de Dieu dans l’histoire humaine, et la fonction centrale qu’y exerce le peuple juif avant que se révèle en plénitude la vocation messianique que son Créateur lui a dévolue de toute éternité.
On m’a dit, en substance : « Les conceptions que vous diffusez sont le fruit d’une trop longue rumination intellectuelle solitaire et sont probablement de nature obsessionnelle. Elles sont dénuées de crédibilité et, en tout état de cause, n’ont pas l’approbation des autorités religieuses. Il se peut que vous soyez sincère, mais cela ne vous autorise pas à perturber la foi des simples fidèles par la diffusion publique intempestive de vos conceptions eschatologiques, que vous exposez d’ailleurs de manière fort obscure, voire ésotérique. Les fidèles n’ont pas besoin de ces « spéculations » pour être sauvés, ni même pour être agréables à Dieu. »
Au fil des décennies, j’ai écouté patiemment ce type de mises en garde, dont plusieurs versions m’ont été signifiées par des ecclésiastiques ou des laïcs catholiques occupant des postes de responsabilité, ou jouissant de la considération des autorités religieuses locales. J’ai tout fait pour me persuader que ces responsables étaient dans leur rôle et que je devais me conformer à leurs exigences. À l’instar de Jérémie, je m’étais dit : « Je ne penserai plus à Lui, je ne parlerai plus en Son Nom… » « Mais c’était en mon coeur comme un feu dévorant, enfermé dans mes os. Je m’épuisais à le contenir, et je n’ai pas pu. » (Jr 15, 9).
J’aurais volontiers renoncé à « proclamer la parole » « en insistant à temps et à contretemps » (cf. 2 Tm 4, 2) – comme je l’ai fait durant si longtemps –, si ma conscience m’avait convaincu que ce que j’exposais dans mes écrits n’était, en effet, que « spéculation ». Or, c’est justement « en possession d’une bonne conscience » (cf. 2 P 3, 16), que j’ai cru devoir exposer, dans mon premier ouvrage, publié en 2009, ce que le Seigneur, dans Son immense miséricorde, avait daigné me faire comprendre [18]. J’ose même reprendre à mon compte, à ce propos, l’affirmation de Paul: « Le Dieu et Père du Seigneur Jésus, qui est béni éternellement, sait que je ne mens pas. » (2 Co 11, 31).
Il n’empêche, soucieux de conformer mon attitude à la prédication apostolique, j’ai revisité humblement la longue et solennelle mise en garde suivante de S. Paul :
2 Th 2, 1-12 : Nous vous le demandons, frères, à propos de la Venue de notre Seigneur Jésus Christ et de notre rassemblement auprès de lui, ne vous laissez pas trop vite mettre hors de sens ni alarmer par des manifestations de l’Esprit, des paroles ou des lettres données comme venant de nous, et qui vous feraient penser que le Jour du Seigneur est déjà là. Que personne ne vous abuse d’aucune manière. Auparavant doit venir l’apostasie et se révéler l’Homme impie, l’Être perdu, l’Adversaire, celui qui s’élève au-dessus de tout ce qui porte le nom de Dieu ou reçoit un culte, allant jusqu’à s’asseoir en personne dans le sanctuaire de Dieu, se produisant lui-même comme Dieu. Vous vous rappelez, n’est-ce pas, que quand j’étais encore près de vous je vous disais cela. Et vous savez ce qui le retient maintenant, de façon qu’il ne se révèle qu’à son moment. Dès maintenant, oui, le mystère de l’impiété est à l’oeuvre. Mais que seulement celui qui le retient soit d’abord écarté. Alors l’Impie se révélera, et le Seigneur le fera disparaître par le souffle de sa bouche, l’anéantira par la manifestation de sa Venue. Sa venue à lui, l’Impie, aura été marquée, par l’influence de Satan, de toute espèce d’oeuvres de puissance, de signes et de prodiges mensongers, comme de toutes les tromperies du mal, à l’adresse de ceux qui sont voués à la perdition pour n’avoir pas accueilli l’amour de la vérité qui leur aurait valu d’être sauvés. Voilà pourquoi Dieu leur envoie une influence qui les égare, qui les pousse à croire le mensonge, en sorte que soient condamnés tous ceux qui auront refusé de croire la vérité et pris parti pour le mal.
Bien m’en a pris. En effet, ce passage – que j’avais lu à maintes reprises et même commenté au fil des années, et qui m’est souvent présent à l’esprit, surtout lorsque l’actualité révèle, par intermittence, la « trahison des clercs » chrétiens [19] -, m’apparaît comme fondamental. Il nous avertit, en effet, de nous préparer à résister à l’apostasie quand elle se manifestera au grand jour, à l’heure que Dieu seul connaît. Or, bien que Jésus nous ait avertis solennellement et à plusieurs reprises qu’Il viendrait à l’improviste, trop nombreux sont les clercs, les théologiens et les fidèles qui ont déjà renié Dieu dans leur coeur, comme il est écrit :
Lc 12, 35-37.40 : Que vos reins soient ceints et vos lampes allumées. Soyez semblables, vous, à des gens qui attendent leur maître à son retour de noces, pour lui ouvrir dès qu’il viendra et frappera. Heureux ces serviteurs que le maître en arrivant trouvera en train de veiller! En vérité, je vous le dis, il se ceindra, les fera mettre à table et, passant de l’un à l’autre, il les servira. Qu’il vienne à la deuxième ou à la troisième veille, s’il trouve les choses ainsi, heureux seront-ils! […] Vous aussi, tenez-vous prêts, car c’est à l’heure que vous ne pensez pas que le Fils de l’homme va venir.
Il en sera de même pour les hautes autorités religieuses qui auront failli, comme semble le prophétiser mystérieusement ce passage de Luc :
Lc 12, 41-46 : Pierre dit alors: « Seigneur, est-ce pour nous que tu dis cette parabole, ou bien pour tout le monde? » Et le Seigneur dit: « Quel est donc l’intendant fidèle, avisé, que le maître établira sur ses gens pour leur donner en temps voulu leur ration de blé ? Heureux ce serviteur, que son maître en arrivant trouvera occupé de la sorte! En vérité, je vous le dis, il l’établira sur tous ses biens. Mais si ce serviteur dit en son coeur: Mon maître tarde à venir, et qu’il se mette à frapper les serviteurs et les servantes, à manger, boire et s’enivrer, le maître de ce serviteur arrivera au jour qu’il n’attend pas et à l’heure qu’il ne connaît pas ; il le retranchera et lui assignera sa part parmi les infidèles.
Qu’on veuille bien supporter la comparaison que je fais ici avec ce qui se passa dans les années 30. La plupart des futurs dirigeants nazis étaient alors, en apparence, des hommes ordinaires et inoffensifs. Beaucoup d’entre eux avaient une profession honorable, de la culture, voire des diplômes, certains ne manquaient ni d’intelligence ni de qualités, et la plupart d’entre eux étaient baptisés. On s’est demandé, et on se demande encore aujourd’hui, par quel processus mystérieux ils en sont venus à adhérer, corps et âme et jusqu’au fanatisme, aux doctrines diaboliques du ‘fléau de Dieu’ et de l’humanité que fut Hitler. Quelles que soient les théories en la matière, une chose au moins est certaine : ses sectateurs avaient depuis longtemps perverti leur conscience et pactisé intérieurement avec le mal. Ils cultivaient la haine et le mépris à l’égard de tout ce qui ne cadrait pas avec leur idéologie mortifère. Hitler fut leur mauvais génie, le catalyseur de leurs pulsions et de leurs aspirations démentes. Leurs instincts dépravés et leur aspiration au mal n’avaient besoin que d’un trompeur [20] et d’un exutoire. Leur trompeur fut le Führer nazi, auquel ils firent allégeance et lièrent leur destin. L’exutoire fut le peuple juif, au travers duquel ils aspiraient confusément à tuer Dieu, avec le tragique résultat que l’on connaît.
C’est, à mon avis et toutes proportions gardées, le processus qui est à l’œuvre depuis au moins deux générations. Certes, il ne saute pas aux yeux, malgré des horreurs endémiques, vite oubliées, ou plus ou moins rationalisées par une humanité qui a si peur de sa propre mort qu’elle se bouche les yeux devant celle des autres, pour ne pas avoir à en tirer les conséquences. C’est le cas des croyants qu’avertit le prophète, en ces termes :
Am 6, 3 : Vous repoussez le jour mauvais mais vous hâtez [litt. ‘rendez proche’] le règne [litt., “le sceptre”] de la violence! [21]
Qu’est donc ce « jour mauvais » dont parle le prophète Amos ? Sa connotation est, à l’évidence, eschatologique. Outre Am 6, 3 cité ci-dessus, on trouve l’expression dans les passages suivants :
Ps 27, 5 : Car il m’enfouit dans un abri au jour de malheur; il me cache au secret de sa tente, il m’élève sur le roc.
Ps 41, 2 : Heureux qui discerne le faible [22]: au jour du malheur, Le Seigneur le sauvera.
Qo 12, 1 : Et souviens-toi de ton Créateur aux jours de ta jeunesse, avant que viennent les jours mauvais et qu’arrivent les années dont tu diras: « je ne les aime pas ».
Ep 6, 13 : C’est pour cela qu’il vous faut endosser l’armure de Dieu, afin qu’au jour mauvais vous puissiez résister et, après avoir tout mis en oeuvre, rester fermes.
Certains de mes contradicteurs m’ont fait grief, en termes ironiques, voire agressifs, de la profusion de citations de l’Écriture, dont qui, selon eux, « peuplent » mes écrits, « ad nauseam ».
L’Écriture, génératrice de nausée… Quel blasphème ! Alors qu’elle est, au contraire, une source de vie (cf. Si 45, 5). Jérémie a dénoncé par avance ce propos quand il écrit :
Jr 6, 10 : Voici que la parole du Seigneur est pour eux un objet de mépris, ils ne l’aiment pas [23].
Pourtant, outre le fait que c’est par l’Écriture que le Seigneur guide et éclaire, quand il l’estime nécessaire, celles et ceux qui Le cherchent de tout leur coeur, en leur donnant une certaine intelligence de Son dessein, tel qu’il s’y révèle [24], c’est à son aune seule que chacun pourra discerner les « signes des temps » (cf. Mt 16, 3), en général, et ceux de notre époque, en particulier.
- Le passage parallèle de Luc 22, 32 ne permet pas le moindre doute sur l’authenticité de ce logion. ↵
- J’ignore si les éditions les plus récentes de cette bible ont maintenu ce commentaire. ↵
- Outre le caractère substitutionniste de cette remarque, je note au passage, sans m’y attarder, que, comme beaucoup de commentateurs catholiques, l’auteur de cette note ne doute pas un instant que le récit matthéen concerne la « fin du monde », ce qui ne doit pas étonner chez des biblistes et des théologiens qui ne croient pas au Royaume du Christ sur la terre. J’ai traité de cette problématique dans plusieurs de mes écrits ; voir, entre autres : « Le Royaume de Dieu : au ciel ou sur la terre ? » ; « "Ce monde"/"l’au-delà", ou "patrie céleste" : La 'spiritualisation' du Royaume de Dieu » ; etc.. ↵
- Je ne m’attarderai pas non plus sur le caractère ‘substitutionniste’ de ce développement. Sur la ‘substitution’ au sens théologique du terme, voir la note 18, ci-dessus. ↵
- Il ne sera pas inutile de citer les textes parallèles suivants : Mc 9, 13 : « Mais je vous dis qu’Élie est venu aussi et ils lui ont fait ce qu’ils ont voulu, comme il est écrit de lui. » ; Lc 1, 17 : « Il marchera devant Lui avec l'esprit et la puissance d'Élie, pour ramener le coeur des pères vers les enfants et les rebelles à l’intelligence des justes, préparant au Seigneur un peuple bien disposé. ». ↵
- J’ai consacré une recherche relativement approfondie à l’étude de cette difficile question ; voir « Jean le Baptiste était-il Élie ? - Examen de la tradition néotestamentaire ». ↵
- On trouvera, dans Wikipédia, quelques notions élémentaires sur ce sujet difficile, tant concernant le Judaïsme, que concernant le christianisme. ↵
- Rappel : sur ce concept, voir, plus haut, note 53. ↵
- Sur la difficulté que présente la traduction de ce verset, voir, plus haut, note 16. ↵
- Lc 22, 36 ; voir ci-dessus « 2. L’aporie de l’appel aux armes par Jésus, à Gethsémani ». ↵
- Littéralement, « qui n’ont pas entendu, écouté, prêté attention ». Selon ma conception, cet oracle constitue l’arrière-fond de la parole de Paul : « Dieu a enfermé tous les hommes dans la désobéissance pour [de manière à] faire à tous miséricorde. » (Rm 11, 32). ↵
- J’ai traité en détail de cet épisode complexe, plus haut, p. 13 : « La notion d’"intrication prophétique des Écritures". Sens de l’épisode des prosélytes grecs qui voulaient voir Jésus ». ↵
- Ce Josué, fils de Jocedec (515-490), est un des prêtres revenus de l’exil de Babylone avec Néhémie. Nous ignorons tout des circonstances de son accession à la grand-prêtrise. ↵
- La traduction adoptée ici ne fera pas, tant s’en faut, l’unanimité des spécialistes. Elle semble toutefois préférable à celle qui lit : « Et voici quelle sera mon Alliance avec eux, lorsque j’enlèverai leurs péchés ». La syntaxe de l’original grec autorise les deux traductions, si bien qu’on ne peut reprocher à l’interprète de choisir celle qui lui semble la plus adéquate. Pour ma part, j’ai opté pour celle qui me semble rendre compte au mieux du propos global de Paul concernant le retour en grâce du Peuple juif. ↵
- Cet exposé reprend, verbatim, ce que j’ai écrit dans mon article intitulé « Refus chrétien de la pérennité de la vocation spécifique du peuple juif », page 3-4 du pdf en ligne. ↵
- À propos des endeuillés de Sion, voir, entre autres, « La destruction de Jérusalem dans la Tradition juive ». ↵
- Allusion prophétique à la nuée qui accompagnera alors Israël, comme lors de sa sortie d’Égypte (cf. Ex 13, 21-22). ↵
- En 1967, j’ai bénéficié d’une vision au cours de laquelle Dieu m’a fait entrer mystiquement dans la contemplation de Son dessein, tel qu’il s’exprime de manière mystérieuse dans les Écritures. J’ai fait le récit de cette grâce dans mon livre Confession d’un fol en Dieu, op. cit., « Troisième Visitation : Un déferlement scripturaire », p. 42-55, et p. 28-39 du pdf en ligne sur le site Academia.edu. ↵
- Je joue sur les mots par allusion au livre éponyme de Julien Benda. Je précise qu’il s’agit ici d’une analogie. Les ‘clercs’ que j’évoque sont les théologiens et spécialistes dont les sciences humaines sont devenues le nouvel évangile, dont ils font un usage délétère aux dépens de la foi, allant jusqu’à « renier le Maître qui les a rachetés » (cf. 2 P 2, 1). (Dieu merci, ce n’est pas le cas de tous). ↵
- Ou ‘égareur’, cf. Ap 12, 9 ; 20, 10. ↵
- Traduction difficile. On peut comprendre qu’en refusant de croire à l’inéluctabilité de la catastrophe, et donc en ne se convertissant pas, le peuple en précipite la venue. ↵
- En hébreu, maskil el-dal. Ce verbe, de la racine SKL, connote l’acte de faire preuve d’intelligence et de discernement (voir, par ex. : 1 S 18, 14s. ; Jb 22, 2 ; Ps 14, 2; 32, 1 ; 41, 2 ; 42, 1 ; 44, 1 ; 45, 1 ; 47, 8 ; 52, 1 ; 53, 1.3 ; 54, 1 ; 55, 1 ; 74, 1 ; 78, 1 ; 88, 1 ; 89, 1 ; 142, 1 ; Pr 10, 5.19 ; 14, 35 ; 16, 20 ; 17, 2 ; 21, 12). Au hiphil, il a aussi le sens de faire comprendre, donner l’intelligence : c’est le cas des maskilim, dans le Livre de Daniel : Dn 11, 33 ; 12, 10. ↵
- On peut également traduire : ‘ils ne la désirent pas’, ‘ils n’en ont pas envie’. ↵
- Voir plus haut : note 84. ↵