1. Recension et critique de l’ouvrage, par Russ Resnik
Texte original anglais « Chosen ? An expanded review », 28 janvier 2016.
Traduction française : Menahem R. Macina
Ci-après, une version élargie et mise à jour de ma recension du 23 janvier, que j’utilise avec l’autorisation de Kesher: A Journal of Messianic Judaism, dans le prochain numéro duquel elle paraîtra. Je remercie tout particulièrement Yahnatan Lasko Kesher, le rédacteur en charge des recensions.
Élu? Lire la Bible au milieu du conflit israélo-palestinien, par Walter Brueggemann
Dès que j’ai appris que Walter Brueggemann avait écrit un livre s’opposant au sionisme et remettant en question la revendication de l’Israël moderne sur la terre d’Israël, j’ai été troublé. Brueggemann est un érudit chrétien exceptionnel de l’Ancien Testament et une voix très crédible. Après avoir lu le livre, cependant, j’étais un peu soulagé, car c’est une oeuvre plutôt légère qui fait preuve d’une certaine méconnaissance du conflit israélo-palestinien qui se reflète dans son sous-titre. Bien sûr, la réputation bien méritée de Brueggemann va donner du poids à son ouvrage, et le guide d’étude qu’il contient favorisera son utilisation par les églises et les groupes d’étude biblique, de sorte qu’il constituera sûrement un facteur de la formation des attitudes chrétiennes envers Israël. Pour cette raison, il doit être pris au sérieux.
Brueggemann ouvre son texte par une déclaration de « reconnaissance pour la fondation de l’État d’Israël et l’obtention d’une patrie juive ». Mais, dit-il, son enthousiasme pour Israël a été assombri par le développement de la puissance militaire d’Israël et par la permanence de son « contrôle administratif et militaire des territoires palestiniens » [1]. Il estime que ces conditions exigent une révision de l’ensemble de la problématique de l’Israël moderne et de sa revendication de la terre. Sa remise en question conduit à la conclusion que le sionisme a transformé la faveur de Dieu à l’égard Israël et sa promesse d’une terre en une « idéologie intraitable [2] ». Mais pour parvenir à cette conclusion, Brueggemann semble avoir développé lui-même une idéologie assez intraitable.
Dès le début, affirme Brueggemann, « Israël est présenté dans la Bible hébraïque comme le peuple élu de Dieu. C’est une déclaration essentielle du texte et à coup sûr une affirmation permanente du judaïsme. Sans cette affirmation en effet, la Bible n’a pas de sens [3] ». Mais avant cette remarque salutaire, Brueggemann écrit dans ses Remerciements, que son étude a été influencée par les travaux de Naim Ateek et du Centre œcuménique de la Théologie de la Libération de Jérusalem. Ateek refuse toute pertinence non seulement aux promesses de la terre faites à Israël, mais aussi à la « déclaration essentielle » [faisant d’] Israël un peuple élu de Dieu :
À la lumière de leur réalisation universelle dans le Christ, les promesses réduites de l’Ancien Testament concernant la terre revêtent un sens très transitoire et conditionnel. Elles sont limitées dans le temps et, en raison de leur accomplissement dans le Christ, elles deviennent théologiquement obsolètes […] Il y a beaucoup de matériau sioniste dans l’Ancien Testament où la terre fait l’objet d’une revendication exclusive et où lequel le peuple juif est glorifié et placé au-dessus des autres, tandis que les non-Juifs sont méprisés. Le Nouveau Testament fait voler en éclats cette exclusivité en toute occasion [4].
Brueggemann apporte une solide réfutation à ce type de substitutionnisme.
La conception selon laquelle le christianisme a dépossédé le judaïsme en tant que foi des élus est enracinée dans l’idée que le judaïsme était une préparation du christianisme, et que quand Jésus est venu, le judaïsme n’avait plus d’efficacité. Une telle croyance est une absurdité historique et un scandale théologique, mais il a constitué une idée populaire [5].
Comble d’ironie, Brueggemann ne semble pas dérangé de recevoir des leçons sur le conflit israélo-palestinien de cet avocat déclaré de cette conception, qu’est Naim Ateek.
L’un des résultats de cette influence est que Brueggemann dépeint un sionisme qui ne représente pas tant la réalité historique du mouvement que l’épouvantail du ‘narratif’ palestinien. Son sioniste est un épouvantail, créé de toutes pièces et bourré d’expressions contemporaines extrêmes du mouvement. Ainsi, par exemple, « le recours sioniste dominant aux promesses de la terre continue de s’en tenir de manière intransigeante à la revendication exclusiviste selon laquelle que toute la terre appartient à Israël et que l’autre, inacceptable, doit être exclu, soit par la loi soit par la coercition violente […] Et les sionistes israéliens veulent à coup sûr que les Palestiniens s’en aillent. [6]»
Pour être équitable envers Brueggemann, il précise, ici, qu’il prend pour cible la forme « dominante » du sionisme, ou en d’autres occasions, les politiques sionistes de l’Israël d’aujourd’hui. Mais il semble être peu au courant de la version historique plus large du sionisme qui est parvenue à « fonder l’État d’Israël et à obtenir une patrie juive », et qui a explicitement déclaré vouloir vivre en paix avec ses voisins arabes, y compris ceux qui se trouvent à l’intérieur des frontières d’Israël. En effet, le livre de Brueggemann ne mentionne jamais les Arabes israéliens, qui jouissent de droits et d’opportunités sans précédent dans la plupart des autres minorités au Moyen-Orient. Il ne s’agit pas de nier que les citoyens arabes d’Israël sont parfois confrontés à la discrimination et à l’inégalité, mais on est très loin de la violence exclusiviste que Brueggemann attribue au sionisme.
Cette vision déformée du sionisme amène Brueggemann à décrire le grand philosophe juif Martin Buber comme « non ami du sionisme », parce qu’il a regardé au-delà de la promesse d’une terre vers l’objectif d’« une véritable communauté de tous les hommes [7].» Un lecteur attentif pourrait être intrigué par l’affirmation de Brueggemann selon laquelle Buber était pas ami du sionisme: en réalité, non seulement Buber fut l’un des fondateurs de l’Université hébraïque et habita à Jérusalem durant de nombreuses années, mais il a fait sienne la croyance sioniste en la restauration d’une patrie juive en Eretz Israel [terre d’Israël]. Il a vécu sur cette croyance, en dépit de ses réserves à propos d’un État juif moderne, laïque [8]. Le type de sionisme de Buber, bien que rare, n’est pas sans héritiers au 21e siècle. Mais Brueggemann est si étroitement focalisé sur son épouvantail sioniste qu’il ignore largement toute autre version.
Autre preuve de sa dépendance excessive du ‘narratif’ palestinien : l’absence générale de références dans son livre. Par exemple, Brueggemann prétend que la guerre de 1967 a produit un « sionisme durci qui combinait une aspiration désespérée avec une idéologie intransigeante qui a soutenu l’État d’Israël et sa sécurité à tout prix contre tous les nouveaux venus. [9]» L’expression « un sionisme durci », suggère qu’il pouvait y avoir eu une version plus douce, comme celle que Buber a adoptée. Mais si Brueggemann fait allusion à quelque chose qui va plus loin que son épouvantail, sa critique demeure ici radicalement rude. Les lecteurs seraient en droit d’attendre des citations qui étayent ses affirmations-clés, sans parler de quelque référence à l’intransigeance des ennemis arabes d’Israël, avec leurs trois infâmes « Non » après la défaite de 1967 [Résolution de Khartoum]: « Pas de paix avec Israël, pas de reconnaissance d’Israël, et pas de négociations avec Israël » [10]. En tant que spécialiste de la Bible, Brueggemann est sensible au contexte et aux nuances, mais en tant qu’étudiant des affaires du monde, il semble se contenter d’une perspective simpliste et idéologiquement définie.
En lisant « Élu ? » Je me sentais un peu comme quand j’écoute un acteur ou toute autre célébrité commenter les affaires politiques. Je peux respecter l’acteur et même reconnaître son génie à l’écran, mais le trouver incompétent quand il discourt de questions politiques. Je respecte et admire Brueggemann en tant que spécialiste de la Bible, mais il semble ne pas savoir grand-chose de l’Israël moderne ou de l’histoire du sionisme. Il exprime une critique acerbe de la théorie de la substitution mais il semble ignorer le substitutionisme radical de certains de ses alliés idéologiques, et son impact sur l’antisionisme aujourd’hui.
Néanmoins, Brueggemann a raison de mettre en garde contre une posture dogmatique non critique envers Israël. Une grande partie de sa critique semble davantage dirigée contre le gouvernement actuel en Israël et les tendances actuelles du sionisme chrétien, que contre Israël et le sionisme en tant que tels, et c’est une faiblesse du livre que de ne pas parvenir à faire cette distinction. On peut critiquer les tendances et les politiques sans chercher à disqualifier Israël. Pour moi, la question décisive est de savoir si l’on reconnaît explicitement la légitimité de l’État actuel d’Israël. Quiconque est dans ce cas de figure peut légitimement s’opposer des points spécifiques de la politique israélienne, avoir souhaité que Netanyahu perde les dernières élections, défendre les droits des minorités religieuses en Israël (tels ceux des Juifs messianiques), même si ces droits sont meilleurs en Israël que presque partout ailleurs, etc.
Brueggeman formule une autre remarque importante : « La terre est donnée à Israël sans condition, mais il la conserve sous condition » [11]. J’ai fait une remarque similaire dans les négociations en utilisant sur le mode allitératif l’expression « Promesse et Possession » La promesse de la terre à Israël est inconditionnelle et infrangible, mais la possession de la terre par Israël dépend de l’obéissance aux instructions de Dieu. Brueggemann considère Deutéronome 28, avec sa « longue énumération des bénédictions et les malédictions » comme la « pierre angulaire » de l’énoncé des conditions pour la possession de la terre. Une lecture attentive du texte lui-même, cependant, suggère que la véritable pierre angulaire se trouve dans Deutéronome 30, 1-10. Deutéronome 28 est encadré par deux phrases d’introduction, V’haya im – Et il en sera, si… – [12]. Le premier, au verset 1, introduit les bénédictions qui suivront si Israël obéit à tout ce que le Seigneur commande ; le second, au verset 15, dresse la liste, beaucoup plus longue, de malédictions qui suivront, si Israël n’obéit pas. « La pierre angulaire » de Brueggeman se termine par le retour d’Israël en Egypte comme esclaves. Deutéronome 30, 1-10 inverse cette issue tragique. Il s’ouvre avec V’haya ki – Et il en sera, quand [13] – et il se poursuit par la description de d’Israël exilé revenant à Hachem, le Dieu d’Israël, et le retour de Hachem à Israël. Le traducteur Robert Alter commente : « Les bénédictions et les malédictions, présentées au chapitre 28 comme des alternatives entre lesquelles Israël doit choisir par ses actes futures, ont lieu ici [au chapitre 30] comme une séquence historique : d’abord la malédiction de l’exil, puis la bénédiction de la restauration. [14]»
Brueggemann souligne l’aspect conditionnel des promesses de Dieu et le fait qu’Israël échoue à remplir ces conditions. Il tend à voir les promesses inconditionnelles et conditionnelles comme deux courants dans le texte, qui proviennent de différentes sources, qui coexistent en tension mutuelle. Soutenir « l’État d’Israël comme l’incarnation présente de la terre promise […] ne tient pas compte du si du Deutéronome [indiquant] que la terre est détenue sous condition » [15]. Deutéronome 30, 1-10, cependant, résout cette tension avec une vision d’Israël et de Dieu revenant l’un à l’autre [16]. En effet, le terme hébraïque im, habituellement traduit par « si » apparaît une seule fois dans ce passage, non pour introduire une condition de restauration, mais pour réaffirmer la certitude de la restauration : « Si tu es banni à l’extrémité des cieux / de là même Hachem ton Dieu te rassemblera » [17]. Bien que les conséquences de la désobéissance soient tout à fait réelles, elles ne nullifient pas la relation d’alliance inconditionnelle entre Hachem et Israël. Même l’exil, l’éloignement de la terre promise, se produit à l’intérieur de cette relation d’alliance et n’annule pas la promesse divine de la terre à Israël.
La promesse de la terre est en cours d’accomplissement à notre époque, et le peuple juif est appelé à prendre part à ce processus en obéissant à Hashem et à sa parole. Ceux qui veulent défendre la revendication territoriale d’Israël avec les mots de la Torah doivent se souvenir également des exigences éthiques de la Torah, et reconnaître à quel point l’État d’Israël est une œuvre inachevée. Malgré la rhétorique de Brueggeman et l’antisionisme plus grossier de Naim Ateek, le retour promis en Deutéronome 30 est encore pertinent aujourd’hui, c’est un facteur essentiel de la restauration en cours d’Israël dans le pays – une restauration qui contribue à frayer la voie à une restauration plus vaste à venir.
© Rabbi Russ Reznik
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II. Recension du livre de W. Brueggemann et réponse à l’auteur, par Kathleen J. Rusnak
Texte original anglais, sur le blog de l’auteure.
Traduction française : Menahem R. Macina.
Un professeur renommé d’Ancien Testament, qui écrit un livre de cinquante-trois pages intitulé « Élu ? », assorti d’un guide d’étude pour des groupes d’églises, veut, à l’évidence, que les Chrétiens sachent quelque chose de très important sur les Juifs dans le conflit israélo-palestinien. Quoi donc ? Et pourquoi ?
Je dis « à propos des Juifs » parce que Brueggemann ne parle pas des Palestiniens, sauf pour dire qu’ils sont victimes de l’injustice et des violations de leurs droits humains par Israël. Son but est d’enseigner au lecteur chrétien que l’Écriture juive a tant de voix et de vues ambivalentes, qu’une lecture littérale de l’élection du peuple juif et de la promesse divine de la terre ne peut pas être utilisée pour donner à l’État d’Israël un « chèque en blanc » pour son mauvais traitement des Palestiniens, son accaparement exclusif du pays, dans le but d’exclure tous les Palestiniens.
Avant de faire d’autres commentaires sur le livre, et seulement pour être clair, je précise que j’ai plusieurs livres de Brueggemann dans ma bibliothèque, comme c’est le cas de nombreux membres du clergé du courant majoritaire. Ses écrits sont populaires, pénétrants, bien écrits, parfois pastoraux, et ils ont formé et influencé beaucoup d’entre nous aux Écritures hébraïques. Tel est précisément le cas ! Et son espoir ! Le fidèle lecteur qui fait confiance à Brueggemann, sera-t-il influencé par cet écrit tout récent et qui sera peut-être le dernier de ce savant de 81 ans ? Je crois que c’est ce qu’espèrent Brueggemann et ses deux mentors envers qui il reconnaît sa dette dans la rédaction de ce livre – le citoyen arabe israélien, hostile à Israël et membre du clergé chrétien, le chanoine Naïm Ateek, et l’activiste juif anti-israélien Mark Braverman. Je peux les voir se congratuler d’un tope-là pour la grosse prise qu’ils ont réalisée : La voix qualifiée, forte et influente. Brueggemann !
Tandis que Brueggemann fait valoir que la Bible peut être utilisée pour prouver n’importe quel point de vue, il s’emploie à utiliser ce facteur pour proclamer, en trois chapitres, trois vérités qu’il veut que ses lecteurs chrétiens connaissent: premièrement, que les Juifs ne sont pas choisis, deuxièmement que la terre n’est pas leur terre, et troisièmement, que l’Israël moderne n’est pas l’Israël biblique.
Pour plus de détails, il commence ce bref document en illustrant, dans le premier chapitre, les voix diverses et ambivalentes de l’Écriture juive. Il recourt à la méthode historico-critique, largement reçue, pour montrer comment les rédacteurs de la Bible ont réécrit le passé pour donner leur interprétation de la réalité de leur époque. Il commence par ce qui a trait à la promesse de la terre, sa conquête (par Josué, comme nous le verrons plus loin), sa perte et sa restauration. C’est, fait remarquer Brueggemann, au cours de cette période de restauration, au retour de l’exil, que « […] la grande tradition de la promesse de la terre et de la réception de terre a reçu sa forme biblique finale, durant cette période critique », et lui a donné « la légitimité […] au moment de la restauration » (p. 3). Chose troublante : Brueggemann utilise intentionnellement le mot « légitimité », et le lie ensuite au retour dans le pays, une expression aujourd’hui très sensible et insidieuse pour remettre en cause le droit d’Israël à revenir sur cette terre, son droit à exister.
Lorsque Brueggemann affirme, dans le chapitre un, que « L’État contemporain d’Israël se réfère à la Bible à propos de la terre, de manière simple et directe, que la terre promise a été donnée d’emblée et sans condition à Israël, et donc à la communauté subséquente des Juifs » (p. 2), il suggère qu’Israël considère que toute la terre est sienne et appartient exclusivement au peuple juif. Il donne ensuite un bref aperçu de ce qu’il appelle la tension continue entre l’exclusivisme d’Esdras et l’attitude accueillante du Deutéronome concernant l’« autre » dans le pays: « Dans l’État actuel d’Israël, avec ses politiques sionistes, l’exclusion de l’autre (aujourd’hui, les Palestiniens) est un motif dominant » (p. 6-7). Je terminerai avec des remarques à propos de cette allégation.
Le chapitre deux reprend son précédent argument contre l’élection du peuple juif. Les Juifs sont-ils élus ? Il répond catégoriquement : oui, mais ajoute que ce statut est « arbitraire », et sans rien qui soit « identifiable à propos d’Israël, et qui évoquerait cette décision et ce statut » (p. 16-17). Il affirme que l’utilisation par Dieu du mot « amour », à l’égard d’Israël, est « rhétorique », et qu’il vise à montrer que « Dieu est frappé avec Israël » (p. 17 !). Et même ainsi, dit-il, l’élection est aussi révocable, car c’est un statut conditionnel, qui dépend de l’obéissance d’Israël à ce qu’exige la Torah en matière de justice et de la sainteté. Il veut même que nous sachions que, « pour un temps », même « Dieu avait abandonné Israël » (p. 18) Il continue en parlant de gens qui ont également prétendu être choisis par Dieu : les Chrétiens, les États-Unis et les pauvres ». On peut l’entendre dire « Ce n’est pas juste », « Ne constituons-nous pas tous quelque chose de spécial pour Dieu ? » Puis, il demande ce que cela fait de « n’être pas choisi », et comment les Palestiniens ressentent l’élection juive.
Pour ce qui est de la terre, Brueggemann suggère que Dieu n’a pas eu l’occasion de donner aux Hébreux le pays qu’il a promis, et qu’il est significatif que la promesse n’était qu’« envisagée », mais pas encore donnée dans les cinq livres de la Torah (p. 30). Par contre, dit-il, Josué a pris la terre d’un autre peuple par la force, et a lié « la victoire d’Israël aux promesses antécédentes de la terre […] accomplies, mais seulement grâce à l’action vigoureuse d’Israël » (p. 32). Cette affirmation oblige à poser la question de la manière dont les promesses de Dieu, quelles qu’elles soient, ou le Royaume de Dieu dans la théologie chrétienne, deviendront des réalités ? Comment Brueggemann envisage-t-il que Dieu donne la terre aux Hébreux ?
La promesse de la terre est conditionnée par l’adhésion à l’alliance, affirme Brueggemann. « Ainsi, la terre est donnée, la terre est ôtée, la terre est perdable », et tout comme les prophètes ont averti, Israël a perdu la terre et a été exilé. Brueggemann suggère que ce modèle « promis, ôté, perdu » est sur le point de se répéter avec Israël. Dans le guide d’étude, il pose une question tendancieuse après avoir rappelé à son lecteur que Joshua savait qu’il avait pris la terre d’un autre peuple par la force: « En quoi le conflit moderne entre Israël et les Palestiniens est-il semblable au récit biblique ancien ? » (p. 80). Suit alors ce qui constitue, je crois, une question audacieuse posée aux Chrétiens : « La terre et la promesse de la terre sont-elles vraiment indispensables à l’existence du judaïsme ? » Il sait que les Chrétiens ne croient pas que quoi que ce soit dans le monde physique soit essentiel pour rendre un culte à Dieu, pourtant, il n’enseigne pas à son lecteur chrétien la signification ou l’importance de la terre dans la pensée juive, ni son lien avec la compréhension qu’ont les Juifs de l’alliance. Quel est, Une fois de plus, quel est son message implicite à son lecteur chrétien à propos du Judaïsme et de l’État d’Israël ?
Chose très inquiétante : Brueggemann prétend alors qu’il n’y a pas de lien entre l’ancien Israël et Israël moderne, parce qu’« il y a une différence déterminante entre un peuple de l’alliance et un État qui repose sur la puissance militaire sans référence aux contraintes de l’alliance » (p. 48). À nouveau, cette déclaration n’est pas accompagnée de la formulation d’alliance de responsabilité et de devoir, qui figure dans la Déclaration d’Indépendance d’Israël de 1948, et encore, il n’enseigne pas à son lecteur chrétien le sens et la signification de l’alliance dans la pensée juive. En ce qui concerne le concept d’alliance, il n’enseigne pas l’affirmation chrétienne d’après l’Holocauste, selon laquelle l’alliance entre Dieu et Israël est toujours une alliance vivante et vitale (Romains 11, 16-18) ; une affirmation que la Chrétienté n’a pas formulée pendant dix-neuf siècles. Cette affirmation aurait dû s’accompagnée de l’humble reconnaissance que Dieu agit toujours avec et par le peuple juif, et donc Israël, dans le monde d’aujourd’hui, « sans consultation préalable avec nous, Chrétiens ».
Une autre partie essentielle manque : alors que Brueggemann parle des Juifs, d’Israël et de la Bible juive, il ne permet jamais à son lecteur de connaître la relation unique et contraignante que les Chrétiens et les Juifs ont entre eux. De nouvelles recherches ont montré que les deux religions sont filles de la Bible juive et du Judaïsme du Second Temple (dans lequel le mouvement juif de Jésus est né), et que les deux ont grandi et se sont développées côte à côte en tant que mouvements juifs jusqu’à ce qu’ils finissent par devenir le Judaïsme rabbinique et le Christianisme d’aujourd’hui.
C’est là une omission importante parce que tout discours tenu par des Chrétiens sur le conflit israélo-palestinien impliquerait alors une double loyauté : envers Israël et envers les Chrétiens palestiniens. Oui, l’Église a une longue et profonde relation avec les Arabes du Moyen-Orient, en raison de l’activité missionnaire, mais elle a aussi une relation éternelle contraignante avec Israël. Nous avons foi dans le même Dieu, nous utilisons le même langage théologique, et bien plus encore.
Certaines grandes congrégations chrétiennes majoritaires affirment qu’elles aspirent à la justice pour les Israéliens et les Palestiniens, alors que, dans le même temps, elles admettent que leur relation fondamentale est avec les Chrétiens palestiniens. Ma dénomination religieuse, l’ELCA, déclare : « La première compagne de notre église en Terre Sainte est l’Église évangélique luthérienne de Jordanie et de Terre Sainte (ECLJHL). Cette communauté arabophone de fidèles luthériens est la relation primordiale à travers laquelle l’ELCA voit la situation en Palestine et en Israël » (c’est moi qui souligne) (https://www.elca.org/Our-Work/Publicity-Engaged-Church/Peace-Not-Walls [NdT : lien inactif]). Après cet aveu, comment l’église peut-elle dire aussi : « L’ELCA oeuvre à la justice et à la paix en Palestine et en Israël par l’intermédiaire de notre campagne. » ? Un point de vue unilatéral peut-il chercher la justice ?
Il ne suffit pas que Brueggemann dise, en une phrase ou deux sur tout un livre, qu’il est heureux qu’Israël ait un état, et que les Juifs ont besoin de défense après l’Holocauste. Il doit dire quelque chose à propos de l’alliance permanente de Dieu avec Israël, et de la relation unique et contraignante entre Chrétiens et Juifs
Le dernier point que je voudrais aborder, est l’utilisation par Brueggemann de l’expression « situation sur le terrain », comme preuve de l’injustice d’Israël à l’égard des Palestiniens. C’est une expression largement utilisée par ses mentors, Ateek et Braverman, et que Brueggemann s’est appropriée.
La vérité est que la « situation sur le terrain » ne dit rien de leur cause. Les pèlerinages chrétiens en Cisjordanie, sur le thème « Venez et voyez » [voir l’Annexe 4], proposés par Sabeel (l’organisation d’Ateek) vous invitent tout simplement à voir cette situation, mais vous demandent de croire les récits sur ce que vous voyez, de la bouche de ceux qui vous ont invités. On ignore si Brueggemann a visité la Cisjordanie et constaté par lui-même la situation à laquelle il se réfère, ou s’il se fonde sur le témoignage de son mentor.
En tout cas, permettez-moi de de vous faire part de deux histoires qui sont à l’arrière-plan de deux « situations » visibles, qui font littéralement « grincer les dents » de certains membres du clergé chrétien avec un dégoût réprobateur quand ils entendent le mot Israël ; ces « situations » sont celles de la barrière de sécurité et des barils d’eau, peints en noir sur les toits des maisons palestiniennes.
Un guide juif israélien d’une ONG de Jérusalem, dont l’organisation utilise des moyens légaux pour aider les Palestiniens, m’a conduit, avec d’autres, jusqu’à la portion bétonnée de la barrière de sécurité, parfois appelée « le mur ». Il a regardé ce mur et a demandé: « Ce mur devrait-il tomber ? » Il a haussé les épaules et dit : « Il sauve des vies juives ! » La barrière de sécurité est la conséquence de l’assassinat, par des terroristes-suicide, de plus d’un millier d’Israéliens, dans les restaurants, les autobus, les discothèques et ailleurs en Israël, par les Palestiniens lors de la deuxième Intifada. Puis il a demandé: « Cela rend-il la vie difficile pour les Palestiniens? » Et de répondre lui-même simplement: « Oui ». Puis il a ajouté: « Nous allons en justice pour leur obtenir plus de passages libres et essayer de soulager leur souffrance ». Et Il a continué à nous parler de ce travail.
La seconde histoire est venue, alors que nous dépassions un village palestinien avec des barils d’eau, peints en noir, sur leurs toits, à Jérusalem-est. J’ai entendu à plusieurs reprises le clergé chrétien affirmer que ces barils sont une preuve du refus d’Israël de donner l’eau courante aux Palestiniens. Notre guide a dit : « Vous voyez ces barils d’eau sur les toits ? Tout ce qu’ils doivent faire [pour avoir l’eau courante] c’est de participer aux élections pour être représentés. Mais ils refusent de voter parce que ce serait « normaliser » les relations avec Israël, ce qui, selon les dirigeants palestiniens, équivaut à une trahison. Ils sont soumis à une forte pression. Aussi ne disposent- ils pas des avantages qu’ils pourraient avoir. En outre, ils ne veulent pas payer d’impôts, ce qui est nécessaire pour obtenir l’eau courante. Malheureusement, dans ce cas, il n’y a rien que notre organisation puisse faire pour les aider. C’est leur choix. » À nouveau il a haussé les épaules, et nous avons poursuivi notre trajet.
Les pèlerinages chrétiens sur le thème « Venez et voyez », ont pour but de montrer que c’est la « situation sur le terrain » qui cause la souffrance palestinienne, mais ils n’indiquent pas de manière convaincante que cette souffrance est causée par Israël, ou par l’occupation, même si l’on impute à l’une et à l’autre la responsabilité de tout ce qui va mal chez les Palestiniens.
La « situation sur le terrain » réduit aussi à néant les allégations de Brueggemann selon lesquelles Israël veut pour lui toute la terre promise et que tous les Palestiniens soient expulsés de cette terre. Cela peut être vrai pour une très petite minorité de Juifs en Israël. Cependant, la Déclaration d’Indépendance d’Israël affirme clairement qu’Israël veut vivre en paix avec ses voisins. Israël a également accepté le plan de partition voté par l’ONU – avec beaucoup moins de terre que ce qui est mentionné dans la Bible – acceptant volontiers de partager la terre entre Israël et un État palestinien. Brueggemann omet de dire à son lecteur qu’Israël est un État juif et une démocratie avec vingt pour cent de population arabe ; que les Palestiniens jouissent de l’égalité des droits ; qu’ils occupent des fonctions de maires, de juges, et siègent à la Knesset [Parlement israélien]. La discrimination est un problème dans toute démocratie, et tout comme l’Amérique lutte encore pour être à la hauteur de ses idéaux démocratiques d’égalité pour tous, après plus de deux cents ans d’existence, Israël se bat pour la même chose, après plus de 65 années d’existence. Israël n’a pas l’intention d’expulser ses citoyens arabes, ni de s’approprier tout le pays de la promesse biblique.
On se demande pourquoi Brueggemann n’informe pas ses lecteurs qu’Israël a offert tant à Arafat (en 2000) qu’à Abbas (en 2008) un État palestinien indépendant. L’un et l’autre ont refusé sans émettre des contre-propositions. C’étaient des offres importantes d’un État palestinien viable et indépendant. Brueggemann ne fournit pas non plus à ses lecteurs des statistiques, pourtant aisément disponibles, de la croissance de la population palestinienne à l’intérieur d’Israël et dans les territoires contestés, depuis 1948. Ces populations ont continué de croître, infirmant les accusations d’aspirations israéliennes à l’exclusivité sur tout le pays.
On se demande si des accusations aussi injustifiées ne sont pas de simples projections. Le Hamas affirme clairement qu’il ne veut pas d’une solution à deux États, mais que tout le pays soit pour les Arabes excusivement. En 2000, Arafat a rejeté l’offre d’un État que lui faisait Ehud Barak, en disant: « Il n’y a jamais eu de Temple juif », sachant que l’admettre signifierait qu’Israël a un droit légitime d’exister dans le pays. Est-ce Israël qui ne veut pas vivre avec les Arabes pour voisins, ou l’inverse ? Les lecteurs chrétiens doivent se poser la question, et vérifier.
En résumé, j’ai le sentiment que Brueggemann a été pris en otage par ses mentors qui l’ont réellement influencé pour qu’il prêche aux chrétiens occidentaux leur message sur les Juifs, le Judaïsme et Israël.
L’écriture de Brueggemann est séduisante pour qui suit en confiance un spécialiste de la Bible « lequel doit savoir de quoi il parle », et pour tout lecteur chrétien qui peut ne pas être au courant des 2000 ans d’histoire d’un antijudaïsme chrétien qui a infiltré tous les aspects du Christianisme, de son enseignement, de sa prédication, de son interprétation des Écritures, de sa liturgie, des politiques de l’église, et ainsi de suite. C’est en cela que réside le danger pour Israël, un danger dont Ateek et Braverman se délectent.
Alors, quel but poursuit Brueggemann en écrivant ce livre ? Quel qu’il soit, il est aussi dans la ligne des nombreux écrits théologiques et bibliques chrétiens multiséculaires sur les Juifs et le Judaïsme, (auxquels s’ajoute maintenant l’État d’Israël) rédigés par des théologiens de renom qui se focalisent sur les Juifs comme étant le problème, et se servent de l’Écriture juive pour présenter les Juifs sous un jour défavorable. Quel bien peut sortir de son livre ? Mais peut-être le bien n’est-il pas son but ?
Dans cent ans, ou toutes les fois où « la situation sur le terrain » en Israël et dans les territoires disputés sera découverte dans sa réalité à la lumière de l’histoire, comment Brueggemann sera-t-il considéré par les historiens de l’Église ? Tel est l’héritage dont il veut prendre le risque.
© Kathleen J. Rusnak
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III. En délégitimant l’‘exclusivisme’ d’Israël, le savant bibliste Walter Brueggemann se retourne contre Israël, Mark D. Tooley
Article paru, en anglais, le 31 janvier 2010, sur le site de FrontPage Magazine.
Traduction française (juin 2016): Menahem Macina.
Dans un nouveau livre de l’activiste anti-israélien Mark Braverman, le spécialiste bien connu de l’Ancien Testament, Walter Brueggemann, désigne l’« exceptionnalisme » juif comme étant la « racine du problème » dans le conflit du Moyen-Orient. Il s’en explique dans son avant-propos au livre Fatal Embrace: Christians, Jews and the Search for Peace in the Holy Land :
« La revendication d’exceptionnalisme – communément invoquée par la plupart des avocats d’une dimension unique et d’Israël et par les critiques juifs les plus respectueux d’Israël – rend impossible toute réflexion politique sérieuse, et sert de caution à des mesures brutales prises par le gouvernement israélien, qui sont destructrices, autodestructrices, et somme toute irresponsables »
Ordonné dans l’Église Unie du Christ, d’obédience d’extrême-gauche, et professeur émérite au Séminaire Théologique de Colombia affilié à l’Église Presbytérienne (États-Unis), Brueggemann est curieusement et largement admiré par les évangéliques gauchisants pour ses thèmes afférents à la justice sociale étatiste et pacifiste. Braverman est un psychologue clinicien d’origine juive, qui s’est radicalisé contre Israël après qu’un voyage en Cisjordanie, effectué en 2006, l’ait alerté sur les crimes de « l’occupation ». Travaillant avec le « Comité israélien contre les démolitions de maisons – États-Unis », et avec les « Amis de Sabeel en Amérique du Nord », Braverman s’est joint à la vieille Gauche Religieuse pour lutter contre les politiques pro-israéliennes des États-Unis.
C’est l’avant-propos de Brueggemann [au livre de Braverman] qui constitue la partie la plus remarquable de la polémique anti-israélienne de Braverman. Auteur et conférencier prolifique dans la série du producteur Bill Moyers, à la Radio-Télédiffusion Publique dans les années 1990, Brueggemann reste, jusqu’à ses dernières années de septuagénaire, l’un des théologiens gauchisants les plus influents d’Amérique. Comme il l’observe dans son avant-propos à Fatal Embrace, au début, il a soutenu l’auto-identification juive avec l’Israël historique, dans son livre de 1977, The Land: Place as Gifts, Promise, and Challenge in Biblical Faith. Mais il s’est rétracté lors de la réédition de cet ouvrage en 2002, raillant Israël d’avoir « fusionné des vieilles traditions de droit à la terre » avec la « capacité militaire la plus vigoureuse », dans un « engagement intolérable dans une violence qui est justifiée par la raison d’Etat. »
Dans Fatal Embrace, Brueggemann admet que sa prise de conscience de l’exploitation par Israël des « promesses anciennes » pour en faire une « idéologie empoisonnée » a été « lente à venir », mais il a plus qu’expié ses péchés supposés en approuvant pleinement les conceptions de Breverman et de la plus grande partie de la gauche religieuse, selon lesquelles Israël est le principal coupable. Il félicite Braverman de montrer que la « conviction élémentaire » qu’a Israël « d’être un peuple élu de Dieu », est la « cause profonde du conflit », donnant lieu à tant de « brutalité inhumaine » et refusant aux Palestiniens « la dignité et les droits humains ».
De manière significative, mais certainement pas surprenante, quelque chose de l’hostilité nouvellement née de Brueggemann envers Israël rejoint son hostilité de longue date aux États-Unis et à l’Occident en général. Comme il avertissait déjà, dans son livre de 2002, « c’est cette idéologie israélienne du droit [sur quelque chose] qui, par dérivation, a servi les puissances occidentales qui sont ancrées dans la même revendication idéologique et s’en sont servi comme d’un argument en faveur de la colonisation [et] […] et d’un engagement intolérable dans la violence ». Dans son avant-propos de 2010 à Fatal Embrace, Brueggemann affirme que sa critique de « l’exceptionnalisme » d’Israël [par analogie avec l’« exceptionnalisme américain » NdT.] peut s’appliquer au soutien idéologico-religieux à l’impérialisme expansionniste américain. » Il se demande si toute idée de « peuple élu », qu’il s’agisse d’Israël ou de l’église ou des États-Unis, n’a pas pour résultat inévitable « un absolutisme » et des « germes de violence ».
Les théologiens de gauche n’aiment généralement pas le judaïsme orthodoxe ni le christianisme, ils attaquent souvent leurs revendications exclusivistes, refusent les interprétations simples de leurs Écritures, et tentent de réinterpréter la religion comme une simple plate-forme pour un égalitarisme matérialiste imposé par l’État. Ce Judaïsme et ce Christianisme ont produit la Civilisation Occidentale, avec ses fruits d’autorité transcendante, de droits humains intrinsèques, et de gouvernement limité, qui les rendent d’autant plus répréhensibles pour la Gauche Religieuse. Pour cette raison, entre autres, la diffamation du rôle d’« élu » des Juifs dans les Écritures juives et chrétiennes, est souvent au centre de l’attaque de la Gauche Religieuse à propos de la compréhension occidentale de la liberté.
Dans son avant-propos à Fatal Embrace, Brueggemann déplore que ni la solution de « deux états » ni celle « d’un état [unique] » pour qu’advienne la paix au Moyen-Orient, ne deviendront viables tant que « l’exceptionnalisme juif ne cèdera pas » aux revendications palestiniennes sur la terre, qui « sont parallèles à celles des Juifs, avec la même passion et la même légitimité ». De manière presque comique, il compare le livre de Braverman au livre de la Bible consacré à la longue souffrance de Job, censé contester de la même manière une « idéologie fermée qui connaît toutes les réponses à l’avance, qui estime être fondée sur un niveau moral élevé, et qui permet à l’idéologie de faire le tri des données humaines ».
Ce Job présumé patient serait surpris d’apprendre qu’il est, pour Brueggemann, l’icône de la délégitimisation d’un Israël à la « politique militaire débridée », soutenue par des « porte-parole radicaux et violents du sionisme ». Cherchant à détourner la critique de lui-même et de Braverman, Brueggemann avertit préventivement que « les ardents avocats du militarisme et du droit territorial israéliens » sont prompts à recourir à des accusations d’antisémitisme. Apparemment, il est déraisonnable de craindre que le fait de faire porter la faute exclusivement sur l’Israël juif et ses 3000 ans d’auto-compréhension de presque tous les conflits du Moyen-Orient tourne à l’antisémitisme.
Non content de présenter l’introduction de Bruggemann et de consacrer un chapitre entier aux aperçus pénétrants du spécialiste de l’Ancien Testament, Braverman applaudit et cite comme sources la kyrielle habituelle des voix anti-israéliennes de la Gauche religieuse : Jim Wallis, le Conseil Mondial des Églises, section Presbytérienne (États-Unis), les dirigeants de l’Église Evangélique Luthérienne et de l’Église Méthodiste Unie, les Églises pour la Paix au Moyen-Orient, les Christian Peacemaker Teams [Mennonites], Sabeel, la radicale catholique éco-féministe Rosemary Radford Ruether, l’archevêque Desmond Tutu, Jimmy Carter, et même le vacillant théoricien de la conspiration du 11 septembre, Ray McGovern.
Fatal Embrace prêche son message d’anti-israélisme dogmatique uniquement au noyau dur de ceux qui sont acquis à sa cause, et n’ajoutera rien à la réputation de Braverman ni à celle de Brueggeman. Mais c’est la réputation du distingué théologien Brueggeman, jadis admiré au-delà des cercles de la Gauche Religieuse, qui a le plus à perdre.
© Frontpage Magazine et Mark Tooley *
* Mark Tooley est Président de l’Institut Religion et Démocratie (www.theird.org) et auteur de Methodism and Politics in the Twentieth Century. Son adresse sur Tweeter : @markdtooley.
- Brueggemann. Chosen? Op. cit., p. ix–x. ↵
- Ibid., p. 53. ↵
- Ibid., p. 15. ↵
- Naim Ateek, “The Earth is the Lord’s: Land, Theology, and the Bible,” in The Land Cries Out, edited by Salim J Munayer and Lisa Loden (Eugene, OR: Cascade Books, 2012) 178, 179. ↵
- Chosen? p. 19. ↵
- Ibid., p. 7, 12. ↵
- Ibid., p. 37, qui cite Martin Buber, On the Bible: Eighteen Studies (Syracuse, NY: Syracuse University Press, 2000), p. 29. ↵
- http://www.britannica.com/biography/Martin-Buber-German-religious-philosopher, lien vérifié le [21 juin 2016]. ↵
- Ibid., p. 49. ↵
- Resnik indique ici le lien au texte anglais de la déclaration, qui figure sur le site du think tank intitulé Conseil des Relations Etrangères. Lien vérifié le 20 juin 2016. Note du traducteur du présent article. ↵
- Chosen? Op. cit., p. 29. ↵
- Traduction de Robert Alter, The Five Books of Moses (New York, London: WW Norton, 2004), ad loc. ↵
- Ibid. La mise en italiques est de moi. ↵
- Ibid. ↵
- Chosen? Op. cit., p. 35–36. ↵
- Voir mon traitement de la question dans Creation to Completion: A Guide to Life’s Journey from the Five Books of Moses (Clarksville, MD: Lederer Books, 2006) 198–202. Je note que la racine verbale shuv apparaît sept fois dans ce passage et se rapporte alternativement à Dieu et à Israël. ↵
- Dt. 30, 4 dans Everett Fox, trad. The Five Books of Moses, The Schocken Bible, Vol. 1 (New York: Schocken Books, 1995) la mise en italiques est de moi. Alter traduit : “Should your strayed one be at the edge of the heavens, from there shall the Lord your God gather you in…” [Même si tes déportés sont à la limite des cieux, de là-bas, le Seigneur votre Dieu vous rassemblera.] ↵