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Abidé M. Grace Assouma et Émilie Tremblay
Dambisa Moyo est une auteure, conférencière et économiste engagée spécialiste de la macroéconomie, de l’aide étrangère et des relations internationales. Elle est l’auteure de plusieurs livres et articles sur la création de la richesse et les causes de la pauvreté dans le contexte de la globalisation de l’économie. Elle dénonce la souffrance profonde de la population africaine engendrée par la mauvaise gestion de l’économie et par l’aide internationale qu’elle juge « mortelle », du nom de son célèbre livre L’aide Fatale : Les ravages d’une aide inutile et de nouvelles solutions pour l’Afrique.
Enfance
Dambisa Felicia Moyo est née le 15 septembre 1969 à Lusaka, la capitale de la Zambie. Elle a passé une partie de son enfance aux États-Unis où son père effectuait ses études doctorales. Elle est ensuite retournée en Zambie à l’âge de 8 ans. Sa mère est alors nommée à la tête d’une banque, alors que son père poursuit sa carrière dans le milieu académique et dans l’administration publique. Elle se considère comme une Africaine qui a eu la chance d’avoir des parents éduqués qui lui ont montré l’importance des études. Ses parents, tout comme elle, sont issus d’une époque où l’État de la Zambie ne considérait pas les Noirs comme étant des personnes. Lorsqu’on naissait de parents noirs, on ne recevait pas un acte de naissance.
Cheminement académique et début de carrière
Elle a entamé des études en chimie à l’Université de Lusaka. Elle est partie aux États-Unis en 1991 pour y poursuivre ses études, alors que la Zambie connaissait une période politique difficile. Elle a effectué un baccalauréat en chimie, de même qu’une maîtrise en administration des affaires à la American University de Washington D.C. Par la suite, elle a interrompu ses études pour occuper pendant deux ans un poste de consultante à la Banque mondiale de 1995 à 1997. Elle a ensuite fait une maîtrise en administration publique à la John F. Kennedy School of Government de l’Université Harvard. En 2001, elle est recrutée par la firme Goldman Sachs, une banque d’investissement américaine, comme directrice de la recherche économique et de la stratégie pour l’Afrique subsaharienne. Elle conseille alors les pays en développement sur l’émission d’obligations sur le marché international. En 2002, elle a obtenu un doctorat en économie du St Antony’s College de l’Université d’Oxford en Angleterre. Sa thèse portait sur les taux d’épargne dans les pays en développement.
Une économiste engagée et critique du modèle dominant d’aide internationale
Dambisa Moyo a quitté son poste dans la firme Goldman Sachs en 2008, un peu avant la publication en 2009 de son premier ouvrage, Dead Aid: Why Aid Is Not Working and How There is Another Way for Africa[1]. Dès lors, elle multiplie les conférences à travers le monde. Dans ses écrits, elle se penche sur l’aide internationale, l’économie mondiale, la responsabilité sociale des entreprises et les relations internationales. Son travail explore les liens entre le commerce international et l’économie mondiale, tout en soulignant les opportunités clés pour l’investissement. Elle analyse également les tendances économiques et commerciales sur le continent africain. De même, elle étudie les modèles économiques des États-Unis et de la Chine. Dans le cas de la Chine, elle analyse particulièrement la course pour les ressources et les matières premières mondiales que mène le pays, de même que son modèle d’aide étrangère.
L’aide fatale au développement
L’assistance a été et continue d’être, pour la plus grande partie du monde en développement, un total désastre sur le plan politique, économique et humanitaire. [Elle] maintient l’économie dans un état de paralysie… [car] l’argent n’est pas utilisé pour des activités économiques durables en Afrique.
Selon Dambisa Moyo, l’aide internationale contribue au ralentissement des structures de franchises (détruit l’entrepreneuriat africain), à l’éloignement de l’Afrique au reste du monde et pour couronner le tout, corrompt les dirigeants et dirigeantes du continent africain, les rendant paresseux et non imputables. L’aide fatale au développement en provenance des pays occidentaux fait reculer l’Afrique en l’enfonçant de plus en plus dans la pauvreté, sans porte de sortie. Pourtant, on sait comment aider un pays à se développer, dit-elle en faisant allusion au plan « Marshall », le plan d’aide économique de 1947 qui a sorti l’Europe occidentale d’une situation économique très difficile à la suite de la Seconde Guerre mondiale.
Dambisa Moyo s’efforce de faire comprendre ce diagnostic aux leaders africains qui aiment leur continent et leur pays. Selon elle, l’un des aspects les plus déprimants de ce fiasco de l’aide est que donateurs, politiciens, gouvernements, universitaires, économistes et spécialistes, tous savent, au plus profond d’eux-mêmes, que l’aide ne marche pas, qu’elle n’a jamais marché et qu’elle ne marchera pas. En effet, à force de voir l’aide internationale venir pourvoir les soins de santé, l’éducation, la nutrition, les infrastructures de base, etc., les dirigeants africains ne sentent pas le besoin de faire quoi que ce soit pour leur pays. La formule d’aide au développement pour l’Afrique ne fonctionne pas et ne responsabilise pas les gouvernements africains, paralysant leur pays ainsi que les populations. Elle ne crée pas non plus d’emplois pour les jeunes. Par conséquent, l’Afrique régresse.
La lutte de Dambisa Moyo propose d’inverser les choses. Selon elle, l’Afrique doit tout faire afin d’obtenir son autonomie économique. Le besoin du continent est avant tout son indépendance économique.
Ses idées ont intéressé de nombreux leaders africains. En revanche, Bill Gates, dont la Fondation est très active dans l’aide internationale sur le continent africain, les a vertement critiquées. Cela a donné lieu à plusieurs échanges entre eux. Voici un extrait d’une réponse de Dambisa Moyo aux critiques de Bill Gates que nous retrouvons sur son site Internet :
Rejeter les arguments que je soulève dans Dead Aid à une époque où j’ai constaté la réussite économique de transformation des pays tels que la Chine, le Brésil et l’Inde, dévalorise mes expériences, celles de centaines de millions d’Africains et d’autres à travers le monde qui, jour après jour, subissent les conséquences du système d’aide.
Après Dead Aid, Dambisa a publié deux autres livres : Winner Take All: China’s Race for Resources and What It Means for the World (2012) et How the West Was Lost: Fifty Years of Economic Folly – And the Stark Choices that Lie Ahead (2011).
Auteure, conférencière et autres implications
Dambisa Moyo écrit également sur la finance, l’aide internationale et l’économie dans plusieurs journaux tels que Financial Times, The New York Times et Wall Street Journal. Elle donne des conférences partout dans le monde. Dans ses conférences, elle encourage la mise sur pied de moyens novateurs pour financer le développement dont la micro-finance, mais aussi le commerce avec la Chine. Elle collabore également au réseau CNBC.
Elle a souvent pris la parole à l’OCDE, à la Banque Mondiale, au Fonds monétaire international, au Council on Foreign Relations et à l’American Enterprise Institute. Elle est membre du Centre for International Business and Management (CIBAM) de l’Université de Cambridge et du Chatham House, The Royal Institute of International Affairs, un institut politique indépendant à Londres.
Elle siège également au conseil d’administration de différentes organisations et firmes comme Barclays, SAB Miller et Barrick Gold, mais aussi Lundin for Africa Foundation. Elle a également siégé dans le passé au conseil d’administration de l’organisation Room to Read. De plus, elle est l’une des mécènes de l’organisation Absolute Return for Kids (ARK).
Prix, reconnaissance et adhésions
En avril 2015, Dambisa Moyo a été nommée « penseur du mois » par le réseau Thinkers50. Elle a été récipiendaire en 2013 du prix « Hayek Lifetime Achievement Award ». En 2010, elle a fait partie de la liste des 150 femmes qui brassent le monde du Daily Beast. En 2009, elle a été citée dans le magazine Time comme faisant partie des 100 personnes les plus influentes dans le monde. Le Forum économique mondial l’a reconnue en 2009 comme une des « Young Global Leaders ». En 2009, l’animatrice américaine Oprah Winfrey l’a ajoutée sur sa liste des 20 femmes visionnaires les plus influentes.
Références
Houpt, Simon (2012), « Dambisa Moyo: A serving of controversy with a side of disdain », The Globe and Mail. En ligne.
http://www.theglobeandmail.com/report-on-business/careers/careers-leadership/dambisa-moyo-a-serving-of-controversy-with-a-side-of-disdain/article578961/
Leve, Ariel (2012), « Economist Dambisa Moyo on the life and death battle for the world’s resources », The Telegraph. En ligne.
http://www.telegraph.co.uk/finance/commodities/9354041/Economist-Dambisa-Moyo-on-the-life-and-death-battle-for-the-worlds-resources.html
Moyo, Dambisa (2009), L’aide fatale : les ravages d’une aide inutile et de nouvelles solutions pour l’Afrique, Paris, Édition Jean-Claude Lattès, 250 p.
Moyo, Dambisa (sd). Blog de Dambisa Moyo. En ligne.
http://dambisamoyo.com
Nahapétian, Naïri (2009), « L’aide fatale. Les ravages d’une aide inutile et de nouvelles solutions pour l’Afrique par Dambisa Moyo », Alternatives économiques no 285. En ligne.
http://www.alternatives-economiques.fr/l-aide-fatale–les-ravages-d-une-aide-inutile-et-de-nouvelles-solutions- pour-l-afrique-par-dambisa-moyo_fr_art_875_45456.html
Rivalland, Johan (2013), « L’aide fatale, de Dambisa Moyo », Contrepoints. En ligne.
http://www.contrepoints.org/2013/11/17/146499-laide-fatale-de-dambisa-moyo
Vuillemey, Guillaume (2009), « Dambisa Moyo, l’aide fatale », Libre Afrique. En ligne.
http://www.libreafrique.org/Vuillemey_Moyo_aide_FR_240909
Wolfowitz, Paul (2009), « Dambisa Moyo », The 2009 TIME 100. En ligne.
http://content.time.com/time/specials/packages/article/0,28804,1894410_1893209_1893459,00.html
(s.d.), « Dambisa Moyo – Zambian economist and writer », Encyclopædia Britannica. En ligne.
http://www.britannica.com/EBchecked/topic/1884911/Dambisa-Moyo
(s.d.), « Dambisa Moyo », 5x15stories. En ligne. http://5x15stories.com/presenter/dambisa-moyo/
(s.d.), « Dambisa Moyo », TED Speaker. En ligne. https://www.ted.com/speakers/dambisa_moyo
(s.d.), « Dambisa Moyo », Barclays. En ligne http://www.barclays.com/about-barclays/leadership-team/dambisa-moyo.html
Page Dambisa Moyo, Wikipédia L’encyclopédie libre. En ligne. http://fr.wikipedia.org/wiki/Dambisa_Moyo
Page Dambisa Moyo, Wikipedia The Free Encyclopaedia. En ligne. http://en.wikipedia.org/wiki/Dambisa_Moyo
Entretien avec Dambisa Moyo
Torrenzano, Antonio (2010), « “L’Afrique doit se tenir sur ses jambes”. Conversation avec Dambisa Moyo, Royal Institute of International Affairs », Blog e-South, Le Monde.fr. En ligne.
http://e-south.blog.lemonde.fr/2010/07/23/l’afrique-doit-se-tenir-sur-ses-jambes-conversation-avec-dambisa-moyo-royal-institute-of-international-affairs/
Pereira, Eva (2011), « Dambisa Moyo: An Economist With A Vision », Forbes. En ligne.
http://www.forbes.com/sites/worldviews/2011/04/19/dambisa-moyo-an-economist-with-a-vision/
(2011), « One-on-one with Dambisa Moyo, Barrick Gold’s newest Board member », Barrick. En ligne.
http://barrickbeyondborders.com/mining/2011/08/one-on-one-with-dambisa-moyo,-barrick-golds-newest-board-member/
Pour écouter ses conférences et interventions :
« Dambisa Moyo Official », YouTube. En ligne. https://www.youtube.com/user/dambisamoyo
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- Cet ouvrage a été traduit en français par la maison d’édition Jean-Claude Lattes sous le titre L’aide Fatale : Les ravages d’une aide inutile et de nouvelles solutions pour l’Afrique. ↵