13

Ghada Touir

Tawhida_Ben_Cheikh 2

La première femme tunisienne médecin, pédiatre puis gynécologue, du monde arabo-musulman, Tawhida Ben Cheikh a contribué de façon importante à transformer l’image et le rôle de la femme et à faire de la science une opportunité pour le développement durable, la paix et le changement en Tunisie à une époque bien particulière de son histoire. Elle fut une partisane active et importante dans la mise en place de la planification familiale et du premier journal féministe tunisien en langue française, Leïla.

Tunis-Paris

Tawhida Ben Cheikh est née le 2 janvier 1909 à Tunis. Orpheline de père, nièce de Tahar Ben Ammar (homme politique influent ayant conduit en 1956 les négociations pour l’indépendance de la Tunisie pour en signer le protocole d’accord avec la France le 20 mars 1956) et issue d’un milieu aisé et assez conservateur de Ras Jebel, une ville côtière du nord-est de la Tunisie, elle reçut une très bonne éducation. En 1928, elle devint la première bachelière à Tunis.

C’est d’ailleurs en raison de sa brillance, de son ambition et de sa détermination qu’elle put bénéficier de l’appui et du soutien du Dr Burnet, un médecin et chercheur français qui devint directeur de l’Institut Pasteur de Tunis et de sa femme Lydia dans son projet de poursuivre ses études universitaires à Paris. En 1929, autorisation lui fut donnée de partir, grâce au soutien indéfectible de sa mère Halouma Ben Ammar. La jeune Tunisienne prodige partit alors à Paris pour s’inscrire à la Faculté de médecine et en sortit diplômée en 1936.

Médecin et féministe engagée

De retour en Tunisie, encore colonisée par la France, la jeune médecin travailla d’abord dans une clinique privée (42, rue Bab Menara à Tunis) destinée en priorité aux soins des femmes et des nourrissons, puisque les lois coloniales ne lui permettaient pas d’exercer dans le service public. Militante féministe, elle participa, dès 1937, à l’action du Club de la jeune fille tunisienne et celle de l’Union des femmes musulmanes. Puis, elle assura la direction de la première revue féminine tunisienne, éditée en langue française, Leïla.

Après avoir exercé la médecine générale et la pédiatrie, elle se spécialisa en gynécologie. À l’aube de l’indépendance, Tawhida Ben Cheikh fit son entrée dans le milieu hospitalier public où elle travailla entre 1955 et 1977, d’abord à l’hôpital Charles Nicole, puis à l’hôpital Aziza Othmana à Tunis où elle dirigea les services obstétriques et de maternité. Elle a également contribué à la création de l’école des sages-femmes de Tunis. Dr Ben Cheikh devint aussi la première médecin femme à siéger au Conseil national de l’Ordre des médecins de Tunisie en 1959, pour en occuper le poste de vice-président en 1962.

Forte de cette expérience dans deux grands hôpitaux de la capitale, elle contribua à mettre en place la première politique tunisienne de planification familiale et de limitation des naissances en 1963 avant d’occuper par la suite le poste de directrice du Conseil national de la planification familiale en 1970. D’ailleurs, et dans cette optique, qu’elle fonda la première clinique africaine de contrôle des naissances dans Montfleury, à Tunis en 1968. Cette action lui permit d’affirmer le droit des femmes à la santé et aux soins en leur donnant accès à la contraception et à l’avortement dans les différentes installations reconnues.

Un engagement dans la société civile

Pendant la Seconde Guerre mondiale et ensuite, et comme bon nombre d’intellectuels et de militant(e)s de son temps, Tawhida Ben Cheikh s’engagea sous le signe du combat pour l’accès à la santé de la femme et le soutien aux démunis. Elle fonda un certain nombre de sociétés de bien-être, notamment la Société de l’aide sociale (jami3iyat al-Is3af al-Ijtima3i), l’Orphelinat Accueil (Dar al-Aytam) et Femmes Accueil (Dar al-Mar2a) en 1950. Elle fonda également la Société Qammata pour les soins de l’enfant et l’éducation maternelle visant à renforcer la conscience et la formation des mères de familles pauvres et démunies d’obtenir de meilleurs soins de santé.

À ce parcours militant et humanitaire s’ajoute son rôle en tant que vice-présidente de la Croix-Rouge tunisienne.

Décédée le 6 décembre 2010 à un mois de son cent-deuxième anniversaire, le Dr. Tawhida Ben Cheikh, mère de l’archéologue devenue directrice de recherche à l’Institut national du patrimoine tunisien, fut une grande femme de science qui apporte beaucoup de fierté aux femmes tunisiennes en particulier et aux femmes arabo-musulmanes en général.

Prix et distinctions

2012 : Création de l’Association Tawhida Ben Cheikh pour l’aide médicale, par sept femmes médecins le 14 février 2012.

2012 : Le 23 juin 2012, et à l’occasion de la Journée internationale de la femme, tenue d’un colloque sur la pensée et la carrière du premier médecin à Tunis, Tawhida Ben Cheikh, par l’Association tunisienne de la recherche et de l’étude.

2013 : Trois distinctions : 1) la production et la diffusion à Tunis d’un film intitulé « Les luttes d’une femme médecin » (Nidal Hakima) » (Première 05.12.2013), réalisé en son honneur pour documenter sa vie et sa lutte pour la santé des femmes; 2) l’émission d’un cachet de la poste tunisienne pour célébrer sa carrière; et 3) la création d’un centre de santé à Montreuil (près de Paris) appelé « Centre Tawhida Ben Cheikh ».

Références

Association for Middle East Women’s studies « Who is She? The Physician of the Poor [Tabibat al-Fuqara’] Dr. Tawhida Ben Cheikh ». AMSEWS E-Bulletin, issue 11, november 2014; p. 8. En ligne.
http://iwsaw.lau.edu.lb/publications/amews/amews-ebulletin-2014November.pdf.

http://www.lepetitjournal.com/tunis/a-la-une-tunis/97797-success-story-tawhida-ben-cheikh-premiere-femme-medecin.html

Dahmani, Frida, (2010), « Tawhida Ben Cheikh, le militantisme dans la médecine », Jeune Afrique.
http://www.jeuneafrique.com/Articles/Dossier/ARTJAJA2594p064-067.xml1/sant-tunis-portrait-m-decintawhida-ben-cheikh-le-militantisme-dans-la-m-decine.html

Portrait de Tawhida Ben Cheikh, Encyclopédie wikipédia.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Tawhida_Ben_Cheikh

L’Association Tawhida Ben Cheikh pour l’aide médicale : https://www.facebook.com/Association.Tawhida.BenCheikh/photos_stream.

License

Icon for the Creative Commons Attribution 4.0 International License

Femmes savantes, femmes de science Copyright © 2015 by Collectif d'écriture sous la direction de Florence Piron and Piron, Florence et al. is licensed under a Creative Commons Attribution 4.0 International License, except where otherwise noted.